C’est six ans après la sortie de sa première démo qu’Abduction a délivré son premier album, Une Ombre Régit Les Ombres. Pour le peu que nous puissions dire, c’est que les chroniques élogieuses pleuvent à son sujet et c’est bien mérité ! La musique des Français se situe entre des ambiances acoustiques automnales et des moments de violence plus propres au Black Metal…
Propos de Guillaume Fleury et François Blanc recueillis par Kevin Delattre
Pouvez-vous présenter Abduction à nos lecteurs ?
Abduction propose un Black Metal alliant mélancolie et violence à travers des compositions longues et variant beaucoup les atmosphères, afin de confronter en permanence calme et tempête, le tout porté par un chant alternant l’extrême et le clair et interprété en français.
Vous opérez dans un Black Metal violent et mélancolique. Quelles sont vos influences ?
Nos influences sont à trouver du côté de Dissection, Opeth et Primordial principalement. Cependant, je ne dis pas là que nous sonnons comme un mélange de ces trois groupes, je le précise car il semble, à la lecture de certaines chroniques, que plusieurs personnes s’y attendaient. Il s’agit simplement de groupes que nous aimons tous les quatre et dont nous pensons percevoir l’influence dans plusieurs domaines de notre expression. Mais nous composons au feeling et avons la sensation de posséder notre propre personnalité.
Niveau composition et écriture des textes, comment cela se passe t-il ?
Je prends en charge la composition des titres, la structure générale de chaque morceau, puis Morgan ajoute ses plans de batterie à l’ensemble, ce qui peut amener certaines modifications structurelles, Mathieu pose ensuite ses lignes de basse et commence à écrire les textes en se basant sur les discussions que nous avons tous les deux concernant les thématiques que nous souhaitons aborder ou que nous inspire la musique, tandis que je travaille les arrangements de guitare et réfléchit aux lignes vocales, puis François s’approprie les textes en essayant de suivre au mieux mes idées. Ainsi, même si je suis responsable de la majorité du processus créatif, c’est bel et bien un effort de groupe.
Après avoir sorti une première démo Heights’ shivers à l’automne 2010 et un changement de line up, vous avez mis plus de cinq ans pour sortir Une Ombre Régit Les Ombres votre premier album. Pourquoi un tel laps de temps ?
Nous avons rencontré de très nombreux problèmes techniques, qui ont considérablement ralenti l’enregistrement de l’ensemble (nous avons tout enregistré par nous-même avant de confier le travail de production à Déhà, sans parler des conflits d’emplois du temps, car chacun d’entre nous a un emploi plutôt prenant. Et puis, nous avons tenté de produire l’album par nous-même, avec l’aide d’un ami ingénieur du son, avant de réaliser que nous avions besoin de la vision d’un producteur extérieur pour porter nos compositions à un meilleur niveau sonore, car malgré tous nos efforts, nous ne parvenions pas à obtenir le résultat espéré. Tout cela mis bout à bout a donc pris cinq longues années mais nous sommes fiers d’avoir réussi à mener ce projet à bien malgré toutes ces frustrations.
Parlons un peu de votre album Une Ombre Régit Les Ombres. J’ai adoré vos changements d’atmosphères. Souvent, vous passez d’une ambiance très violente à une partie calme, mélodique et mélancolique…
Merci beaucoup ! Nous constatons en lisant les premiers avis au sujet de l’album que les réactions sont souvent très passionnées et rarement consensuelles au sujet de nos structures, ce qui est à mon sens très bon signe. Certaines personnes adhèrent totalement à notre parti pris de proposer des structures très complexes et remplies de coups de théâtres, tandis que d’autres n’y voient qu’un patchwork d’idées maladroitement assemblées. Ce que je peux affirmer avec certitude, c’est qu’aucune structure n’a été mise en place au hasard, nous avons pensé cet album dans ses moindres détails et sur une très longue période, ce qui nous a offert un recul optimal, et ce disque est d’ailleurs pour nous tout à fait cohérent et logique. Je pense simplement que notre musique ne s’apprivoise pas en quelques écoutes et qu’il faut « faire l’effort » de se plonger dedans pour que tous les petits détails se révèlent et que tout fasse sens. C’est une chose dont nous avions conscience et que nous assumons complètement. Je n’imaginerais pas raccourcir l’un de nos morceaux ou tenter de rendre certains enchaînements plus fluides, pour moi chacun d’entre eux raconte une histoire, avec ses rebondissements et j’aime beaucoup les contrastes forts entre ombre et lumière, agressivité et mélancolie. Je n’imagine pas une seconde composer un morceau qui coulerait tranquillement de source !
L’album dure plus de 50 minutes mais n’est composé que de six titres. Est-ce la force des choses qui vous a amenés à poser différentes ambiances dans le même morceau et vous a conduits à faire long ?
En réalité, tout cela s’est fait très naturellement. Depuis nos débuts nous composons des morceaux longs, car nous aimons raconter des histoires et proposer des variations d’atmosphères fortes au sein d’un même morceau. Et nos histoires sont longues et épiques ! Les compositions s’imposent donc d’elles-mêmes et il semble que 12 minutes représentent ainsi la durée moyenne globale pour développer nos idées.
Parlons un peu du chant. J’ai trouvé que le chant français de François Blanc donne un côté plus épique. Sa voix colle parfaitement à l’ambiance qui émane de votre album… Est-ce venu naturellement ou est-ce également une volonté de votre part ?
Si tu parles du rendu des lignes vocales, c’est une volonté de ma part, c’est même la raison pour laquelle nous avons recruté François, car celui-ci maîtrise aussi bien le chant extrême que le chant clair. Et il a bossé très dur afin d’assurer les lignes vocales que je lui avais écrites car celles-ci sont très différentes de ce qu’il a l’habitude d’écrire lui-même au sein de ses autres projets, Angellore et Betray-Ed. Il s’est déchiré sur son travail vocal et je pense que cela s’entend ! Si tu parles plutôt du fait de chanter en français, c’est une chose logique pour nous, il s’agit de notre langue maternelle, nous sommes plus à l’aise en l’utilisant, même si nous maîtrisons tous l’anglais, et nous adorons ses sonorités et la richesse de son vocabulaire.
Votre album est très poétique. Y’a t-il des auteurs qui vous ont influencé ou particulièrement émus ?
Indirectement, très probablement. Un texte comme celui de « Sainte Chimère » m’évoque à plusieurs égards l’univers de Poe. Mais cela n’était pas conscient au moment de l’écriture. La seule référence claire qui est faite est celle de l’introduction « L’Horloge », qui renvoie au poème du même nom de Baudelaire et cadre bien avec notre fascination pour le temps qui passe irrémédiablement et l’inéluctable éphémère de toute chose et tout être. Nous sommes également influencés par des images, des tableaux comme celui qui figure notre pochette, qui est une relecture du « L’Église D’Auvers-Sur-Oise » de Van Gogh. Nous sommes également souvent inspirés par l’atmosphère des lieux historiques ou des villes et villages chargés d’Histoire que nous visitons. Tout cet ensemble forme un tout qui caractérise notre univers.
Une Ombre Régit Les Ombres est sorti le 28 octobre sur le label Finisterian Dead End. Pouvez-vous nous dire plus sur cette collaboration ?
Lorsque nous avons entamé des démarches afin de trouver un label, Finisterian Dead End s’est très vite retrouvé au sommet de la petite liste que nous avons arrêtée, car nous suivions le travail de ce label depuis un moment et que nous le sentions réellement passionné et investi, de plus, nous aimions beaucoup l’audace et la pertinence de ses choix de signature. Ainsi, lorsque celui-ci s’est montré intéressé, nous avons rapidement stoppé nos démarches et après l’avoir rencontré en personne et échangé longuement sur nos attentes et sa manière de fonctionner, nous avons immédiatement choisi de signer avec lui, et nous ne le regrettons pas une seconde. Nous avons reçu plusieurs offres, mais la sienne comblait réellement toutes nos attentes, notamment celle, qui nous importait beaucoup, de sortir l’album à l’automne.
Avec l’atmosphère que vous posez sur cet album et le visuel qui l’accompagne, nous avons très envie de vous voir en live. Une tournée est-elle prévue ?
Nous avons hâte de porter notre musique sur scène, surtout que nous espérons pouvoir proposer des relectures différentes de nos morceaux, selon l’humeur, de réellement les faire vivre, car c’est là tout l’intérêt d’une interprétation. Cependant, nos emplois du temps ne nous ont pas encore permis de mettre tout cela en place de manière optimale et il va nous falloir un peu de temps. Mais c’est clairement un objectif très important pour nous et nous y travaillons en ce moment même ! Nous aimerions de plus proposer des concerts dans des lieux atypiques, ce dont notre pays regorge, car l’environnement apporte un réel plus à l’atmosphère d’un concert. En revanche, nous ne sommes pas intéressés par l’idée de tourner de manière incessante afin d’en vivre, nous préférons proposer des concerts plus rares mais travaillés avec passion.
Vous comptez à rester anonyme en live, vous arborez des sortes de masques. Quelle est l’idée de départ ?
En réalité, l’idée n’est pas de dissimuler notre identité puisque nous utilisons nos vrais noms. Les masques de médecins de la peste que nous portons servent notre univers visuel et permettent de poser des images qui collent selon nous à notre musique. Leur vocation est purement esthétique. Nous espérons pouvoir porter ces costumes durant tout un concert mais ce sera peut-être chose difficile car il sera sûrement difficile de respirer longtemps dans ces masques sur scène !
Je vous laisse le mot de la fin !
Merci beaucoup de votre intérêt pour notre groupe ! Nous avons mis énormément de passion et de sueur dans notre musique afin de proposer un résultat authentique et sincère et nous sommes très heureux de voir que beaucoup ont pris plaisir à se plonger dedans, car c’était pour nous une grande inconnue. Nous travaillons déjà intensément sur notre second album, qui, logiquement, ne mettra pas cinq ans à sortir, même si nous préférons ne plus jurer de rien à présent !
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