Vendredi 7 avril, le Betizfest de Cambrai recevra la tournée commune de Tagada Jones et No One Is Innocent, «Du Bruit dans l’Hexagone». L’occasion pour Sounds Like Hell Fanzine d’en savoir un peu plus sur ce projet qui sort des sentiers battus, avec deux groupes musicalement différents mais aux idées et aux valeurs communes. Entretien avec Niko, guitariste/chanteur de Tagada Jones et Kemar, leader pas moins charismatique de No One Is Innocent.
Propos de Niko et Kemar recueillis par Romain Descamps
Salut Niko et Kemar, vous débutez une tournée commune Tagada Jones/No One Is Innocent. C’est un projet inédit pour vos deux groupes, comment est-il né ?
Kemar : Les deux groupes se connaissent depuis quelques années… Nous avons déjà partagé l’affiche plusieurs fois. Et puis après les évènements de Charlie Hebdo, Tagada Jones a écrit « Je Suis Démocratie » et nous « Charlie ». On s’est alors dit qu’il fallait qu’on se rapproche. Sur notre live Barricade, nous avons pour l’occasion invité Niko sur scène pour jouer sur un titre avec nous. Et pendant que Tagada Jones écrivait son nouvel album, Niko m’a appelé pour proposer que nos deux groupes collaborent parce qu’on a des valeurs communes comme la lutte contre le Front National, ou encore la liberté d’expression, ou bien le fait de ne pas avoir besoin des médias pour exister. Les deux groupes partagent également cette idée commune qui veut que les groupes se fédèrent. On a une super scène Rock française, c’est primordial de rassembler nos forces si on veut évoluer. Et pour ça, Tagada Jones fait partie, à mon humble avis, de ces groupes qui arrivent à fédérer, il a notamment réussi via son festival « On n’a plus 20 ans », aux Herbiers, en invitant aussi bien No One Is Innocent, que Mass Hysteria et Les Ramoneurs de Menhirs…
Niko : En fait, la première « vraie » rencontre a eu lieu sur une date au Val d’Ajol. Ce n’était pas une soirée très joyeuse car elle était organisée pour rendre hommage à une amie disparue. Mais là, on s’est dit que c’était incroyable de ne jamais avoir collaboré ensemble, bien qu’on soit très proches. Du coup, le temps de faire coïncider les agendas des uns et des autres, on a pris trois ans et demi pour monter la tournée. Rapidement, de bonnes affinités ont vu le jour entre nos deux formations. C’est ce que nous voulons faire ressentir à nos fans !
Justement, vous défendez des valeurs communes. Était-ce important pour vous de faire cette tournée en pleine période de campagne électorale ?
Kemar : Cette tournée tombe à pic bien que l’on sache que la tournée ne changera pas les choses – les gens iront voter pour un tel ou un autre – mais c’est pour nous une thérapie, une forme d’exutoire pour nous qui vivons dans un pays où des menaces anti-sociales et destructrices évoluent. On utilise la musique pour dire ce qu’on pense. L’idée n’est pas de promettre quoi que ce soit, mais plutôt de dire aux gens : « Ce soir, on n’a rien à vous promettre, éclatez-vous, on va tout envoyer pour ça ».
Niko : Effectivement ça tombe bien, même si à la base ce n’est pas voulu. On s’est rendu compte après avoir calé la tournée que ça tombait juste avant ces fameuses élections. D’où le nom de la tournée « Du Bruit dans l’Hexagone ». Au final, on en profite car on trouve ça important de pouvoir véhiculer les messages qu’on a à faire passer.
Quel regard portez-vous sur l’actualité française et mondiale ?
Kemar : En France, avec ce que l’on vit, on est dans une révolution politique totale. Par les comportements de certains, les programmes anti-sociaux et complètement incohérents d’autres. On est déstabilisés de partout et on a la sensation que les vraies bonnes réformes ne sont pas celles qu’elles devraient être. Il y a aussi un manque flagrant de fédération entre certaines politiques. Et puis ces affaires d’emplois fictifs chez Les Républicains ou au Front National. Tout ça crée un climat qui pèse beaucoup sur le pays. Mondialement le constat est similaire. Toutes les cartes sont en train d’être redistribuées, notamment depuis l’arrivée de Trump à la tête des Etats-Unis. Et tout ces bombardements qui continuent au Proche-Orient. Au final l’avenir est assez sombre, parce qu’on est conscients de ce qu’il se passe, mais on n’a pas de vision d’avenir. Quel héritage allons-nous laisser à nos gosses ? C’est assez flippant.
Niko : L’actualité politique est très lourde justement. On voit les masques qui tombent avec toutes les affaires qui sortent de part et d’autres. Nos politiques ne sont plus que des individualistes, qui ne se soucient que peu de la vie des gens. Ils veulent juste briller et avoir le pouvoir. Ils oublient le vivre ensemble, l’humanisme et c’est pathétique. C’est pour ça que les gens n’y croient absolument plus. À l’évidence, il faut du changement. Mais ce changement ne doit pas passer par un parti comme le Front National, ce n’est pas concevable. Il y a quelques années, on pouvait encore trouver une certaine stabilité, mais aujourd’hui les gens ne savent plus à quoi se raccrocher. Quant au monde, il fait peur : le nationalisme qui monte dans beaucoup de pays, Trump qui arrive au pouvoir, Poutine en Russie…
À quoi faut-il s’attendre sur cette tournée ? Que comptez-vous faire pour fêter le quinzième anniversaire du Betizfest comme il se doit?
Kemar : Même si ce n’est pas toujours facile selon les organisateurs, on voudrait se retrouver à jouer ensemble, partager la scène sur au moins quelques titres. Quant à notre venue au Betizfest, on veut foutre le bordel ! Plutôt sur scène que dans les loges bien sûr… On aimerait vraiment souffler les bougies avec les organisateurs !
Niko : En fait, on n’a pas eu le temps de faire de répétitions communes, ce qui fait qu’on n’a pas pu concevoir un show spécial… Ce sera nos sets respectifs ! D’autant plus qu’avec Tagada Jones, on démarre la tournée du nouvel album. Mais oui, on va jouer quelques morceaux ensemble. Alors Cambrai prépare-toi, on va foutre le feu au Betizfest et faire que ce moment soit jouissif et qu’il reste graver dans la mémoire de celles et ceux qui bossent sur ce festival et dans celles des spectateurs.
Sur plusieurs de vos dates, vous allez partager la scène avec Sick Of It All. Qu’est-ce que ce groupe représente à vos yeux ?
Kemar : Même si on n’est pas forcément proches musicalement, on est ravis de partager la scène avec Sick Of It All. Ces mecs sont des pointures du Hardcore américain quand même. Alors ça nous fait forcément plaisir.
Niko : Avec Tagada Jones, on a déjà partagé l’affiche avec Sick Of It All il y a trois ans, lors d’une série de concerts en France. D’habitude, le groupe ne veut pas d’autres formations avec lui, mais là, ce sont eux qui ont demandé à ce qu’on les accompagne, et dans leur tour bus en plus ! Nous sommes extrêmement flattés parce qu’ils font partie des musiciens qui nous ont donné envie de faire de la musique. Ce sont des légendes américaines à nos yeux !
On en parlait tout à l’heure… On a déjà vu Niko en guest sur le live Barricade que No One Is Innocent a sorti en mai 2016. Suite à cette collaboration et cette tournée, des projets communs sont-ils en train de naître ?
Kemar : Effectivement, on cause de projets communs. Avec No One, on prépare notre prochain album et on aimerait beaucoup faire intervenir les copains de Tagada Jones et notamment Niko sur un titre…
Niko : Oui… Il n’y a rien de concret pour le moment même si Kemar veut que je chante sur un titre du prochain album de No One Is Innocent. Chez Tagada Jones, on n’a pas eu la possibilité de le faire sur La Peste & Le Choléra parce que les agendas ne coïncidaient pas… On a enchaîné sur l’enregistrement de l’album deux jours après la tournée du Bal des Enragés. On composait encore pendant cette tournée. Puisqu’écrire avec d’autres personnes prend beaucoup de temps, on n’a pas pu le faire… Mais on ne les oubliera pas la prochaine fois !
Tagada Jones vient de sortir son nouvel album La Peste et le Choléra. L’accueil est très encourageant et on a même retrouvé l’album dans le Top 50. Ça fait quoi ?
On a du mal à y croire. Si on nous avait dit ça un jour, on n’y aurait jamais cru. C’est même paradoxal pour un groupe comme le nôtre d’être là… On a toujours fait avec les moyens du bord, construit notre édifice pierre par pierre en refusant toujours de signer sur de gros labels, en montant notre propre structure, Rage Tour. Ça veut dire que de plus en plus de gens se retrouvent dans nos messages, dans nos idées. C’est peut-être aussi la conjoncture actuelle qui veut ça… Et puis, il faut dire qu’il y a de moins en moins de groupes qui portent des messages et véhiculent des idées. C’est dommage d’ailleurs.
La tournée pour l’album vient de commencer. Comment se déroule-t-elle ?
C’est excellent. Les gens adhèrent carrément et sont de plus en plus nombreux par rapport aux tournées précédentes. Il y avait déjà du monde et de la ferveur jusqu’alors. Mais là, le disque est sorti il y a à peine un mois et déjà les gens connaissent les paroles par cœur. Et du coup, l’ambiance s’en ressent à 200%, il y a une super énergie et une certaine folie qui se dégage.
Justement Kemar, as-tu des infos à nous confier sur votre prochain album, deux ans après le très réussi Propaganda ?
Les idées et les thèmes arrivent. On a déjà neuf titres bien avancés… L’album sera dans la même veine que Propaganda, mais en plus sombre. C’est sûrement lié au climat pesant dont on parlait tout à l’heure et à ce manque de visibilité pour l’avenir. Il y aura un thème récurrent mais je ne peux pas en dire plus pour le moment. Le groupe avance de disque en disque, sans faire dans la redite. On essaye d’être dans le présent tout en essayant de se projeter dans l’avenir, même si ce n’est pas toujours facile.
Tagada Jones / No One Is Innocent – En tournée dans toute la France !
Laisser un commentaire