Trois dates en France ! Deep Purple quelques jours après avoir annoncé la sortie de son nouvel album, InFinite, affirme sur les réseaux sociaux son souhait de mettre un (long) terme à sa carrière. Ainsi, le patronyme de l’album et sa pochette soulèvent un bon nombre de symboles : un logo « infini » sous-entendant une histoire qui ne veut peut-être pas se dénouer. Portant le nom de « The Long Goodbye Tour », la tournée implique un groupe qui a choisi de saluer « une dernière fois » l’ancienne capitale européenne de la culture…

Les raisons de cette tournée des adieux ? Le Pourpre Profond commence à prendre de l’âge. Le jour de leur venue en France, deux de ses représentants affirment en personne sur RTL, conscients du temps qui s’est écoulé depuis la sortie du premier album Shades Of Deep Purple (1968), qu’ils ne savent pas ce que l’avenir leur réserve. 50 ans de carrière, c’est énorme. À leur niveau, il est difficile de se projeter dans les 20, 30 années à venir. Autant mettre un terme à leur carrière. Alors laissons à Deep Purple le temps de déguster cette fameuse tournée des adieux comme l’a fait Black Sabbath – et comme le fait encore Scorpions aujourd’hui (depuis 2010). 

En tout cas, Deep Purple a bien montré qu’il n’avait que faire des caprices de Ritchie Blackmore (ce dernier a encore fait parler de lui dernièrement expliquant qu’il serait prêt à rejoindre Deep Purple si on le lui proposait) et qu’il pouvait bien remplir le Zenith à lui tout seul. Il est 19 heures et la fosse se transforme en fourmilière, mais c’est déjà au tour de Monster Truck de chauffer la foule. Choix redoutable, n’est-ce pas ?

Ils sont quatre. Clavier, guitare, chant/basse, batterie. Ils viennent du Canada et se produisent pour promouvoir leur dernier méfait : Sittin’ Heavy à coups de missives. Alors, il convient de dire que bien que la grosse majorité du public n’est pas venue pour les Canadiens, Monster Truck a bien rôdé son show afin de faire le plus bel effet sur la masse. La recette est simple : faites-la patienter avec « For Those About To Rock (We Salute You) » de vous-savez-qui, annoncez votre venue avec des lights clinquantes et le tour est joué ! Mais il faut faire vite, pas le temps de prendre la pause : les Canadiens ont quarante petites minutes (pour un total de huit titres) pour convaincre.

Alors, clairement, ça marche ! Le Rock typé « mecs de mauvaise vie » fait mouche au sein du public. Ce n’était pas sans compter sur l’interprétation de tubes comme « Don’t Tell Me How To Live » qui inspirent la débauche à des kilomètres. Tout est carré et interprété au pied de la lettre, sans effets superficiels – Et surtout, tout est fait pour donner l’impression aux vétérans du troisième âge présents dans la salle que rien n’a changé depuis l’an 1972 : scène sommaire, matériel d’époque, un clavier « oldschool ». On apprécie ce dépaysement… Un petit retour aux sources est toujours le bienvenu.

Les Monster Truck ont clairement senti l’intérêt de cette tournée et n’ont jamais lésiné sur la qualité de leurs shows. Tellement naturel dans sa démarche, le bassiste/frontman, Jon Harvey, ne cesse de demander à son public s’il va bien et accompagne son soliste Jeremy Widerman avec ferveur. Lui se contente d’épater en exposant sa palette d’influences « guitaristiques » : le Hard Rock sur « New Soul », « The Enforcer », le Southern Rock sur « She’s A Witch », mais aussi le Blues Rock sur « For The Sun ». Ne faisant qu’un avec sa guitare, Jeremy se jette au sol au pied de la batterie de Steve Kieley pour exécuter quelques solos ! La classe !

Petit bémol, malgré un son massif, le clavier de Brandon Bliss a clairement été laissé pour compte et a été boycotté par les grosses guitares. Mais pas grave, ce dernier expose une joie sans bornes ! Un gros salut et les Canadiens retournent dans leurs loges. Peut-être, seul l’avenir nous le dira, que ces bons gaillards rencontreront le même succès que Deep Purple.

Il est 20h40 et le public a droit à un peu plus d’une demi-heure d’entracte pour se ressourcer. La chaleur est écrasante… Néanmoins, elle ne gâche pas l’enthousiasme du public qui se remémore les moments qu’il a passés avec le groupe. Certains d’entre eux, à voir les t-shirts d’époque, sont des fans de la première heure et ont même eu la chance de voir le groupe en 1985 lors de la tournée « reformation » de la Mark II du groupe…

21H10… Les grands écrans s’allument et une illustration du line-up actuel façon « In Rock » sculpté dans la glace recouvre l’espace visuel.  Les musiciens font leur entrée et nous occuperont pendant presqu’une heure et quarante minutes de jeu. Et pourtant, malgré les quelques difficultés rencontrées par le frontman Ian Gillan dernièrement (le chanteur a été pris d’une crise de toux lors du morceau « Fireball » au Luxembourg…), le concert de Lille n’a jamais été entaché et répond à toutes nos attentes. Et que les plus téméraires et éternels insatisfaits en prennent de la graine !

Alors il est évident que le groupe est là pour promouvoir son nouvel album, InFinite. C’est ce qu’il a fait d’emblée en interprétant « Time For Bedlam » (Ian Gillan n’a pas usé d’effets vocaux pour fluidifier sa voix comme sur l’album). Le dernier clip « Johnny’s Band » (racontant les déboires d’un groupe qui a splitté après avoir rencontré le succès et qui se retrouve quelques années après pour rejouer ensemble), le lourd « Birds Of Prey » et enfin « The Surprising » (un titre particulièrement efficace puisqu’il permet de calmer le jeu de façon très subtile) ont défendu la crédibilité d’un album qui a reçu un bel accueil de la part des fans et médias spécialisés… Mais le public était-il vraiment venu pour ces titres ? Oui et non.

Malgré les « Uncommon Man » et « Hell To Pay » de TRÈS bonne facture (personne n’est resté de marbre face au caractère épique d’« Uncommon Man »), les titres qui ont fait mouche au sein du public furent tous ceux extraits des albums composés par la Mark II de la formation (Ritchie Blackmore, Ian Gillian, Jon Lord, Ian Paice et Roger Glover). Bref, vous savez, tous ces titres qui passent sans arrêt sur les ondes radiophoniques, ceux sur lesquels nous avons appris à jouer de la guitare quand  nous avions 12 ans : « Fireball », « Bloodsucker », « Space Truckin », « Strange Kind Of Woman » et l’intemporel « Smoke On The Water » en tête de liste !

Des vieux titres ! Y’a que dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe ! Certes, mais le groupe n’a pas eu peur d’illustrer ses classiques comme il se doit par l’intermédiaire de l’écran géant et autres artifices visuels : animations dans l’air du temps et des lights qui ne cessent de varier en fonction des atmosphères. Deep Purple fait dans le spectacle total et continue de stimuler tous nos sens.

Oui, mais Ian Gillan, est-ce qu’il assure encore ? Pas de polémique possible. L’homme de 71 ans se porte bien, malgré quelques toux ici et là, et une mémoire qui lui fait clairement défaut (il s’est à plusieurs reprises aidé d’anti-sèches caractère taille 50 posées sur le devant de la scène)… Mais la voix est toujours là et c’est tout ce qui compte. Il assure chacune de ses parties techniques (son chant clair et la portée aigüe de ses intonations ne sont pas à remettre en question compte tenu de son âge avancé).

Derrière, ça tabasse sec et le son est particulièrement bon (ce n’est pas toujours le cas au Zenith de Lille). Mention spéciale à Don Airey et son clavier dantesque… D’emblée, il s’affirme comme l’un des hommes de la soirée avec ses solos. Certaines de ses orchestrations ne sont pas sans rappeler les beaux moments qu’il a passés avec Ozzy Osbourne (le ton y est). On peut peut-être reprocher à ce grand homme de manquer de charisme par rapport au regretté Jon Lord, mais fort de ses 68 printemps, le musicien continue d’exécuter ses gammes avec une facilité déconcertante. C’est ce qu’il fait durant l’introduction de « Lazy » (Steve Morse s’amusait à lui répondre à coups de soli), mais aussi et surtout lors de sa plage personnelle – ou comment montrer son affection pour la région du Nord -. Il n’a pas hésité une seconde lorsqu’il a fallu rendre hommage au public en reprenant un des hymnes du Nord/Pas-de-Calais « Le Petit Quinquin » (« Ch’tiot Quinquin » pour les intimes) ! Et puisqu’un grand moment en suit toujours un autre, Don Airey balance les premiers accords de « Perfect Strangers » et est rejoint par ses acolytes. Quel enchaînement !

C’est « Smoke On The Water » (au cours duquel le public est mis à contribution pour y développer quelques parties du refrain) qui met un terme à la première partie show. Finalement, le groupe revient pour deux titres en guise de rappel « Hush » et « Black Night », séparés par une plage rythmique exécutée par Ian Paice et Roger Glover donnant du temps à Ian Gillan pour reprendre son souffle pour cet ultime titre.

On pourra peut-être reprocher à Ian Gillan d’avoir manqué de charisme ce soir, mais l’envie d’en découdre était là ! Il n’y avait qu’à le scruter du regard pour comprendre son enthousiasme devant une salle comble, signe d’une carrière bien remplie. Alors le 1 juin 2017 marquait donc la première étape des adieux de Deep Purple, et quels adieux ! Pendant que certains préfèrent rester dans leurs grottes pensant que Deep Purple ne vaut plus rien en 2017, 6000 pèlerins ont voulu saluer une dernière fois leurs idoles. Le rendez-vous est pris au Hellfest le vendredi soir ! Peut-être que cette fois-ci, on aura droit à « Highway Star », le grand absent de la soirée… 

Crédit photos : Marc-Antoine Beuret

Remerciements : Verone Productions, Gérard Druot Productions

A propos de l'auteur

Rédacteur en chef d'Heretik Magazine

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