En ce début du mois de juin, les infatigables Mass Hysteria étaient programmés en tête d’affiche du festival Y’a Pas L’Feu de Cambrin (62), l’occasion pour nous de nous entretenir une nouvelle fois avec Mouss (chant) et Yann (guitare). Avec déjà vingt-trois ans de carrière à leur actif, les musiciens nous livrent avec énergie et passion leur vision de la scène Metal actuelle et dressent le bilan de leur tournée.
Propos de Mouss (chant) et Yann (guitare) recueillis par Simon Tirmant
Salut les gars ! Matière Noire, votre huitième album studio est sorti en octobre 2015 et la tournée de celui-ci rencontre un franc succès. Après un an et demi passé sur les routes, quel bilan en tirez-vous ?
Mouss : C’est sans doute l’une des meilleures tournées de notre carrière. C’est vraiment excellent ! À l’époque de Contraddiction, une effervescence nous avait permis de faire une tournée sold-out et aujourd’hui, on a la sensation de réitérer l’expérience. Le petit plus c’est qu’on a eu l’occasion de jouer dans des festivals dans lesquels nous n’avions jamais joué auparavant, comme le Main Square ou encore le Musilac à Aix-Les-Bains. Je crois même qu’on les a tous faits.
Yann : Effectivement, on en a fait environ vingt cette année. D’ailleurs, on est dixième dans le classement des artistes qui se produisent le plus en festivals. Ce classement regroupe des artistes comme Nekfeu ou encore Jaïn. Donc voir Mass Hysteria au milieu de tous ces groupes qui ont une très grosse visibilité, c’est vraiment mortel. C’est très enrichissant de jouer dans ces endroits… Tu te retrouves face à un public totalement extérieur au Metal et à convaincre ! Mais après un coup d’électricité et de guitare, ils deviennent fans aussitôt !
Pour résumer : vingt-trois ans de carrière, huit albums studio, plus de huit cents concerts à votre actif, ce n’est pas rien ! N’y a-t-il pas un moment où on a envie de tout arrêter pour s’essayer à autre chose ?
Mouss : Si évidemment… il y a un moment dans la vie d’un artiste où tu as envie de passer à autre chose… Mais les rares fois où la question s’est posée, j’ai pris du recul et j’en suis toujours arrivé à la même conclusion : il n’est pas encore temps d’arrêter.
Et donc, tu signes pour vingt années de plus ?
Mouss : Oui, c’est ça ! (rires)
Yann : En ce qui me concerne, Mass Hysteria reste une priorité. Même si on ne gagne pas énormément d’argent, ça nous permet de vivre. En tout cas pour l’instant… C’est dingue, mais on garde les pieds sur terre et quand l’un de nous a une baisse de régime, on en discute entre nous et la machine repart.
Mouss : Il y a quelque chose d’indescriptible, qui ne s’achète pas, c’est la ferveur du public à notre égard ! Je ne pensais pas vivre ça dans ma vie. Quand tu as l’habitude d’aller à des concerts, savoir que tu vas te prendre une heure de musique que tu adores, c’est déjà magique, mais quand c’est à toi de monter sur scène… La sensation est indescriptible ! Il y a des groupes qui ont arrêté la musique et qui parfois reprennent parce que cette ferveur leur manque. Que tu sois dans une salle de cent personnes ou dans un festival de 50 000 fans qui hurlent pour toi, tu te rends compte de la valeur de la chose. On a des amis qui gagnent très bien leur vie, mais qui donneraient tout pour vivre ce que l’on vit en ce moment.
Pour rebondir sur ce que tu disais sur la ferveur du public, tu avais déclaré il y a un an lors de votre concert au Splendid de Lille que c’était « la guerre » en arrivant sur scène. Tu regrettais même de ne pas avoir filmé le concert. Vous avez ensuite joué au Betizfest de Cambrai où l’expérience s’est réitérée et enfin au Main Square où le public vous a réservé un accueil chaleureux. Quand vous avez vu que vous reveniez jouer dans le Nord, et plus particulièrement à Cambrin, quelle a été votre réaction ?
Yann: Le Nord, c’est vraiment particulier. On a toujours été très bien accueillis par le public.
Mouss : Les gens du Nord sont déjà au taquet, mais quand ils assistent au concert d’un groupe qu’ils adorent, ça devient vraiment furieux ! (rires) À contrario quand tu dépasses Lyon, la ferveur populaire est moins forte, on ne remplit pas autant les salles comme ici.
Cette tournée a tout de même été marquée par un changement de line-up. Vincent (basse) et Nico (guitare) ont quitté le groupe. On rappelle tout de même que vous vous êtes quittés en bons termes et que tout se passe bien entre vous.
Mouss : Vincent a arrêté parce qu’il est devenu papa d’un deuxième enfant. Quand il a vu la tournée qui se profilait, il a pris peur de l’intensité qu’elle demanderait. Avec son rôle de père, il s’est rendu compte que cela allait être difficile à gérer. C’est une décision courageuse et responsable. Il a préféré se retirer pour sa famille. Ça nous a un peu choqués puisqu’on s’apprêtait à faire la plus grosse tournée de notre carrière. Il continue quand même la musique avec son groupe The Videos, mais tourner comme on le fait actuellement n’est plus dans ses perspectives. Il reste pragmatique.
Sur le plan psychologique, ne vous êtes-vous jamais remis en question ? Ça ne doit pas être évident…
Yann : Ça met toujours un coup quand quelqu’un que tu aimes part. Quand Thomas est parti du groupe (le remplaçant de Vincent à la basse NDLR), pour le coup, ça m’a embêté. Personnellement, je pense qu’on a un pilier très fort au sein du groupe avec Raphaël (batterie), Mouss et moi. Un pilier très solide. Autour de ça, en ce qui me concerne, quand il y a un changement ça me galvanise. Je me dis que je vais aller chercher mieux et, je vois ça comme un nouveau départ. Il n’empêche quand même que le départ de Vincent nous a mis un coup, on ne s’y attendait vraiment pas. Il nous l’a annoncé du jour au lendemain… Mais on arrive toujours à rebondir !
Mouss : C’est vrai que ça peut paraître comme une épine dans le pied. Mais on ne va pas s’arrêter à ça. À chaque fois, on dépasse cela et ça nous amène à découvrir une nouvelle personne. Il faut que ça le fasse techniquement mais aussi humainement, et sur ce point, on a toujours trouvé les bonnes personnes. On n’a jamais été déçus.
Mouss, lors du concert au Trianon, tu as exprimé ton regret concernant le fait qu’il n’y ait pas de musiciens qui représente la catégorie « Rock » aux Victoires de la Musique. En fait, tu la voulais cette récompense ?
Mouss : À fond ! C’est clair que j’aurai bien voulu l’avoir cette récompense ! Ça fait 23 ans qu’on est là et on n’a jamais été cités nulle part… On fait pourtant partie des groupes de Rock français qui tournent le plus. Quand tu vois des artistes comme Jenifer qui sortent un album qui se vend à 7000 exemplaires et annulent toute leur tournée, mais qui à côté sont omniprésents sur les grosses chaînes, c’est assez agaçant.
Yann : On ne dénigre pas la variété, loin de là, on respecte tout type de musique. C’est juste assez frustrant de voir que toute l’énergie que tu donnes n’est pas récompensée. On ne dit pas qu’on a besoin de ça pour vivre… Mais pourquoi n’existe-t-il pas une catégorie Rock/Metal aux Victoires de la Musique où on retrouverait des groupes comme Gojira, Lofofora, Black Bomb A, Mass Hysteria et toute cette scène qui est totalement oubliée. Le style des grosses guitares n’est pas accepté…
Mouss : Que la musique Rock ou Metal ne soit pas la musique la plus écoutée en France, c’est un fait… Mais il faut qu’elle soit au moins considérée. Regarde aux États-Unis : Lady Gaga chante avec Metallica ! Ça met une claque quand même ! C’est comme si Jaïn venait chanter avec Mass Hysteria. Les Américains, eux, ils pensent « musique » avant tout.
Yann : Pour l’anecdote, en ce qui concerne Lady Gaga, il nous arrive de travailler sur des plans d’elle. Aussi, dans sa loge, elle a un caisson de vinyles Metal avec des albums de Slayer, de Black Sabbath et de AC/DC… Pourtant, elle fait de la musique Pop !
Pour terminer, j’aimerais avoir votre avis sur l’actualité. Est-ce que l’avenir vous inquiète ? Avez-vous peur pour les festivals d’été à venir ou encore pour la politique ?
Mouss : Absolument pas ! Je ne dis pas qu’il n’y a pas de danger, mais si tu vis avec cette peur, tu leur montres qu’ils ont gagné… Tu n’es pas à l’abri des intentions malsaines d’un taré. Il est hors de question d’accepter de vivre avec le terrorisme. Il faut accepter de le combattre.
Si je vous dis que Mass Hysteria est un groupe engagé, vous me répondez quoi ?
Mouss : Ah oui bien sûr ! Mass Hysteria est un groupe inscrit dans son époque. On ne fait pas de la variété. On n’habite pas en banlieue donc on ne fait pas de chansons sur le microcosme de la banlieue.
Yann : On est engagés car on encourage les gens à sortir de chez eux… Après, on n’est pas moralistes ! Si vous voulez que les choses changent, c’est à vous de le faire, de vous bouger et de vous cultiver…
Mouss : Il ne faut pas être ignorant. Il faut s’informer sur ce qui se passe mais surtout ne pas oublier de vivre sa vie.
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