« Tu connais le groupe ? Ben ouais et pas qu’un peu ! ». J’ai le coffret Dans La Chair et Par Le Sang (entre autres) moi Monsieur ! Malgré ce que pourrait laisser croire cette interrogation presque craintive de Nico, on ne présente plus The ARRS, sa renommée ni même son Metal-Hardcore. Alors c’est avec une joie non dissimulée que je me rends au Biplan pour m’entretenir avec eux, au grand complet et même avec d’anciens membres! La classe ! Trois quarts d’heures pour une interview complètement wtf, complètement déjantée, complètement second degré et complètement à côté de la plaque mais putain d’inoubliable. Alors, pour une fois, prépare-tes méninges plutôt que tes épaules parce que ça risque de partir dans tous les sens et de cogner sévère !
Propos du groupe recueillis par Romain Richez au Biplan le 26 Mai 2017.
Mettons de suite les pieds dans le plat : pourquoi cette décision d’arrêter l’aventure The ARRS ? Uniquement pour faire chier tout le monde ?
Nicolas « Nico » Laurent : T’as des sous ou de la bière ? Parce que là pour répondre à ça ! (rires). On a dit qu’on ne répondrait pas à cette question pour le moment, on la réserve pour C8, pour Hanouna…
Mathieu « Paskual » Arnal : Dites la vérité les gars ! Depuis que je suis parti, vous n’y arrivez plus quoi… (rires)
Mickaël « Mike » Desvergnes : On a fait le tour, ça nous soule un peu, on aime les gens mais pas trop. On est des connards ! (rires)
Nico : Pour répondre sérieusement, c’est très simple. On a des vies au-delà de la musique, une vie de famille, qui fait qu’à l’heure d’aujourd’hui c’est assez compliqué de concilier les deux. On préfère s’arrêter en étant à fond plutôt que de voir arriver le petit déclin qui peut s’installer au fur et à mesure… Tout ceux qui liront l’interview et qui ont des enfants comprendront que ce n’est pas évident de lier une vie professionnelle, que ce soit dans la musique ou non et une vie de famille. Nous avons besoin de prendre du recul tout simplement et je pense que c’est le bon moment.
Philippe « Phil » Cavaciuti : Sinon en vrai, on est tous maqués, on ne nique plus de putes même en jouant dans The ARRS. Alors on se casse tous en Australie pour aller baiser des putes et du coup on n’aura plus le temps de jouer ! Nan, mais trouvez une vraie excuse les gars quoi… (rires)
Vincent « Toki » Bertuit : Haha, ça c’est parfait, mais c’est une phrase de Philippe ! On se dédouane de toute responsabilité ! On se dédouane nous, on n’y est pour rien !
Nico : Avec toutes vos conneries, foutus pour foutus, c’est vrai que ça nous fait plaisir de faire chier tout le monde ! C’est vrai que la tournée se passe super bien et s’arrêter en plein essor, on trouve ça cool ! C’est très négatif, c’est un peu comme se couper les dreads : tu l’as pas vu venir ! Comme dirait As They Burn « on est à fond dans notre art » ! (rires).
Nico : Bon aller pour finir sur une phrase sérieuse, on arrête non pas car nous n’aimons pas la musique, mais pour prendre du recul. Mais aussi parce que certains ont d’autres projets perso à côté. The ARRS est une grosse passion dont nous sommes très fiers mais qui nous prend beaucoup de temps, qui est très très chronophage. Et nous avons besoin d’évoluer en dehors de The ARRS, notamment sur le plan personnel, alors voilà le pourquoi du comment.
Avant de parler plus longuement de la fin, revenons au début avec la question qui a du être posée un milliard de fois : comment a débuté l’aventure The ARRS ?
Nico : C’est très simple en fait, Pierre et moi habitions dans le même hameau…
Phil : Dans le même quoi ?! « Hameau » ?! Ah le mec moyenâgeux quoi ! (rires)
Nico : Ouais en l’an de grâce 1998 ! Dans notre bloc, on était les seuls à écouter ce genre de musique. J’étais au 5ème étage, lui au 7ème, alors des fois je montais là-haut. Aujourd’hui, on est potes depuis plus de vingt-cinq ans, mais à la base on était voisins et on cherchait quoi faire pour s’occuper. Il avait une guitare, de mon côté je ne savais rien faire, alors je lui ai dit que j’allais chanter ! C’est une histoire de potes, d’une bande de potes qui s’est d’ailleurs développée sur les bancs du lycée, notamment avec Toki, puis plus tard Paskual etc. The ARRS, c’est une histoire d’adolescents, c’est vraiment un groupe de potes à la base. On ne cherchait pas à être connus, alors aujourd’hui on hallucine un peu sur ce qui est de notre renommée !
Le choix du français plutôt que du yaourt shakespearien pour les textes, c’est parce qu’à l’époque, les notes d’anglais au lycée ne suivaient pas et que tu avais un accent pourri ?
Phil : C’est par racisme, par nationalisme ! La France ! Jeanne… Au secours ! (rires)
Nico : Non, c’est juste que l’Anglais ne nous parle pas, c’est tout. J’écris mieux en français qu’en anglais et je ne vois pas l’intérêt de penser en français pour écrire en anglais. Utiliser le français est venu naturellement, la question de la langue des textes ne s’est même jamais posée. Le français était une évidence. Mon accent, lui, est parfait je te rassure !
Le monde est rassuré alors ! La question « gros boulard » du jour : aujourd’hui que la réputation de The ARRS n’est plus à faire, que The ARRS fait rêver les adolescents -, qu’est-ce que vous ressentez ?
Nico : Ça nous touche, notamment quand quelqu’un vient nous montrer ses tatouages du groupe. Ça fait plaisir quand quelqu’un écoute le groupe et aime ce que nous faisons. Mais surtout, ça nous fait des rencontres et cela nous permet de discuter avec les gens. Ce sont plus des rencontres humaines qu’autre chose.
Phil : Mouais, on se dit surtout qu’il y a moyen de pécho ! (rires)
Nico : Nan mais Philippe, quand quelqu’un vient te voir pour dire qu’il aime ce que tu fais, ça te fait quoi toi ?
Mike : Ben il bande ou alors il fait l’hélicoptère ! (rires)
Nico : C’est pas professionnel du tout ça ! (rires)
Toki : Pour amener quand même une phrase sérieuse, disons que vu le travail investi en amont, cela fait plaisir qu’il y ait des retours positifs après. Et on est toujours très heureux de rencontrer les gens, notamment ceux qui aiment ce que l’on fait !
Pour en arriver là, The ARRS c’est presque vingt ans de carrière. S’il ne fallait en retenir que quelques souvenirs, lesquels seraient-ce ?
Pierre Acedo : Je pense que Paskual sera assez d’accord là-dessus. Un super souvenir est lorsque nous avons eu notre premier camtar. C’est un super souvenir, le premier camion ! Avec le premier camion, on est partis tous ensemble sur une date. C’était génial, c’était notre camion, on partait jouer en province, c’était magique. On était tous ensemble dans notre propre camion pour aller faire un concert, c’est un super souvenir !
Nico : Intimement, je retiendrai la première fois que nous avions joué sur Paris. C’était dans un bar qui s’appelait le Boxer Café avec Munshy. Sinon pour me la raconter, c’est quand on nous a appelés à l’arrache pour remplacer Architects au Hellfest ! (rires)
Phil : D’avoir fait le Hellfest ça c’est top, le vendredi on t’appelle « Ouais euh sinon ce week-end tu fais quoi ? Car on joue à 20h30 au Hellfest, tu peux te libérer ? ». Après dans le même genre, on t’appelle « Ouais euh t’aime bien Soulfly ? Parce qu’on joue avec eux ce week-end, tu peux te libérer ? ».
Mike : Putain ouais ! A l’Elysée Montmartre mon gars ! Remplie, sold-out !
Phil : Ouais ! Mais surtout le Hellfest pour ma part ! D’ailleurs, un de mes meilleurs souvenirs, c’est lorsque l’on me demande « C’était bien le Hellfest ? » et que je réponds « Lequel ? ». Là, tu te sens vraiment connard ! (rires) Sinon, en vrai, mon intronisation dans le groupe. Enfin, c’est mon plus beau souvenir pour les autres, puisque je n’en ai aucun souvenir ! Je me souviens juste m’être réveillé avec un peu de moutarde et de ni clou ni vis dans le cul. (rires)
Toki : Pour moi, je pense que c’est lors du premier Fury Fest que nous avons fait, lorsque nous sommes arrivés sur scène ! La scène était beaucoup trop grande et nous n’avions pas les câbles qu’il fallait, les nôtres étaient beaucoup trop petits, c’était des jacks de 3m. Nous n’avions pas encore sorti notre premier album, …Et La Douleur Est La Même, et nous y étions pour remplacer un groupe au pied levé. Du coup, nous nous sommes retrouvés sur la grande scène à jouer avant des groupes comme Sick Of It All, Fantômas et Slayer. Deux mois plus tard, nous faisions sold-out au Nouveau Casino, le 3 septembre 2005.
Paskual : Après, il y a eu bien sûr d’autres dates super mythiques : un Trabendo en 2009, l’Olympia, le Hellfest etc. Ce sont aussi d’énormes souvenirs ! Il y a des gens qui se sont rencontrés grâce aux concerts de The ARRS, il y a même des gens qui sont sortis du coma grâce à The ARRS ! (rires)
Mike : Sinon, mon souvenir, c’est lorsque Phil m’a dit « Ben, t’es le nouveau Stefo » ! J’ai fait « Ah bon, ça veut dire quoi ? » mais bon, ça aurait été encore mieux qu’il me sorte « Ben, t’es le nouveau Paskual ». Bon après, je dis ça juste parce que Paskual est là en ce moment ! (rires) Plus sérieusement, lorsqu’il m’a demandé si j’étais libre pour les prochains concerts et qu’à terme j’étais intégré dans le groupe. Ça, ainsi que toute l’année et demie qui a suivi, avec un Hellfest etc. Je suis passé de joueur dans des caves pourries ou sur des palettes dans des forêts au Hellfest ! (rires)
Bon allez, encore une question où tout le monde pourra participer. Parmi toutes les sorties studios de The ARRS, laquelle est la plus marquante ?
Mike : C’est nul comme question, c’est l’EP Crepuscule évidemment, pour dire à tout le monde qu’on se casse enfin ! Ou alors, c’est parce que c’est le seul sur lequel j’ai composé… (rires)
Toki : C’est …Et La Douleur Est La Même je pense, ou Trinité.
Nico : Trinité, c’était de la bagarre !
Pierre : Je pense que c’est Trinité, l’album qui a vraiment boosté The ARRS. Après, le premier album …Est La Douleur Est La Même est le plus marquant, c’est là que nous étions le plus impressionnés. C’était notre bébé, c’était notre premier album, quelque chose d’énorme pour nous quoi. Pour nous, on passait enfin chez les pros en quelque sorte.
Nico : Je crois qu’on est le groupe le plus simple des plus pros ! (rires) On était vraiment comme des dingues pour sortir ce premier album, mais aussi tous les autres qui ont suivi. Mais, si on devait choisir, ce serait le premier ! On était vraiment très heureux d’avoir travaillés avec Francis Caste, on rentrait dans la cour des grands, c’était fou pour un petit groupe de banlieue à l’époque ! Si on ajoute à ça le sold-out au Nouveau Casino pour la sortie de celui-ci, c’était un truc de dingue !
Paskual : C’était une autre époque, on était jeunes et encore en jogging ! (rires)
Toujours dans les sorties studios, Khrónos est sorti il y a désormais deux ans. A l’époque, saviez-vous que ce serait le dernier album de The ARRS ?
Nico : Non, je ne pense pas, on a jamais eu de plans, on a toujours tout fait à l’instinct.
Toki : Quoi que… Nous nous étions dis qu’il y avait une chance que ce soit le dernier quand même. Mais, on ne voulait pas s’arrêter sur cet album, on ne voulait pas s’arrêter à la fin de la tournée de celui-ci. En gros, on ne voulait pas arrêter sans se dire qu’on arrêtait vraiment. Alors on s’est dit qu’on allait refaire un dernier petit quelque chose et qu’on arrêterait à la fin de la tournée de celui-ci. Nous avons commencé à composer et les compositions ont donné l’EP « des adieux », Crepuscule.
Nico : D’ailleurs, celui-ci a été composé depuis l’arrivée de Mike. On voulait enregistrer des morceaux qu’il a pu composer sur la tournée. C’est un peu le minimum pour quelqu’un dans le groupe. On a voulu sortir Crepuscule pour cela mais aussi pour faire un cadeau à tous nos amis, notre public. Parce qu’on est sacrément contents quand on vient nous montrer des tatouages The ARRS ! (rires)
Mike : Je suis fier de cela, car je suis un fan du groupe ! Je suis d’abord un fan avant d’être un musicien de The ARRS. Fan… Même si à la base, je ne les aimais pas ! (rires) Je te raconte un peu l’histoire : c’était mon deuxième concert en tant que musicien, c’était il y a douze piges à Neuilly-sur-Marne dans une salle des fêtes. Donc j’arrive avec mon groupe de l’époque pour faire les balances. Et là, ces trous du cul de The ARRS montent sur scène et nous sortent qu’on ne fera pas les balances, qu’ils vont les faire à notre place. Je les ai détestés pour ça ! Bon après, j’ai rejoué avec eux en tant que musicien au sein d’un autre groupe, et là je les ai adorés puis j’ai été les voir en concert et c’est devenu un de mes groupes préférés. Mais à la base, je ne les aimais pas ! (rires)
Nico : Pour en revenir à Khrónos, même rétrospectivement, on ne lui changerait absolument rien. Bon, il y a deux-trois fautes d’accord… Mais on ne changerait rien, c’est parfait. D’ailleurs, changer quelque chose avec le recul, ce n’est pas le concept du groupe.
Parlons de l’EP Crepuscule ! C’est un cadeau d’adieu ou une envie dévorante de composer ensemble une dernière fois ?
Nico : On avait besoin de matérialiser le fait que nous arrêtions. Nous voulions faire quelque chose entièrement produit par nous-même. Ne pas avoir de label, de l’autoproduire, de refaire comme avant, à nos débuts.
Mike : Et surtout, au moins comme ça, j’ai fait des morceaux ! D’ailleurs, il est bien cet EP ! (rires) Il y a trois styles de musique différents avec parfois des sonorités n’ayant jamais été entièrement affirmées auparavant. Y en a même une entièrement Death. Bref, plusieurs styles donc il y en a pour tout le monde !
Et pour le Crepuscule Tour, c’est une vraie tournée d’adieu ou c’est une tournée d’adieu à la Scorpions au terme de laquelle The ARRS sera encore là dans dix ans ?
Nico : C’est une tournée Crépuscule avant tout, donc à son terme, le rideau tombe et on va se coucher.
Mike : Et après, il y a l’aube. A l’Aube Tour ! (rires)
Paskual : Ceci dit c’est une bonne question, si ça se trouve dans trois-quatre même cinq ans il y aura une tournée…
Nico : Mais en tout cas, pour l’instant et humainement, on a besoin de faire un break et on se dit qu’il n’y a pas de lendemain. Parce que demain ne meurt jamais (Pierce Brosnan, elle est pour toi celle-là !).
Paskual : Je t’imagine bien avec maman et les gamins à la maison, au fond de ton jardin entrain de cueillir tes radis. Crois-moi, à ce moment-là, tu vas vite rappliquer et le groupe va vite se reformer pour repartir en tournée ! (rires)
Nico : Vu comme ça, c’est très possible ! (rires) Plus sérieusement, on a tous besoin de mettre un petit hola. Si un jour, par hasard, on doit repartir en tournée, nous le ferons en étant beaucoup plus frais. On s’est quand même bien ruiné la santé pendant toutes ces années, mine de rien…
Le Crepuscule Tour s’achève sur une date au Trabendo le 11 Novembre prochain. A quoi peut-on s’attendre pour cette date ? D’ailleurs, Just Live avait été capté au Trabendo, peut-on y voir le signe d’un possible successeur ?
Nico : Le Trabendo va être une date de folie ! D’ailleurs, on va annoncer les groupes avec qui nous jouerons d’ici un mois à peu près. Mais quoi qu’il en soit, il y aura plein de surprises ! Pour un nouveau DVD live, nous n’avons pas envie de nous mettre la pression donc on verra. De toute façon, avec Alek qui filme la tournée, nous avons tout ce qu’il nous faut. Donc on verra ! Mais après, on change très vite d’avis. Disons juste qu’aujourd’hui, nous n’en avons pas envie ! (rires) Seul l’avenir le dira…
La dernière question, c’est un classique des face-à-face: un petit mot pour la fin ? Mais alors vraiment un seul petit mot ?
Phil : Ta chatte !
Mike : Mobylette !
Pierre : « Mobylette » ? C’est pas mal « mobylette », je pense qu’on va rester sur « mobylette ». « Mobylette », c’est même très bien !
Nico : « Mobylette » ?! Nan mais c’est complètement con cette interview… Enfin pas toi, c’était très bien, c’était intéressant ! Mais nous… Nous, on est complètement nuls…
Phil : « Macron sauce moutarde » ! Sinon y a des fricadelles ce soir ou pas ?
Toki : Hé, il est déjà 22h, le temps passe vite en ta compagnie ! Faudrait peut être qu’on se grouille, on joue bientôt… En tout cas, merci à toi !
Honnêteté journalistique oblige, en vrai, les derniers mots de l’interview étaient « T’as soif ? » avec une bouteille houblonnée (déjà fort bien entamée) tendue. Mais bon, à cette heure, comme pour tout le reste, on n’est plus à une goutte près comme dirait l’autre. Bref pour en revenir à nos mouchoirs, même au bord de la fin, The ARRS reste The ARRS et reste à jamais graver dans le Hardcore. Alors pas de chichis et pas de fricadelles au menu, juste une dernière date lilloise dans un Biplan complet dont les murs ont, par la suite, dégouliné de sueur pendant plus d’une heure d’un show intense et furieux qui laissera quelques nez et arcades ouvertes. Du coup, avant qu’il ne soit trop tard, et même si demain ne meurt jamais, autant se pointer sur la route de leur Crépuscule et se déchaîner une dernière fois au cœur de l’arène du pit pour atteindre la délivrance avec ces hommes d’honneurs hors normes…
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