Necrowretch a sorti Satanic Slavery, son nouvel album, en avril dernier et le défend depuis sur les routes. Après un passage remarqué au Fall Of Summer 2017 (voir le report du jour 1), le groupe sera de passage dans un autre festival, des Hauts-de-France celui-là, le Tyrant Fest ! Alors en attendant de pouvoir s’extasier à nouveau sur son Death Old School (le samedi 11 novembre au Métaphone de Oignies), nous sommes partis à la rencontre de son leader, Vlad.
Propos de Vlad recueillis par Céline De Beer Wozniczka et Hyacinthe Gomérieux.
Crédit photos : Phenix Galasso Photography.
Peux-tu nous présenter Necrowretch ?
Necrowretch existe depuis bientôt 10 ans. On a commencé de manière très intimiste, à faire des démos k7, à faire des vinyles qui sortaient sur des labels à l’autre bout du monde et puis petit à petit les choses ont évolué. On a fait des concerts en France et à l’étranger, vraiment le schéma classique des groupes des années 80 et pas du tout dans une démarche numérique : on imprimait des flyers nous-mêmes en noir et blanc, on les envoyait par la poste et puis ensuite, on a signé sur un label plus important. D’abord Century Media où on était le seul groupe français à l’époque, puis Season Of Mist. On a connu pas mal de galères de line-up au fil des années, je pense que nous sommes à la 8e ou 9e configuration différente… Je suis le seul à être resté depuis le début, mais le groupe survit, il est plus fort.
Comment êtes-vous perçus en France ?
Pendant les cinq premières années, le groupe était plus actif à l’étranger qu’en France !
C’était partir pour mieux revenir ?
On peut dire ça comme ça, même si la tendance s’est stabilisée ses dernières années. On va faire autant de concerts en France qu’à l’étranger alors qu’au début, il y avait certaines années où on ne jouait même pas en France ! Notre signature chez Century Média reste l’un des moments les plus forts pour nous : ça faisait trois ans que je jouais de la guitare, c’était quelque chose de complètement fou pour nous. Ça avait fait une onde de choc dans le milieu à ce moment-là : beaucoup de gens nous ont donnés pour vendus, d’autres pour morts et je crois qu’on leur a bien donné tort aujourd’hui !
Votre troisième album, Satanic Slavery, est sorti chez Season of Mist en avril dernier. Peux-tu nous en parler ?
Ce troisième album a été composé de manière un peu plus brute, un peu plus énervée que les précédents. On a eu quelques soucis avec notre précèdent label, Century Media, quand ils ont été rachetés par Sony. On a dû quitter le label à ce moment-là, et donc dans les heures qui ont suivi, on a basculé chez Season Of Mist. Il y avait l’envie de se dire « Bon, on va faire un nouveau disque. On va remettre les compteurs à zéro sur pas mal de choses et on va présenter LE disque qui sera le plus bestial, le plus possédé, le plus Death Metal ». En fin de compte, comme si c’était notre dernier disque ! On a mis toute notre énergie dedans et donc on a changé l’artiste qui s’occupait des illustrations, on a changé le studio et on a changé la manière d’enregistrer. On a enregistré en live alors qu’avant, on enregistrait toujours piste par piste. Une nouvelle ère complète, on a changé le line-up : en studio, ce n’était pas le même. Il n’y a que la musique qui est vraiment restée beaucoup plus puissante. Et même moi, au niveau de la composition, j’ai quitté toute activité professionnelle à ce moment-là. Je me suis enfermé pendant des mois et des mois uniquement pour écrire l’album, pour produire l’album, aller en studio, faire le disque… Pendant quasiment 1 an, j’ai travaillé non-stop dessus entre la composition, les démos, en parler aux autres, faire des pré-prods… et la bête a ensuite été capturée. Toute cette énergie est dans le disque tout simplement.
Plusieurs de vos albums ont été masterisés chez Temple Of Disharmony (Candlemass, Asphyx, Darktrhone… NDLR). Quelle relation entretenez-vous avec eux ?
Temple Of Disharmony est assez réputé en Allemagne. Des gros groupes ont travaillé avec eux comme des groupes plus intimistes. On a eu affaire à un technicien qui a vraiment la connaissance de tous nos albums cultes. On peut très bien lui dire « Donne-moi le son batterie de Sepultura 89 » et il va savoir si ça correspond ou pas. C’est extrêmement important. Il y a eu un bon travail sur le mix et sur le master. Les échanges étaient assez naturels. Quand la personne sent l’album dès les premières prises de son, il se dit que c’est un bon disque et qu’il a envie de travailler dessus. C’est ce qui fait un bon résultat à la fin ! Et vis-à-vis de notre changement de label, Season Of Mist a répondu à notre appel, a eu confiance en nous pour produire un album qui s’avère à mon avis, être le meilleur qu’on est produit.
Quels sont les thèmes abordés sur tes albums et en particulier sur Satanic Slavery ?
Pour toute la période des EPs des cinq ou six premières années puis pour le premier album, on avait essayé de créer une sorte de storyline autour d’un prêtre qui était un peu possédé, qui allait ressusciter, un peu à la manière d’un film d’horreur, avec des histoires de nécromancien… Tout était un peu naïf en fin de compte, comme dans les bons groupes de Metal. Il n’y a pas forcément plus de connaissance derrière. On représentait ce prêtre sur toutes les pochettes, une sorte de fascination pour Iron Maiden d’un côté et King Diamond de l’autre. À partir du second album et surtout sur Satanic Slavery, on ne voulait pas s’enfermer, faire une parodie de nous-mêmes en fin de compte ! Il faut se renouveler, mais en montant à chaque fois la barre de plus en plus haut et on a pris des thèmes un peu plus vrais, plus proches du monde dans lequel on vit.
Plus personnels aussi ?
Pas forcément, plus du ressenti par rapport à l’époque dans laquelle on vit. Par rapport aux religions, aux tensions actuelles… Et par rapport aux « textes », issus de plusieurs livres sacrés des différentes religions. Étudier cela plus en profondeur et prendre certains éléments, les tourner de manière un petit peu plus « Necro » en quelque sorte. Prendre quelques versets à droite et à gauche et se dire « Et si, on les tournait de façon Death Metal, ça pourrait faire un morceau carrément cool ! ». Après il y a beaucoup de références un peu cachées mais je préfère que les gens se creusent la tête pour les trouver (rires). On a passé pas mal de temps dessus, sur l’écriture. On m’a épaulé à ce niveau-là pour faire un produit où les paroles soient aussi importantes que la musique.
On ressent une atmosphère glaciale, obscure et dénuée de sentiments… Est-ce que tu abordes la musique avec un profond détachement du monde qui t’entoure ou au contraire c’est un exutoire ?
C’est clairement un exutoire, une sorte de punching-ball, de moyen de prendre une revanche sur pas mal de choses, d’exprimer beaucoup de choses sinon je vais prendre un camion et rouler sur des gens comme certaines personnes le font… C’est plus fort avec la plume ou avec la musique, c’est plus intelligent de faire ça, ça reste beaucoup plus puissant, ce sont des choses qui restent dans le temps.
Finalement, tu es dans le partage malgré tout ?
Oui c’est ça. Il s’agit d’entraîner les gens dans mon monde et ça se ressent sur scène, la manière dont on regarde les gens.
C’est ce qu’on s’est dit tout à l’heure en vous voyant sur scène : le chant est totalement possédé et vous êtes en tension permanente.
On a toujours fait les shows le couteau entre les dents, comme si c’était le dernier moment de notre vie. Faire quelque chose de super dynamique, c’est un peu la marque de fabrique du groupe : le putride, le bestial, le Death Metal avant tout ! Le dynamisme, la crédibilité, l’intention qui est vraie. Pas comme certains groupes dont le show est bien, ça joue bien, mais il n’y a pas ce truc qu’on ne peut pas attraper.
Du coup, vous oscillez entre le Death et le Black. Comment perçois-tu ta musique et ses deux styles que tu proposes ?
On s’est toujours considéré avant tout comme un groupe de Death Metal même si on a un pied qui est ancré dans le Black, car on aime aussi beaucoup de groupes de Black Metal mais je ne pense pas que le groupe se considère comme tel. Même dans l’attitude, dans la façon de jouer sur scène, on va plus s’apparenter à un groupe de thrash des années 80 qui joue très vite. Après, il y a une sorte d’ambiance « Putrid Death Metal satanique » comme on l’avait évoqué à l’époque pour nous identifier quand on a commencé en 2008. Il y avait une énorme déferlante de groupes suédois qui rejouaient comme dans les années 90. Ils s’achetaient les mêmes pédales, etc. On avait un pied dedans au tout début, car on faisait beaucoup de tail threading avec ces groupes-là. On avait la même démarche : faire quelque chose de très rétrograde ! On s’est très vite coupés de ce monde-là parce qu’on ne voulait pas suivre une mode. Notre musique était comme ça et elle allait rester la même. Là où l’on voit que la plupart des groupes suédois de la fin des années 2000 qui jouaient un Death Metal très old school sont ensuite partis vers un Metal beaucoup plus psyché, aérien, nous, on rentrait dans une démarche à laquelle personne ne s’attendait. C’est là qu’on a créé cette étiquette de « Putrid Death Metal », pour être sûrs qu’on ne nous mette pas dans un quelconque catalogue.
Il y a quelque chose de vraiment vintage finalement dans ce que vous faites. Tu parlais des années 80, mais c’est vraiment une couleur que vous recherchez…
Oui, on recherche ce côté qu’on a tous ressenti quand on écoutait pour la première fois des disques de Slayer, ou encore de Sepultura. Une musique très rapide. Quand on entend ça la première fois, on arrive à un niveau de vitesse qu’on ne connaissait pas, qu’on ne pensait pas possible. Il y a quelque chose dans ses disques, même 20 ans après quand on les réécoute. Ça reste beaucoup plus dynamique, plus Metal extrême que tout ce qui peut se faire aujourd’hui avec la technologie. Nous, on essaie de rentrer dans ce sillon, d’avoir quelque chose de vivant, quitte à se poser moins de questions sur certaines choses, et foncer, la tête dedans.
Quelles sont alors les racines musicales du groupe ?
Mes racines musicales sont clairement dans le Death Metal américain de la fin des années 80 comme Death, Morbid Angel, Deicide et également la scène suédoise qui nous a beaucoup influencés, surtout au début, comme Entombed, Dismember et toute la clique. Mais on a un profond attachement à la scène sud-américaine, je parle de Sepultura bien entendu – les vieux albums – et également de tous les groupes du Pérou, du Chili comme Mortem, Anal Vomit, Sarcofago. Ce côté très jusqu’au-boutiste avec souvent des productions très pauvres. On a beaucoup de respect pour ces groupes-là, qui ont une démarche très rétrograde, même pendant dix ans, vingt ans et qui continuent de faire de la musique très possédée. Après il y a aussi tout le Heavy Metal comme Iron Maiden ou Black Sabbath. Tous ses albums cultes restent malgré tout les bases du Metal pour un grand nombre de metalheads. Quand tu écris un riff, il y aura toujours un bout de Maiden ou de Sabbath dedans.
Vous êtes un des rares groupes français à être présents au Fall Of Summer aux côtés de Marduk ou encore Merciless qui sont aussi des influences pour vous. Qu’est-ce que ça vous fait ? C’est un accomplissement, une reconnaissance ?
On a beaucoup de fierté. Ça montre une certaine crédibilité, un accomplissement. Chaque date est importante pour moi. Il n’y a pas une date moins importante qu’une autre. C’était important pour nous de jouer au Fall Of Summer, c’est le festival en France qui représente une facette underground du Metal… Ça paraît logique en fin de compte d’être présent avec Necrowretch et représenter un des groupes français qui s’est beaucoup démené ses dernières années. C’est un festival fait par des passionnés et des fans. Longue vie au Fall Of Summer.
Vous avez une tournée en préparation ?
On a enchaîné plusieurs dates depuis la sortie de l’album mais pas une tournée à proprement parlé, plutôt un week-end sur deux en Turquie, en France, en Finlande, en Suisse, en Suède et en Allemagne. La fin de l’année verra une tournée avec Impiety et beaucoup de dates en France notamment. Et l’année prochaine, dans d’autres endroits du monde comme l’Amérique du Sud ou encore l’Asie. La bête est lancée ! On n’a pas encore exactement le pied dans ce milieu où, quand l’album sort, on voit un bloc de 40 dates. Il faut savoir que les agences de booking proposent des packages très chers à des milliers d’euros et nous n’avons pas jugé que le jeu en vaille la chandelle pour le moment. On continue notre facette underground même si cette année et l’année prochaine, on fera plus de concerts que jamais auparavant, sur des scènes de plus en plus intéressantes. Je suis persuadé que les choses vont s’enclencher naturellement.
Un dernier mot pour les lecteurs d’Heretik ?
Merci à tous les gens qui nous soutiennent depuis bientôt dix ans, et rendez-vous sur scène ! See You In Hell !
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