Déjà trois ans qu’ils ont sorti l’album Apex Predator – Easy Meat et les revoilà avec une compilation regroupant une flopée de titres rares (31 titres pour 1 heure et demi de musique, excusez-les du peu) : Napalm Death. Si le groupe s’est fait discret dernièrement en termes de sorties, les Britanniques ne comptent pas ralentir la cadence pour autant. La preuve avec ces nouvelles dates qui tombent un peu partout sur le continent, dont une dans les Hauts-de-France, au Poche de Béthune (le 10 mai prochain – Complet). Alors curieux d’en savoir un peu plus sur la nouvelle compilation du groupe et sur son état d’esprit, la rédaction d’Heretik Magazine est partie consulter son charismatique hurleur, Barney… Et c’est à un frontman plutôt décontracté et toujours aussi loquace que nous avons eu affaire.
Propos de Mark « Barney » Greenway recueillis le 31 janvier 2018.
Salut ! Comment te portes-tu quelques semaines avant la sortie officielle de Coded Smears and More Uncommon Slurs ?
Je vais très bien, écoute ! Nous sortons donc cette compilation qui contient pas mal de titres qui ne sont pas si faciles à trouver que ça. C’étaient des morceaux qu’on avait mis en « bonus-track » dans nos derniers albums, donc tout le monde ne les connaît pas…
Dans cette compilation, il y a « What Is Past If Prologue » et « Oh So Pseudo », qui figurent sur l’album Apex Pretador – Easy Meat. Pourquoi ne les avez-vous pas gardés au frais pour ensuite les inclure dans un nouvel album ?
En fait, quand nous avons pour objectif de sortir un nouvel album, nous ne composons que des nouveaux morceaux. Je pense, concernant les morceaux que tu as mentionnés, qu’on ne les aurait pas enregistrés si on n’avait pas pris la décision de les mettre en bonus. Là, vu qu’ils étaient enregistrés, je ne vois pas pourquoi on aurait attendu de les mettre sur un futur album, ça n’a pas vraiment de sens.
Parmi ces raretés figurent également pas mal de reprises comme « Clouds Of Cancer/Victims Of Ignorance » de G-Anx. Il y a également « Paracide » de Gepøpel, « To Go Off and Things » de Cardiacs, « Crash the Pose » de Gauze ou encore « Lifeline » de Sacrilege et « Outconditioned » de Despair. Ces groupes sont très « underground ». Est-ce que tu peux revenir sur ces choix ?
En fait, en ce qui concerne le titre de Despair, c’est Century Media, notre label, qui nous a demandé de l’enregistrer, mais nous avons eu le choix pour les autres morceaux. On aime beaucoup faire des reprises de morceaux que personne ne connaît. En général, ce sont des groupes que nous aimons depuis des années. Ils sont plus « underground », oui, et c’est une bonne chose de les mettre en avant.
Il y a également ce titre « An Extract (Strip It Clean) ». Il figurait alors sur le split EP que vous aviez sorti avec Heaven Shall Burn !
Oui, nous sommes très différents, très très différents même, mais nous sommes proches, et nous avions pensé qu’il serait intéressant de sortir quelque chose ensemble. On a donné ce morceau et ça a bien fonctionné, même si certains de nos fans n’ont pas trop aimé l’idée tout simplement parce qu’Heaven Shall Burn est différent, et que le groupe ne sonne pas du tout comme nous…
« Phonetic For The Stupefied » est lui issu d’un autre split EP, celui que vous aviez sorti avec Voivod à l’occasion du Deathcrusher Tour en 2015. Vous aviez tourné avec Carcass, Obituary et Voivod un peu partout en Europe. Quelques souvenirs à partager avec nous ?
Pour être honnête, je ne me souviens plus de grand-chose ! Mais si mes souvenirs sont bons, nous nous étions produits à Paris, juste après les attentats de 13 novembre (C’était à la Cigale, le 23 novembre, NDLR). C’était dans un club, situé non loin du Bataclan et l’atmosphère qui régnait était très pesante. Tout le monde était un peu stressé. C’était très spécial et un dispositif d’urgence avait même été mis en place au cas où une nouvelle fusillade aurait lieu. Par exemple, étaient mises en place de nombreuses issues de secours… Néanmoins, ce fut une très belle tournée : il y avait ces quatre groupes, très différents, très bons dans leur domaine. Ça a bien fonctionné pour nous.
Napalm Death va-t-il continuer à sortir des split EP avec les groupes avec lesquels il tourne ?
Oui, bien sûr ! Pour le moment, rien n’est planifié, mais tout est encore possible !
Est-ce que tu peux me présenter le morceau « Earthwire » ? Il me semble que ce morceau a une histoire très particulière et que tout le monde ne le connaît pas…
… D’où l’intérêt de sortir cette compilation ! En fait, nous avions écrit ce morceau dans le but de récolter des fonds pour le Népal, qui venait de connaître un terrible tremblement de terre (en 2015, NDLR). Les gens étaient malades, et n’avaient plus rien ! Donc, oui, nous avons récolté des fonds pour aider ce peuple, et l’avons fait par l’intermédiaire de ce morceau, « Earthwire », qui était « téléchargeable » sur Internet en échange d’un don.
Est-ce que le morceau « Will By Mouth » est directement lié à la pochette de la compilation ?
Non, il n’y a pas le lien direct.
Apex Predator – Easy Meat est sorti il y a presque trois ans maintenant. Avez-vous commencé à travailler sur son successeur ?
Eh bien, nous ne sommes qu’au tout début, et pour te dire, je n’ai pas gran- chose à dire, si ce n’est que nous sommes actuellement en train de le composer. J’ai quelques morceaux. J’ai commencé à les écouter, mais je n’ai pas encore de paroles. Rien n’est encore décidé, que ce soit le titre de l’album ou le concept.
As-tu quelques nouvelles de Mitch Harris ? Il est censé revenir dans le groupe…
Je pense que Mitch devrait enregistrer l’album avec nous, même s’il ne veut pas reprendre les concerts. Je ne sais pas. Je ne dis pas qu’il ne reviendra jamais, on verra bien !
La musique de Napalm Death est très agressive, mais elle entre en contraction avec vos convictions. Est-ce que ta musique est un moyen d’exprimer ta colère ?
La musique est, je pense, un moyen d’exprimer mon ressenti sur tout ce qui se passe aujourd’hui. Eh oui, la musique de Napalm Death et ses paroles sont très contradictoires. Notre musique est violente, c’est un fait, mais nos paroles ne font pas l’apologie de la violence, donc, c’est deux choses distinctes. Néanmoins, je trouve que c’est très bien ainsi… D’un point de vue artistique, je trouve que c’est très intéressant. Ça crée un beau contraste, et ça marche plutôt bien.
Il y a trois ans, tu as demandé au Président Indonésien d’épargner la vie de deux personnes. Penses-tu que la musique a un rôle à jouer dans tout cela ?
Je ne sais pas si on peut dire ça. Ce n’est pas trop le sujet en fait. La vraie question, c’est de se demander ce que la musique peut faire. La musique peut être engagée, comme elle peut ne pas l’être. La musique peut être tout ce qu’elle veut, et c’est ça qui fait sa beauté. La musique est un des derniers langages qui nous permet de tout dire. Si les gens veulent faire de la musique, ils sont libres d’y inculquer une morale, ou pas. Dans le cas de Napalm Death, si je tiens à ce qu’un morceau véhicule une idée, je le fais.
Barney, le groupe et toi êtes contre toutes formes de fascisme et de racisme. Par exemple, tu as décliné l’invitation du Blastfest après que le groupe Peste Noire fut ajouté à l’affiche à cause des propos racistes que le groupe véhicule. Alors question : allez-vous continuer à vous produire aux États-Unis, bien que Donald Trump ne cesse de faire des sous-entendus de ce genre ?
Les deux cas que tu présentes sont quand même très différents. Je respecte les agences de booking qui veulent nous faire jouer, et malheureusement, il y a ces groupes qui véhiculent des idées fascistes… Ils sont libres de dire ce qu’ils veulent, mais j’ai encore le choix en tant que musicien de ne pas être impliqué dans un festival qui programme un groupe qui propage des idées malsaines. En ce qui concerne Donald Trump, Napalm Death peut encore se produire aux États-Unis, mettre ses idées sur la table et parler… Ce n’est pas parce que Napalm Death va continuer à se produire aux États-Unis qu’il soutient Donald Trump ! Après, concernant ce fameux festival, tout le monde a fait le choix qu’il pensait être le meilleur, et il y a des groupes qui ont accepté de s’y produire même s’ils sont contre les idées véhiculées par Peste Noire.
Napalm Death est régulièrement sur la route. As-tu le temps de découvrir de nouveaux groupes quand tu es en tournée ?
À vrai dire, je dois t’admettre que je n’ai rien écouté de nouveau depuis de nombreuses années maintenant… Je sais, ce n’est pas très « fair-play » envers ceux qui me donnent leur CD, mais je n’ai vraiment pas le temps ! J’ai une énorme pile de CDs à écouter, et je suis malheureusement trop occupé !
Tu restes proche de tes racines « underground » donc…
Oui, par exemple, j’aime beaucoup l’album que le groupe japonais Bastard a sorti en 1993, No Hope In Here !
Comment fais-tu pour garder un tel timbre de voix après toutes ces années ?
Pour moi, tout n’est pas qu’une question de pratique. Il ne suffit pas de se concentrer sur sa voix pour assurer ses vocalismes. Il faut surtout faire attention à son hygiène de vie. Tout est lié dans notre corps, tu sais. Si tu fais attention à ton hygiène de vie, il y a de grandes chances que ta voix reste puissante.
Vous partez bientôt en tournée. Vous allez passer par chez nous, à Béthune au Poche le 10 mai (complet !). Vous serez également à l’Alcatraz Festival en août prochain. Préfères-tu te produire dans des petites ou dans de grandes salles ?
Où que nous nous produisions, nous donnons toujours le meilleur de nous-mêmes. Néanmoins, c’est plus agréable de se produire en festival… Quand je me produis sur de plus grandes scènes, l’air y est plus respirable, alors que ce n’est pas du tout le cas dans les petites salles.
Napalm Death a toujours été engagé dans de nombreuses causes humanitaires, notamment l’écologie. Que penses-tu de ces politiciens qui tentent de trouver des solutions par l’intermédiaire de conférences comme la COP 21 ?
J’espère qu’ils trouveront des solutions, néanmoins, c’est surtout à cause de ces grosses entreprises et de ces business-men que la planète devient de plus en plus sale… On a donné l’autorisation à ces grosses compagnies de surexploiter les ressources naturelles. Après, il y a ces politiciens comme Donald Trump, qui débloquent totalement en proposant des idées absurdes, comme ouvrir la voie au forage dans l’Océan Arctique. C’est totalement absurde ! C’est à nous de faire en sorte que ces choses n’arrivent jamais… C’est vraiment très important. Les politiciens sont vraiment concernés, car c’est eux qui donnent l’autorisation aux groupes industriels d’exploiter ces ressources… On se dit que ce n’est pas important, on se dit que les ressources de la Terre sont illimitées, mais ce n’est pas le cas. Le jour où il se passera quelque chose de grave, nous n’aurons que nos yeux pour pleurer. Ça fait quarante ans que l’on parle des conséquences de la déforestation, pas seulement dans l’Amazonie, mais on continue… Les gens ne comprennent pas que ce sont les arbres qui nous permettent de respirer un air pur. Les arbres absorbent également l’eau au niveau des couches hydrostatiques… Si on les supprime, on se retrouvera submergés par les eaux, on tombera plus souvent malades. Ça fait vraiment peur.
Napalm Death, c’est :
Mark « Barney » Greenway : Chant
Shane Embury : Basse
Mitch Harris : Guitare/Chant
Danny Herrera : Batterie
Discographie :
Scum (1987)
From Enslavement to Obliteration (1988)
Harmony Corruption (1990)
Utopia Banished (1992)
Fear, Emptiness, Despair (1994)
Diatribes (1996)
Inside the Torn Apart (1997)
Words from the Exit Wound (1998)
Enemy of the Music Business (2000)
Order of the Leech (2002)
The Code Is Red… Long Live the Code (2005)
Smear Campaign Full-length (2006)
Time Waits for No Slave (2009)
Utilitarian (2012)
Apex Predator – Easy Meat (2015)
Coded Smears And More Uncommon Slurs (2018-compilation)
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