Porte-parole de la nouvelle vague de Black Metal, les Allemands d’Ultha, passionnés par l’univers de H.P. Lovecraft, nous reviennent avec un nouvel album, The Inextricable Wandering, où se confondent désespoir et malêtre existentiel. Et c’est que la névrose commence à prendre de l’ampleur… Repérée par l’écurie Century Media, la jeune formation va désormais bénéficier d’un rayonnement exemplaire, ce qui lui permettra de répandre sa philosophie de vie un peu partout en Europe.
Propos de Ralph Schmidt (chant, guitare) recueillis par Axl Meu
Est-ce que tu pourrais revenir sur la signification du mot « Ultha » ?
C’est simple. Ultha est le nom d’une ville dans un roman de H.P. Lovecraft. Il a écrit cette nouvelle, The Cats of Ulthar… Je suis un très grand fan de son univers, et je ne suis pas le seul dans le groupe ! Ses histoires sont très sombres et dégagent beaucoup de désespoir. Quand nous cherchions un nom pour le groupe, nous avons directement pensé à cette option. Puis, « Ultha » est un nom qui est symétriquement intéressant, il y a comme « un pic » à la moitié…
Tu me parles de Lovecraft. Nous, Français, pensons directement à The Great Old Ones qui s’inspire également de sa littérature.
Nous avons déjà joué avec eux, dans le cadre d’un festival en Allemagne ! Nous connaissons également leur ancien label, Les Acteurs de L’ombre Productions, qui s’est occupé de Paramnesia, un groupe de Strasbourg avec qui nous avons sorti un split l’année dernière !
Votre nouvel album, The Inextricable Wandering, délivre beaucoup d’atmosphères, beaucoup de désespoir…
On a commencé à travailler sur cet album courant novembre 2017. Nous avions assuré pas mal de dates l’été et nous nous sommes dit qu’il nous fallait écrire de nouvelles chansons. Je suis le compositeur principal et j’écris également la plupart des paroles. Le dernier morceau de l’album, « I’m Afraid To Follow You There », nous a au moins demandé trois mois de travail intensif. Dans sa globalité, l’album nous a demandé au moins cinq mois ! Cette fois-ci, c’était un peu particulier pour moi de concevoir cet album puisque j’ai rencontré pas mal de problèmes. Et je n’écris de la musique que lorsque je suis dans un état déplorable. Donc, avec Ultha, j’écris sur la mélancolie, la tristesse que je ressens. Nous voulions écrire un album qui ait pour sujet la peur. Tu sais, cette peur qui contrôle les individus. Je suis professeur de philosophie et j’ai traité ce sujet en profondeur. Il n’y a qu’à regarder le monde qui nous entoure pour se rendre compte que chacun joue sur la peur des autres pour s’imposer, notamment les partis extrémistes. Chez vous, vous avez Marine Le Pen. Ça fait peur, et ce sujet était intéressant à exploiter. Ma vie était particulière en ce début d’année. J’ai vécu des mois difficiles, et pour finir, tout cela s’est retrouvé dans cet album. The Inextricable Wandering est un album guidé par la peur… Des peurs que j’ai eues dans ma vie.
La structure de l’album est-elle la même par rapport à Converging Sins ?
Les deux albums se ressemblent. Le premier album d’Ultha, Pain Cleanses Every Doubt, était particulier, il n’y avait que quatre morceaux… Je dirais que c’est sur Converging Sins qu’on a trouvé notre propre voix. On savait désormais comment on voulait sonner. Pour le nouvel album néanmoins, nous avons procédé autrement, nous avons laissé couler les choses et sommes allés voir où tout cela nous mènerait. Le dernier morceau de The Inextricable Wandering (« I’m Afraid To Follow You There », ndlr) dure 18 minutes. En fait, c’est une version condensée de trois morceaux que nous avions écrit. Nous n’étions pas très satisfaits de la tournure que prenaient ces trois morceaux, du coup, nous avons décidé d’assembler le tout. Plusieurs riffs s’imbriquaient bien entre eux. Nous avons retravaillé l’ensemble, et pour finir, ça rend très bien. Aujourd’hui, ce n’est qu’un seul et unique morceau. Dans ce titre, il y a des riffs qui se répètent. On a donc joué sur les nuances de sons, on a essayé de nouvelles choses avec la basse… Mais oui, Converging Sins et The Inextricable Wandering sont liés. Je dirais même que The Inextricable Wandering sonne comme la deuxième partie Converging Sins. Je pense qu’il y aura troisième partie… En tout cas, j’ai notifié une concrète évolution entre les deux albums. Nous sommes de bien meilleurs compositeurs et bien meilleurs musiciens.
Il y a une piste instrumentale dans cet album, c’est « There Is No Love, High Up In The Gallows ». C’est une chanson quand même assez pessimiste, mais c’était également un prétexte pour vous de faire une pause dans l’album.
Oui, voilà. Nous avons pensé inclure une sorte d’interlude entre les deux parties de l’album, parce que nous nous sommes dit qu’on aurait besoin d’un « break » après les deux premiers, longs et massifs, morceaux de l’album. Le truc n’était pas de faire évoluer l’atmosphère, mais nous avons essayé différentes choses, mais nous n’étions pas très satisfaits… De mon côté, j’écoute pas mal de bandes originales de films, et je suis avide de tout ça, tu sais, les parties avec les claviers électroniques. Après deux titres sur la dévastation, il y a ce morceau. Ce titre renvoie l’image d’un homme qui monte une pente pour y trouver l’amour, et en fin de compte, il n’y a rien, le néant, à un tel point que tout s’effondre autour de lui.
Tu écris pour te purger ?
Oui, vraiment.
Est-ce que l’on peut dire qu’Ultha appartient à la troisième vague de Black Metal ? Te sens-tu proche de ces groupes, tu sais, The Great Old Ones, Au-Dessus et Regarde Les Hommes Tomber ?
Oui, vraiment. J’ai 39 ans, et pareil pour les autres membres. À l’époque, quand la deuxième vague est apparue, tout le monde était super fan de ces groupes. Les plus importants, c’était sans doute Emperor. Je ne sais pas comment expliquer, mais tout est devenu stérile par la suite. Tous les groupes ont commencé à sonner de la même façon et à se copier. Moi à l’époque, je n’étais pas foncièrement intéressé par le Black Metal, j’écoutais juste quelques groupes, sans plus… Mais quand la nouvelle vague est apparue avec Wolves In The Throne Room, tout a changé. Ces groupes avaient un autre background et leur manière d’appréhender le Black Metal était totalement différente. Tout semblait plus honnête et, enfin, tu n’avais plus besoin de t’habiller différemment pour jouer du Black Metal. Plus besoin de parler du diable pour faire du Black Metal. La révolution !
« Plus besoin de parler du diable pour faire du Black Metal. La révolution ! »
Et je me suis reconnu dans tout ça. Du coup, j’étais vraiment intéressé par l’idée de former un groupe de Black Metal qui puisse suivre dans la même optique. On s’est donc rassemblé, et le plus enrichissant dans l’histoire est que nous venons tous de milieux différents. Personnellement, j’étais également fan de la scène Grunge dans les années 90’s et je suivais aussi tous les groupes de Dark Wave. On voulait simplement écrire une musique « Black », honnête…. Nous avons nos potes français de Paramnesia qui sont dans la même optique que nous… Après, il y a The Great Old Ones, ils ont également différentes sources d’inspiration, et ils abordent tout ça d’une autre façon, et à la fin, ils ont donné un nouveau souffle à la scène Black Metal. Ils n’essaient pas de sonner comme les autres groupes. Ça me va si on compare Ultha aux groupes de cette nouvelle vague, parce que nous ne sonnons pas comme Mayhem, ne nous sonnons pas comme Emperor alors qu’ils ont eu un impact considérable sur notre manière d’écrire, comme c’est le cas pour une vingtaine d’autres groupes.
Que devons-nous comprendre avec le titre « The Inextricable Wandering » ? C’est un appel au voyage ?
Oui, un voyage… Pour ma part, je parlerais plus de labyrinthe. Quand tu es désespéré, quand tu as peur de l’avenir, tu ne sais pas où aller. Tu vas à droite, mais c’est à gauche qu’il fallait aller, en fin de compte tu regrettes, tu fais marche arrière, et finalement, c’est pire, et tu regrettes encore plus. La vie est un immense labyrinthe, comme s’il n’y avait pas de sortie. C’est bien le sentiment j’ai eu, c’est ce que nous devons comprendre avec ce titre.
Vous avez signé chez Century Media pour ce nouvel album, mais j’ai vu que vous étiez toute de même restés très proches de votre ancien label, Vendetta Records… En effet, The Inextricable Wandering bénéficiera d’une « deuxième » sortie en vinyle en édition extra-limitée. Était-ce si difficile de partir du label qui vous a lancés ?
Ce n’est pas très difficile… Enfin, si quand même. Stefan Klose, le gars qui gère le label est un de nos proches… Bien avant avoir sorti quoi que ce soit, il était déjà là pour nous. Il m’avait même dit : « Ralph, tu as un nouveau groupe avec Manuel (Schaub, ndlr). Si vous sortez quelque chose, je vous signe. Je sais que ce sera bon quoi qu’il arrive ! ». C’est te dire, nous aurions pu rester très longtemps sur ce label… Il a tant fait pour nous. Stefan est un type en or. Nous avions eu d’autres offres de labels, c’était très tentant, mais nous tenions à garder ce côté « D.I.Y. ». Tu sais, nous avons tous une profession à côté, pour nous, nous produire avec ce groupe, c’est une passion, un hobby… Mais quand les gars de Century Media se sont présentés, ils se sont montrés très compréhensifs et, surtout, très intéressés par notre musique. Ils nous ont expliqué qu’ils voulaient tout simplement nous aider à décoller… Aujourd’hui, nous sommes toujours en bons termes avec Vendetta Records et nous travaillons toujours avec eux, mais différemment.
Pourrez-vous quand même continuer à sortir des splits comme vous l’aviez fait l’année dernière avec Paramnesia ?
Nous en avons parlé, mais ce n’est pas ce que Century Media a l’habitude de faire… Nous leur avons suggéré que ce soit Stefan (Vendetta Records, ndlr) qui s’en charge, mais c’est toujours en pourparlers. Le label nous a dit qu’il verrait par la suite, mais il n’est pas fermé. Dans un premier temps, on se concentre sur la sortie de ce nouvel album, après on verra ! On discutera de tout ça avec Century Media quand l’occasion se présentera !
Tu m’as dit tout à l’heure que tu enseignais la Philosophie. Ce n’est pas trop difficile de partir en tournée ?
Si, quand même, un peu. Mais pour nous, au départ, c’était clair pour nous. Ce groupe, c’était juste l’occasion pour nous de nous retrouver entre potes pour jouer de la musique. Nous ne nous attendions pas du tout à ce que le groupe prenne une telle ampleur. Après, il y a toujours des solutions… Je peux me produire lors de mes congés scolaires, pendant les grandes vacances… Mais c’est tout ce que nous pouvons faire. Il est tout simplement impossible pour nous de tourner plus d’une semaine… L’année prochaine, il est possible que nous partions aux États-Unis, ça nous prendra plus de temps, mais j’en ai déjà discuté avec mon boss. Ça ne devrait pas poser de problèmes.
Il y a une tournée d’annoncée pour promouvoir The Inextricable Wandering, mais vous ne passerez pas par la France…
Nous aurions voulu revenir chez vous, mais aucune salle n’était libre !
Vous devriez vous rapprocher du Tyrant Fest.
Nous aimerions nous produire dans le cadre de festivals, mais je pense que nous ne sommes pas encore assez gros pour ce genre d’événements. Il y a des gens qui nous connaissent en France, mais pas tant que ça pour finir. On a déjà fait quelques dates en France avec Ultha, et nous en avions fait plus de 20 avec mon ancien groupe… J’ai toujours aimé passer chez vous. J’espère que les fans nous réclameront, nous aimerions nous produire régulièrement en France !
Ultha, c’est :
Ralph Schmidt : Guitare/chant
Andy Rosczyk : Clavier et arrangements électroniques
Manuel Schaub : Batterie
Chris Noir : Basse/chant
Discographie:
Pain Cleanses Every Doubt (2015)
Converging Sins (2016)
The Inextricable Wandering (2018)
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