Jean-Michel Attia est un mordu du Hard ! Passionné depuis l’achat de son premier 45 tours, le fameux « Blockbuster! » de The Sweet (1973), le fan est devenu par la suite un activiste de la scène Metal marseillaise et a suivi de près les premiers pas de Judas Priest et d’AC/DC en France, des groupes dont il s’est efforcé de répandre la musique par l’intermédiaire du tapetrading. Par la suite devenu coanimateur d’une radio sur la Cité Phocéenne, puis coéditeur du fanzine Decibel Of Death, il est aujourd’hui une des têtes pensantes de Grumpy Mood Lifestyle, dont la principale activité réside dans la réédition de t-shirts « vintage ». L’acteur a bien voulu se mettre dans la peau de l’interviewé et nous présente son mode de vie à lui.
Propos de Jean Michel Attia recueillis par Axl Meu
C’est en décembre 2017 que Grumpy Mood Lifestyle voit le jour. Tu as commencé par éditer le nouvel album de Venin, La Morsure du Temps, et ce n’est qu’ensuite que tu t’es mis à lancer tes gammes de t-shirts… Raconte-nous le pourquoi du comment de cette affaire !
Comme souvent dans la vie, j’ai bénéficié d’un alignement des étoiles qui a déclenché un véritable effet « domino ». Je connais Jean-Marc et Fabienne, les piliers historiques de Venin, depuis 1984. Nous nous sommes vus et revus, notamment pendant les éditions 2016 et 2017 du Pyrenean Warriors Open Air. Et c’est sur le chemin du retour de ce festival que Grumpy a pris forme, après une longue discussion avec Cécilia, alias ‘’Lady Grumpy’’ ! Nous voulions avoir un personnage qui soit à l’image de ce que nous voulions faire, et c’est Chris Moyen et sa plume magique qui a donné naissance à ce beau bébé. Et dès que j’ai réfléchi à nos premiers designs de t-shirts, la tête de Tristan Diaz est apparue dans la partie Hard de mon cerveau, Tristan étant le nouvel activiste de référence sur le Hard à Marseille… Il est totalement cinglé et, ce qui ne gâche rien, il est également un graphiste/designer de haute voltige ! Et j’ai complété la « dream-team » en faisant appel au talent de graphiste d’Annick Giroux, le pilier « Metal » du Québec avec notamment son label Temple Of Mystery et son rôle de chanteuse au sein de Cauchemar.
Avec Grumpy Mood, tu donnes enfin l’opportunité aux fans de réacquérir des t-shirts à l’effigie de groupes, associations, labels et magazines qui ont marqué les 80’s. Je pense notamment aux t-shirts de Devil’s Records et Enfer Magazine qui ont rencontré un franc succès ! Tu tires sur la corde de la nostalgie ! Tu es nostalgique toi-même ?
Là-aussi, on touche à l’ADN-même de Grumpy. Mon but est de sortir les t-shirts que j’ai toujours rêvé de porter, tout en rendant hommage aux acteurs clés de cette période exceptionnelle : labels, magazines, voire même les « légendes toujours vivantes » qui nous ont fait découvrir tellement de bons groupes ! Je pense notamment à Zégut (Wango Tango, WRTL) ou Jeff Bouquet (Les Tympans Félés, TF1). Je suis donc plus archéologue que nostalgique ! Et, qui sait ? Peut-être que Grumpy sortira un t-shirt Heretik dans trente ans, si tu m’en donnes l’autorisation, bien sûr ! (Rires)
Chez Heretik Magazine, on avoue s’être réjouis de la réédition des t-shirts d’Enfer Magazine, le pionnier des magazines Hard à la française. Tu as également réédité celui de Metal Attack. Si mes souvenirs sont bons, la ligne éditoriale des deux magazines étaient différentes. Préférais-tu Enfer Magazine ou Metal Attack ?
Oui, tu as entièrement raison. Il faut bien se remettre dans le contexte de l’époque ! Quand le premier numéro d’Enfer est sorti en avril 1983, le choc a été immense et, même si je connaissais déjà pas mal de nouveaux groupes grâce au ‘’tape-trading’’ et à la lecture de fanzines étrangers, j’ai été subjugué par ce côté fanzine d’Enfer, justement… Comme si une porte secrète s’ouvrait et permettait au plus grand nombre d’accéder à toute cette nouvelle scène internationale. Il faut également souligner aussi que certains journalistes du magazine sont devenus de vrais héros à nos yeux, comme Jean-François Jimenez ou Bruno Labati. Tu l’auras compris, j’ai beaucoup moins adhéré à l’approche éditoriale de Metal Attack, très axée sur les groupes déjà établis !
À première vue, l’initiative peut sembler facile, simple… Mais techniquement, j’imagine que c’est une autre paire de manches. Comment fais-tu pour récupérer les droits des t-shirts pour les éditer ? J’imagine que les visuels ne t’appartiennent pas. Dois-tu dois demander l’autorisation aux groupes ?
C’est un sujet qui est complexe, mais qui peut se traiter très facilement par le biais des réseaux sociaux, le principe principe de base étant que cela ne coûte rien de solliciter un groupe, le pire qui puisse t’arriver, c’est qu’il te dise non ! En règle générale, quand je contacte un groupe, je lui propose aussi une idée de « design » en lui expliquant que c’est le modèle de mes rêves en tant que fan ! À partir de là, plusieurs scenarii sont possibles et il faudrait quelques milliers de lignes pour expliquer toutes les subtilités de la gestion de ce type de droit. Mais en règle générale, le groupe et ses ayants droit sont favorables à 90 % à notre démarche, dans la mesure où nous parlons de tirage de cent exemplaires maximum. 75 % des micro-licences sont gratuites, je prends quand même l’initiative d’envoyer un petit stock au groupe concerné. Pour l’anecdote, Kate (la chanteuse d’Acid, ndlr) a refusé les exemplaires gratuits, elle a tenu à les acheter directement, ce qui en dit long sur son état d’esprit ! Pour les autres groupes, nous reversons en moyenne deux euros par t-shirt, que nous payons d’avance selon la quantité fabriquée, tout est ensuite une question de confiance. Nous avons aussi parfois quelques restrictions territoriales, comme pour le Blue Öyster Cult que nous n’avons pas le droit de vendre aux États-Unis… En fin de compte, chaque approche est spécifique et quand je sens une complexité, voire une tension potentielle entre différents ayants droit, je n’y vais pas… Je veux vraiment rester dans le partage de la passion même si Grumpy a aussi des impératifs de rentabilité !
« Mon but est de sortir les t-shirts que j’ai toujours rêvé de porter, tout en rendant hommage aux acteurs clés de cette période exceptionnelle : labels, magazines… »
Grâce à Grumpy Mood Lifestyle, quelques formations old-school obscures peuvent enfin connaître un regain de popularité. On pensera notamment à Trance dont tu as édité le t-shirt. Connais-tu vraiment des gens qui écoutent régulièrement ce groupe ? (Rires)
(Rires !) Bon, on ne va pas se mentir, j’ai aussi sorti quelques designs uniquement pour mon propre plaisir ! Tu cites Trance, c’est également le cas pour Malice ou Budgie. Mais ce qui est génial, c’est de voir arriver des commandes de fans très jeunes de ces groupes cultes. Et tu retrouves ces même jeunes sur les festivals spécialisés comme le Pyrenean Warriors Open Air, le South Troopers Fest ou le Festival de Vouziers en France, et le célèbre Keep It True en Allemagne. La relève est assurée !
L’intérêt de Grumpy Mood Lifestyle réside également dans le pressage de t-shirts exclusifs de groupes cultes. Tout à l’heure, tu me parlais de Blue Öyster Cult. On peut également évoquer U.F.O., Sortilège, mais aussi Kreator et Destruction. Grumpy Mood Lifestyle a-t-il pour ambition de devenir une alternative à EMP Mail Order ?
Non, ce n’est pas du tout l’idée, nous voulons vraiment rester dans un « merchandising » passionnant réservé à des passionnés et cela reste une petite niche commerciale. À quoi bon proposer du merch’ de gros groupes que tu trouves partout, même chez H&M ou Zara ?! Mais, il y a aussi les exceptions qui confirment la règle qui te permettent de sortir un t-shirt d’Iron Maiden, mais avec un modèle économique neutralisé avec un reversement intégral de la marge à une œuvre caritative, le « Clive Burr Trust » dans ce cas précis. Mais le plaisir ressenti à sortir ce t-shirt mythique n’a pas de prix. Et cela nous donne aussi une belle visibilité !
Quelques nouveaux visuels fleurissent de jour en jour. Peux-tu nous dire ce que vous avez prévu pour la suite ?
En ce moment, nous sommes en mode Thrash ! Je m’appuie sur mes anciennes relations de « tapetrading », voire sur des musiciens connus et encore en activité, et ça marche ! Plus le groupe est gros, moins la marge est importante mais le catalogue grandit et reste toujours respectueux d’une certaine époque et d’une certaine philosophie du Hard… C’est vraiment le plus beau métier du monde !
J’ai toujours pensé que porter un t-shirt à l’effigie d’un groupe n’était pas un acte anodin. Mais aujourd’hui, à l’heure de la surconsommation, ça n’a pas plus de vraiment de sens. Pourtant, un t-shirt, c’est un souvenir particulier avec un groupe, le souvenir d’une date particulière… Quelque chose qu’on a envie de partager avec la personne avec qui tu échanges. Qu’en penses-tu ?
Oui, je suis totalement d’accord avec toi. Mais nous n’échappons pas à la « hype’’ liée aux logos et aux visuels Metal, et surtout pas aux groupes concernés. Quand tu vois certains visuels dans les boutiques de mode, je pense à Slayer, à Mayhem et à Morbid Angel, je me dis que nous avons dû rater une étape ! Et c’est encore une fois la raison d’exister de Grumpy : créer ce lien si intime entre les couleurs d’un groupe que tu portes et ta passion sincère pour lui.
« Quand tu vois certains visuels dans les boutiques de mode, je pense à Slayer, à Mayhem et à Morbid Angel, je me dis que nous avons dû rater une étape ! »
As-tu gardé tes vieux t-shirts, tu sais, ceux que tu portais quand tu étais ado’ ?
Et là, c’est le drame… J’ai vraiment souffert de mon petit gabarit à une époque où la taille S n’existait quasiment pas… J’achetais donc du »M’’ que je « customisais »… Mais bon, c’était quand même très frustrant de ne pas pouvoir porter des t-shirts à la bonne taille… Du coup, je n’ai gardé que très peu de t-shirts d’époque, à mon grand regret !
Tu as déjà édité quelques patchs. J’imagine que ça va se consolider par la suite et que tu vas pousser le vice en éditant des écussons… J’ai toujours trouvé que les « patchs » des 80’s avaient plus de charme.
C’est vrai. Ce marché de « niche dans la niche » est très codifié et n’est pas très simple à cerner… Et c’est surtout le royaume du « bootleg » ! Mais Tristan bosse actuellement avec les activistes les plus acharnés de cette passion… À suivre !
As-tu déjà pensé à concevoir des t-shirts ou du merch’ pour des particuliers ?
J’ai des demandes dans ce sens que j’étudie au cas par cas, notamment au niveau des droits de certaines images et certains logos. Et le rapport qualité/prix n’est pas très facile à respecter quand il s’agit d’imprimer un t-shirt à quelques exemplaires, mais cela ne veut pas dire que nous n’avons plus suffisamment de souplesse pour étudier chaque demande au cas par cas.
Je te te laisse le dernier mot !
En 2019, le rythme de sortie va être soutenu sachant que beaucoup de négociations entamées en 2018 aboutissent enfin ! Et nous avons aussi décidé d’être présents « physiquement » avec un stand Grumpy sur certains festivals qui nous passionnent en tant que fans, le plaisir ultime étant d’échanger en face à face les bons souvenirs d’une époque sacrée qui continue à animer au quotidien notre passion pour le Hard. Et nous sommes toujours preneurs de bonnes idées de designs, qu’on se le dise !
Pour plus d’informations : https://www.facebook.com/grumpymood/
Si tu veux encore plus d’informations : https://grumpymood.bigcartel.com/
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