Comment aborder un sujet aussi complexe que celui de Full Of Hell et de sa musique ? Il faut dire qu’on n’y comprend trop rien quand on s’y met. Ça part dans tous les sens, c’est sombre et c’est vachement chaotique… Néanmoins, la musique des Américains, si elle semble réservée à une caste à première vue – les fans de Powerviolence – elle s’avère bien plus accessible une fois que l’on essaie de comprendre la démarche artistique de ses géniteurs, la preuve en est avec Weeping Choir, le quatrième « vrai » opus de Full Of Hell, sorti vendredi dernier via Relapse Records. Dylan Walker nous en parle ! 

Propos de Dylan Walker (chant/ sons électroniques) recueillis par Axl Meu


Avant d’aborder la question du nouvel album de Full Of Hell, Weeping Choir, j’aimerais revenir sur cette collaboration avec The Body avec qui vous avez sorti deux albums, dans un registre plus expérimental. Il se trouve que vous allez partager la même scène ensemble à Dour, en Belgique, le samedi 13 juillet prochain…  

Oui ! Et pour tout t’avouer, je n’avais jamais entendu parler du Dour Festival avant que l’on nous propose de nous y produire. Du coup, je me suis renseigné et je dois dire que j’ai hâte d’y être. J’éprouve une certaine satisfaction dans le fait d’être à un événement aussi éclectique avec The Body. Bien sûr, il faudra s’attendre de nous que l’on propose des morceaux tirés de deux albums qu’on a enregistrés ensemble (One Day You Will Ache Like I Ache, 2016, Ascending a Moutain Of Heavy Light, 2017)… On sera six sur scène, et il y aura deux batteurs, un clavier/chant, un programmateur/chant, un saxophoniste/bassiste et un guitariste. Ça va être un événement assez particulier, je pense.

Parlons à présent de Weeping Choir, le nouvel opus de Full Of Hell. Est-ce que tu peux me le présenter ? 

Il s’intitule Weeping Choir, oui… Et mon projet était en quelque sorte de proposer une sorte d’extension à Trumpeting Ecstasy, notre dernier album. À ce sujet, c’est Spencer (Hazard, guitare, ndlr), qui avait commencé par composer des morceaux, dans un style qui ferait l’amalgame de toutes les expérimentations que nous avions mises en place ces dix dernières années. Peut-être que ceux qui nous connaissent pourront comparer avec les autres albums ! Mais je pense que par le biais de Weeping Choir, que nous avons cherché à écrire une musique qui soit le reflet de ce que nous sommes à ce moment précis de notre existence. 

Donc si Weeping Choir est la suite logique de Trumpeting Ecstasy, est-ce que cela veut dire qu’on peut écouter les deux d’affilée ? 

Oui, je pense. Après, c’est aux fans de dire et d’interpréter la chose par eux-mêmes. À l’époque de Trumpeting Ecstasy, mon projet était de sortir de ma bulle de création et d’essayer de prendre en considération tout ce qui se passait autour de moi… Et ensuite, il y a eu Weeping Choir qui peut être lu comme une sorte défaite, de désenchantement, une sorte d’acmé dans cette angoisse qui nous ronge au quotidien… 

La musique vous fait donc l’effet d’une purgation. La durée des morceaux, ses tempos, sa composition, tout ce que tu m’explique laissent sous-entendre tout cela… 

Pour moi, jouer dans un groupe comme Full Of Hell a toujours impliqué une sorte de catharsis, une sorte de purgation de l’âme comme tu dis… Aujourd’hui, musicalement parlant, ce groupe est sans la doute la meilleure chose qui me soit arrivée dans la vie… Ce groupe me donne l’opportunité de m’exprimer et de jouer la musique que j’ai toujours voulu écouter, entendre. Pour moi, Full Of Hell est et sera toujours une sorte d’échappatoire.

Sur Weeping Choir, tout est chaotique et sombre. Je veux dire, ça part dans tous les sens, mais les pistes sont tellement bien agencées que tout reste intelligible pour finir… 

… Oui, et d’ailleurs, c’est sans doute lié au fait que nous nous sommes toujours intéressés à plusieurs styles de musique, on s’est toujours inspirés de tous les groupes étaient là avant nous : pas que le Punk/Hardcore, mais aussi le Grindcore, l’Electro, la Noise, Death Metal et la Powerviolence… Ce dont à quoi nous aspirions, c’était de mélanger tout ça, de s’approprier les gimmicks de tous ces styles…D’ailleurs, tous les groupes dont nous nous inspirons ont un son un peu chaotique. En outre, ce côté chaotique est un peu venu naturellement, il est venu naturellement. Néanmoins, je ne pense pas que Full Of Hell soit la formation la plus chaotique qui soit.

Pour le côté sombre auquel tu fais allusion, il n’y a rien à expliquer d’autres, à part le fait que rien n’est calculé chez Full Of Hell, et que Weeping Choir est le reflet de ce que nous sommes dans la vie de tous les jours. D’ailleurs, je suis sûr que les fans de musiques sombres et expérimentales entretiennent tous un rapport particulier avec le côté obscur de la vie, et c’est le cas pour nous. 

Un morceau a attiré mon attention sur Weeping Choir, c’est « Thundering Hammers ». Il a ce « groove » que les autres n’ont pas. 

Quand on compose, on ne se dit jamais : « on a besoin d’un morceau plus groovy », « on a besoin d’un morceau plus calme ». Pour ce qui est de « Thundering Hammers », c’est Spencer (Hazard, guitare, ndlr) qui est venu avec cette idée de riffs qui, d’ailleurs, a un petit côté ‘Immolation‘… À l’époque, quand Spencer est arrivé avec cette idée de riff, nous étions en tournée avec ce groupe. Le fait de tourner avec eux a-t-il eu un effet particulier sur lui ? Sûrement oui. Après, Full Of Hell a toujours eu la chance de côtoyer plusieurs styles de musique. Il n’y a pas vraiment de recette préconçue à l’avance pour faire du Full Of Hell. On est libres. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que nous composons ce type de morceaux, et j’aime bien les interpréter !

« Les fans de musiques sombres et expérimentales entretiennent tous un rapport particulier avec le côté obscur de la vie, et c’est le cas pour nous ! »

Juste après « Thundering Hammers », il y a « Rainbow Coals » qui est une sorte d’interlude instrumental… 

Le but était d’avoir un titre qu’on ne pourrait pas forcément reproduire sur scène. « Rainbow Coals » n’est en général composé que de parties électroniques. Il est très atmosphérique ! En fait, pour le composer, Spencer (Hazard, guitare, ndlr) et moi nous sommes retrouvés et avons bidouillé un peu partout sur les prises de chant et de batterie… En fait, après les avoir enregistrées, on est allés sur mon ordinateur et on les a charcutées de sorte à obtenir des sortes de « jingle » électronique. Puis pour les autres effets, on a une nouvelle fois expérimenté en jouant notamment avec les micros de guitare. Le cas échéant, on a pris des tiges métalliques qu’on a collées sur les micros de sorte à obtenir des sons particuliers. J’adore ce titre, il installe un climat très particulier, très vague !

De qui vous vous inspirez-vous pour le fond et la forme de vos compositions ? 

Beaucoup de groupes continuent de nous inspirer au fil des années. Il y a tous ces groupes de la scène Powerviolence qui ont toujours eu un gros impact sur nous, notamment sa scène japonaise qui est excellente ! Après, en guise de référence, nous avons toujours eu ce groupe canadien, The Endless Blockade, qui est là depuis un moment déjà, avec qui nous nous sommes liés d’amitié par la suite. Après, je dirais que le groupe qui a le plus d’impact sur moi est Man Is The Bastard. Pour moi, c’est eux qui ont eu l’idée d’associer Punk et Noise ensemble… D’après ce qu’on dit, l’un des membres du groupe était tellement fasciné par les bourdonnements de sa télévision qu’il a décidé d’inclure ces éléments dans sa musique…

Vous êtes désormais chez Relapse Records. Qu’attendez-vous de cette signature ? 

Qu’elle ouvre notre musique à une audience plus large, et qu’elle fasse grossir Full Of Hell. J’en suis particulièrement satisfait de cette signature puisque Relapse Records n’a pas cherché à nous imposer telles ou telles règles. D’ailleurs, en mon sens, c’est sans doute l’un des derniers gros labels de musique à signer des groupes dans notre genre sans mettre à mal leur intégrité. Donc, tu comprendras qu’ils nous ont laissé « carte-blanche » pour Weeping Choir. Relapse Records a beaucoup de ressources, connaît vraiment beaucoup de monde, et ils ont pas mal de bonnes idées. Et pour le moment, je peux t’assurer que notre relation est au bon fixe !

Même si cette signature va vous ouvrir pas mal de portes, j’imagine que vous allez essayer quand même de rester le plus « underground » dans votre démarche…

Je me moque de tout ça en vérité. La question n’est pas vraiment de savoir qui est le plus « underground » des groupes. Bien sûr, Full Of Hell ne sera jamais un groupe de vendus, d’ailleurs notre style ne s’y prête pas. Après, on peut facilement se situer entre les deux. Si ça monte et qu’on a le plus de propositions de dates, on ne dira certainement pas « non », le cas inverse ne nous dérangera pas, même si notre but est quand même d’évoluer ! 

Pour le moment, vous n’avez sorti qu’un seul videoclip pour « Burning Myrrh » pour promouvoir Weeping Choir. J’avoue ne pas avoir trop saisi le script du clip…

Eh bien, je ne peux rien te dire à ce sujet. Ce qui est magique dans tout cela, c’est que cette vidéo est libre de toutes interprétations… Et je ne voudrais, pour rien au monde, gâcher ça en faisant part de ma vision conceptuelle du clip…  Ça n’aurait aucun sens d’ailleurs. Cela-dit, il faut voir « Burning Myrrh » comme une sorte de préambule à l’album, le clip compile toutes les thématiques que nous y abordons. Dans ce dernier, il y a beaucoup de métaphores qui font allusion à certains des morceaux de l’opus. J’ai écrit le script du film que nous avons tourné là où nous vivons, ici en Pennsylvanie… Et encore une fois, mon but était de développer des images qui évoqueraient directement l’album dans sa globalité. 

Pour le moment, je n’ai pas encore vu Full Of Hell sur scène. À quoi vos concerts ressemblent-ils ? 

Ça évolue en fonction des soirées et des concerts que l’on donne. Ça dépend aussi de l’endroit, du pays où l’on se produit. Par exemple, aux États-Unis, au Japon, c’est juste de la folie furieuse. Je dois toutefois avouer que le public européen est un peu plus calme comparé aux autres, comme s’il préférait analyser tout ce qui se passe sur scène plutôt que de se mettre sur la gueule. Après, ça ne me dérange pas pour autant dans le sens où c’est déjà un honneur pour moi que de maintenir son attention. Si le public préfère rester planté là à regarder le concert, je ne vais sûrement pas me lancer sur les fans et leur faire de quelconques remarques, ça ne servirait à rien. Si le public commence à s’énerver, bien sûr, vous pouvez compter sur moi pour que j’y mette mon grain de sel. Cela-dit, je garde quand même un excellent souvenir des concerts que j’ai pu donner à Paris.  


Full Of Hell, c’est : 

Dave Bland : Batterie 

Spencer Hazard : Guitare, Noise 

Dylan Walker : Chant, Electronique 

Sam DiGristine : Basse, chant 

Discographie : 

Roots Of Earth Are Consuming My Home (2011)

Rudiments Of Mutilation (2013)

Trumpeting Ecstasy (2017)

Weeping Choir (2019)

+ de nombreuses collaborations et split.

A propos de l'auteur

Rédacteur en chef d'Heretik Magazine

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.