Get The Shot était l’un des premiers groupes à se produire sur la Dave Mustage du Motocultor, le dimanche. Et pourtant, quand bien même on pourrait croire que le créneau alloué est loin d’attirer la masse du Motocultor déjà bien usée, il n’en fut rien. La formation d’origine québécoise a su fédérer en ce dernier jour de festival et en a profité par la même occasion pour remettre nos pendules à l’heure. Quelle claque ! Quelques heures après la prestation « coup de poing » des Québécois, nous sommes allés à leur rencontre. 

Propos de J-P (chant) et Dan (basse) recueillis par Axl Meu

Crédit photo : Cédric Cambien (Slaytanic) https://www.facebook.com/SlaytanicPix/


Vous venez juste de vous produire au Motocultor. Votre dernière date ici remonte à 2016. Vous avez dû remarquer que l’audience a considérablement évolué depuis la dernière fois…

J-P : Ouvrir pour des journées comme celle-ci, le dimanche, au matin, après la pluie… Ce n’est pas vraiment évident, je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre… Mais pour finir, être reçu comme ça, ça donne vraiment la chair de poule ! Vraiment, c’était très appréciable !

J-P, personne n’est resté de marbre face à l’énergie que tu dégages sur scène. C’est quoi ton « truc » à toi pour la développer toute cette énergie ? 

La haine ? (Rires) Le malaise ? (Rires) J’ai toujours vu cette musique comme une échappatoire, un défouloir… Honnêtement, je ne jouerais pas du Hardcore si j’étais fondamentalement heureux dans ma vie. Puis, tu sais, toutes ces pulsions agressives, j’ai vraiment besoin de les canaliser… Et quelque part pour moi, la chaos a toujours été une force créatrice. C’est quelque chose qui te pousse dans tes retranchements, quelque chose qui te dépasse pour finir… C’est vraiment cette énergie-là qui me permet de me dépasser dans ces moments-là. Plus la foule te donne de l’énergie, plus tu leur en donnes. J’ai toujours vu ça comme ça ! 

Get The Shot, c’est un groupe qui fonctionne comme une partie des groupes de Hardcore, c’est l’esprit « D.I.Y. » qui prime avant tout. Vous étiez indépendants jusque 2017… Comment travaillez-vous aujourd’hui ? 

C’est vraiment une question qui pose problème. Ce n’est pas parce que l’on travaille avec d’autres personnes que nous ne sommes plus indépendants. Je veux dire par là qu’on continue à gérer nos créations, notre temps de studio. C’est toujours nous qui amenons les idées pour les clips. Donc, au final, la démarche reste « D.I.Y. ». C’est juste que, maintenant, nous avons la chance d’avoir une équipe à nos côtés qui diffuse notre musique à l’étranger, qui nous permet d’avoir plus de visibilité, qui nous permet d’avoir un budget plus important pour enregistrer des albums de meilleure qualité… Mais la démarche reste « D.I.Y. » quoi qu’il arrive. On ne fait pas partie des groupes qui n’ont rencontré dans leur carrière que des labels qui ne pense qu’à l’argent. Au départ, Get The Shot, c’étaient cinq potes qui ont fait de la musique ensemble, qui par la suite se sont associés avec des amis pour vendre le merch’, etc. Tout ça, car ils croyaient au projet ! 

Tout cela remonte à 2008, 2009…

Oui, voilà, puis après, il y a des potes qui nous ont rejoints. C’est un peu comme une grande famille qui s’est élargie en fait. C’est le même procédé que les gars et labels qui nous accompagnent pour la distro. À titre personnel, c’est une satisfaction de savoir que toujours plus de personnes se reconnaissent dans Get The Shot

À quel type de groupes aspirez-vous ressembler dans quinze, vingt ans ? 

Personnellement, j’aimerais être capable de vieillir comme Madball. Freddy Cricien est pour moi, tous genres confondus, le meilleur ‘frontman’ dans la domaine des musiques extrêmes, même vingt ans après ses débuts. C’est vraiment le meilleur, le ‘frontman’ le plus actif sur scène ! 

« Freddy Cricien est pour moi, tous genres confondus, le meilleur frontman dans la domaine des musiques extrêmes, même 20 ans après ses débuts »

J’avoue avoir une préférence pour Lou Koller de Sick Of It All.

Oui, il y a lui aussi. Ce sont des groupes qui, dans le temps, ont super bien vieilli. Si je suis capable d’être comme Freddy Cricien dans vingt ans, crois-moi, je serai l’homme le plus heureux du monde ! Je n’ai rien d’autres à ajouter, sinon, oui, après, il y a Slayer qui a décidé de raccrocher les gants après plus trente ans de carrière… Si je commence à avoir les cheveux gris comme Tom Araya, j’aimerais qu’on me le fasse remarquer ! (Rires) 

Le Hardcore n’est pas une histoire de pilosité (rires), ni une histoire d’image… Mais que pensez-vous de Rise Of The Northstar qui eux, au contraire, jouent beaucoup sur leur imagerie japonaise pour se démarquer ? 

C’est leur esthétique personnelle à eux. Je n’ai rien de négatif à dire, c’est leur « truc » à eux, c’est comme ça qu’ils veulent exprimer leurs idées. Après, on ne va pas entrer dans le débat de savoir qui est le plus Hardcore ou authentique des groupes. À vrai dire, je m’en moque un peu. À titre personnel, mon groupe préféré est Green Day et à l’époque, ça avait déchiré la scène, car ils avaient une approche « mainstream » de leur musique. Mais après, tant que l’intégrité reste la même, et que les raisons de la faire sont intactes, je n’y vois aucun problème. Puis, je trouve ça ridicule de s’entredéchirer… Les vrais ennemis sont à l’extérieur. Je pense qu’on a plus à gagner à unir nos forces plutôt qu’à savoir « qui est vrai de celui qui ne l’est pas ». C’est vraiment un faux débat ! 

Infinite Punishment est sorti maintenant il y a deux ans. J’imagine que vous avez commencé à travailler sur la suite. Est-ce que vous pouvez nous éclairer à ce sujet ? Nous donner quelques indications ? 

Dan : On ne veut jamais faire le même album deux fois, donc on essaie toujours de faire en sorte que notre musique soit le reflet de nos vies respectives en tant que musicien. On a tourné avec de différents groupes ces derniers mois. On a écouté du nouveau son, et cette fois-ci, on prend plus de temps pour composer ce nouvel album… On va parfois essayer des choses plutôt ‘Doom’, si ça ne marche pas, on passera à une idée suivante. Pour le moment, la suite est en préparation et le nouvel album devrait voir le jour en 2020. Par moments, un groupe, quand il aspire à devenir plus gros, à élargir sa fan-base : il devient un peu plus ‘Pop’, nous, on a décidé de prendre le chemin inverse : le prochain Get The Shot sera plus lourd, plus agressif. 

J-P, à la fin de ton concert, tu as fait une sorte d’anaphore commençant par « Vive… » suivi de nombreuses causes saluables. Tu m’as fait penser à De Gaulle et son célèbre discours « Vive Le Québec Libre » (rires). Est-ce un clin d’oeil ?

J-P : Non, pas du tout ! (Rires) Mais pour être honnête avec toi, j’ai mal à mon Québec. Autrefois, je le voyais comme une terre d’accueil, une terre d’ouverture, solidaire. Pour finir, il n’est pas mieux que les États-Unis et d’autres coins d’Europe. Aujourd’hui, le Québec est en proie à des idées identitaires, d’oppression…

Est-ce que les rapports entre le Canada et le Québec se sont apaisés depuis le temps ? 

En fait, la fameux débat « identitaire » Québécois a été récupéré par l’extrême droite du Québec. Autrefois, ce qu’on appelait le Nationalisme Québécois, c’était un mouvement citoyen progressiste à proprement parler, c’étaient des gens de toutes origines ethniques qui souhaitaient faire du Québec une nation capable de s’autodéterminer. Et il n’y a rien de plus anarchique comme manière de fonctionner. Mais avec le contexte socio-culturel de ces dernières années, cette idée de « souveraineté » a été récupéré par des gens de droite, par des nationalistes « identitaires »… Et par la suite, le Canada est devenu le porte-étendard de la diversité. Donc, du coup, quand tu es un indépendantiste et de gauche, tu ne t’y retrouves plus dans ton Québec… Mais le débat est ailleurs, il faut se battre contre la bêtise, contre l’intolérance et contre l’oppression. 

« La France a été le premier pays à nous accueillir et les premiers à nous aider… Et cette aide nous a permis de rayonner dans toute l’Europe…« 

Quand bien même la musique de Get The Shot est amenée à devenir de plus en plus agressive, le message du groupe reste le même…

Notre message n’est pas politique en soi, même si nos fans ont pris l’habitude de dire de nous qu’on était un groupe « politique ». Ce n’est pas le cas, car si tu lis attentivement les paroles de nos chansons – à part « Erase The Scum » ou « Hellbringer » – il n’y a pas beaucoup de messages politiques… Nos paroles sont du genre « existentialistes », elle parle du fait de se sentir ‘étranger’ dans la société actuelle de tous les jours.

Get The Shot est actuellement à la fin d’une tournée…  Y a-t-il eu des moments importants comme celui du Motocultor au cours de cette tournée ?

Dan : Le Tells Bells a été un moment incroyable, pareil pour le Brutal Assault. Après, le Motocultor reste le Motocultor, je veux dire, la France, c’est notre maison. Il n’y a vraiment rien qui pourra battre la France en termes de loyauté. La France a été le premier pays à nous accueillir et les premiers à nous aider… Et cette aide nous a permis de rayonner dans toute l’Europe… Et tout cela ne serait jamais arrivé si la France et ses fans ne nous avaient pas aidés ! Ce qui peut paraître étrange à première vue, car souvent, la France n’est pas le territoire de prédilection des Américains, alors que nous, c’est vraiment l’inverse. On a hâte de venir en France, on se sent vraiment chez nous… Après, on est très proches sur le plan culturel. 

C’est Rage Tour qui vous fait tourner en France. Et je sais même que vous comptez parmi vos amis les gars de Black Bomb A… 

J-P : Pour nous, la première tournée, celle de 2013, on est arrivés, puis c’est Sam (guitare, Black Bomb A) qui est venu nous chercher sans que nous nous connaissions. Puis, par la suite, on a noué des liens, puis nous avons commencé à tourner avec eux. Oui, ce sont des bons potes ! 

J’imagine que vous écoutez d’autres choses que le Hardcore…

Dan : Du Rap, du Death, de la Pop… On est fans de musique avant tout. Vous seriez surpris de voir ce qu’on écoute dans notre vans. Oui, il y a des trucs « Hardcore », mais on écoute vraiment de tout, même du Joe Dassin. (rires) Donc, oui, il y a vraiment un paquet de trucs. 

Que se passe-t-il au Québec en ce moment sur le plan de la musique ? 

J-P : On s’estime chanceux quand même parce qu’on a vraiment la plus belle scène Metal, Hardcore en Amérique du Nord. C’est la plus ouverte, la plus accueillante… Les gens sont ouverts et s’organisent entre eux. À l’époque, quand on a commencé en 2009, il n’y avait plus grand chose qui se faisait et il fallait que tu connaisses quelqu’un pour avoir des bonnes places sur des affiches. Désormais, il y a une nouvelle scène qui s’est formée en réaction de la première. C’était un peu : « Très bien, vous ne voulez pas de nous, bah on se la fait nous-mêmes ». Les groupes s’organisent, ils font leurs trucs à eux… 

Il y a également le « Heavy Montreal » qui fait de plus en plus parler de lui.

On y était l’année dernière. L’accueil est géniale. Par contre, il n’y a pas beaucoup de groupes locaux qui se retrouvent sur l’affiche, car il y a une grande richesse de groupes internationaux qui s’y produisent…

Quels sont vos plans pour la suite ?

On rentre en studio à la fin de l’année. Puis, on prévoie une tournée strictement française et on passera, pourquoi pas, par le Nord. Mais la priorité reste le nouvel album. Puis, qui sait ? Encore une nouvelle tournée ?!


Get The Shot, c’est : 

J-P : Chant

Guyp : Guitare rythmique 

Dan : Basse

Tom : Guitar lead

David : Batterie

Discographie :  

In Fear We Stand (2009-EP)  

Perdition (2012) 

No Peace In Hell (2014)  

Infinite Punishment (2017)

A propos de l'auteur

Rédacteur en chef d'Heretik Magazine

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