Visions Of Atlantis a connu un remue-ménage important ces dernières années, poussant même la formation à repartir de zéro avec un line-up flambant neuf et de nouvelles ambitions… Et Clémentine Delauney fait partie de ces nouvelles têtes à qui a été confiée la lourde tâche de donner un coup de jeune à cette formation qui semblait à bout de souffle après la sortie d’Ethera. Après un premier album avec le groupe The Deep & The Dark – et accessoirement, un nouveau changement de personnel – le Visions Of Atlantis des temps modernes revient avec Wanderers, un (autre) sublime album de Metal Symphonique. À Clémentine Delauney, la seule française et francophone du groupe, de nous en parler.
Propos de Clémentine Delauney (chant) recueillis par Axl Meu
Ma première rencontre « live » avec Visions Of Atlantis remonte à l’année 2017. C’était dans le cadre des MetalDays… Et il me semble que tu as sorti ton premier album avec le groupe l’année dernière, The Deep & The Dark. Cette année, on vous retrouve déjà avec Wanderers.
Oui, en fait, j’ai rejoint le groupe à la fin de l’année 2013. J’ai été contacté par le leader, Thomas Caser (batterie, ndlr), qui venait d’avoir un gros problème avec son line-up. Ça ne fonctionnait plus et il fallait qu’il reconstruise un nouveau groupe. Avec Visions Of Atlantis, il aspirait à revenir au style d’origine du groupe, à savoir le Metal Symphonique avec un chant classique… À l’époque, j’étais dans Serenity, mais je n’avais qu’un rôle secondaire et, savant pertinemment que j’aurais un rôle plus important au sein de Visions Of Atlantis, j’ai rejoint le groupe. Puis, sur le plan personnel, c’était comme si c’était un rêve d’ado’ qui se réalisait.
Par la suite, Thomas avait réussi à convaincre une partie du line-up original de Visions Of Atlantis alors composé de Werner Feilder (guitare), Michael Koren (basse), Chris Kamper (claviers) de revenir mais – quand on est sorti de la scène depuis de nombreuses – il peut être parfois difficile de remettre le pied à l’étrier… notamment sur le plan de la composition. Ils devaient s’occuper de l’écriture du nouvel album, mais ça n’a rien donné et la motivation n’était plus au grand fixe. C’est pour cette raison que nous avons de nouveau changé de line-up et que l’on s’est entouré d’un producteur, Frank Pitters, qui nous a aidé à finir The Deep & The Dark. Pour ce qui est de Wanderers, Werner Feilder est finalement revenu, et avons continué de travailler avec Frank, que l’on peut désormais considérer comme le sixième membre du groupe, étant donné qu’il connait bien l’univers du groupe.
Que Melted Space et Serenity t’ont-ils apporté et appris sur le plan personnel ?
À partager le chant avec quelqu’un d’autres : ce qui n’est pas simple. De base, je n’ai aucun problème pour tenir la scène toute seule, mais quand on est plusieurs sur scène, à deux sur scène, à chanter, ce n’est pas simple. Il faut savoir laisser la place à l’autre de sorte qu’il puisse s’exprimer, et ça, ça s’apprend. Donc, je dirais que mon passage au sein de Serenity m’a apporté une base qui me sert encore pour Visions Of Atlantis, comme ça, je peux réagir avec Michele Guaitoli, notre nouveau chanteur. On crée alors une osmose particulière, et il n’y a aucun problème d’ego.
Outre le retour de Werner Feilder au poste de guitariste, on peut, comme tu le dis, noter l’arrivée d’un nouveau chanteur : Michele Guaitoli. Comment avez-vous travaillé ensemble pour créer cette fameuse osmose dont tu fais allusion ?
C’est toujours une nouvelle appréhension, un nouveau chanteur, une nouvelle personnalité. On ne sait jamais comment cette nouvelle personne va s’intégrer. On savait pas vraiment à quoi s’attendre, mais Thomas Caser qui l’avait eu plusieurs fois au téléphone, était plutôt confiant. Il se trouve que c’est un très bon élément, quelqu’un de généreux, de positif qui développe des idées constructives – toujours dans l’auto-critique – de sorte à donner le meilleur à Visions Of Atlantis. Pour Wanderers, c’était la première fois que je me retrouvais avec un autre chanteur… D’habitude, je ne suis qu’avec le producteur… Et j’appréhendais un peu, car je n’ai pas l’habitude de m’ouvrir quand je suis entouré d’autres personnes. Mais j’ai très vite senti que Michele et moi-même étions en phase, sur la même longueur d’onde. Quand on discutait, c’était toujours dans le respect des cordes vocales de l’un et de l’autres, à froid. Ça s’est super bien passé !
D’habitude, le leader d’un groupe, c’est soit le guitariste ou le chanteur du groupe… Vous, c’est le batteur. Thomas a-t-il toujours le dernier mot sur tout ? Tu avais composé « Prayer To The Lost » pour The Deep & The Dark, et je pense même pouvoir dire que tu es à l’origine de « Wanderers » pour ce nouvel opus…
Oui, oui, j’ai bien écrit ce morceau ! Je vais commencer par répondre à ta première question. Certes, Thomas est le leader du groupe et donne les très grandes lignes du projets et tout doit passer par une validation de sa part, mais Visions Of Atlantis fonctionne de la manière la plus démocratique possible ! Thomas a appris à me faire confiance, de même que pour Michele, qui est aussi membre de Temperance. Vu qu’il est ingénieur-son de métier, quand il faut parler « production », il est là. C’est ça qui a fait qu’on a sans doute un meilleure rendu sonore sur Wanderers. Du coup, oui, quand bien même il y a un leader, on est dans l’écoute et la concertation.
Et aussi, Thomas aime aussi qu’on ait cette capacité d’expression de soi-même. Sur Wanderers, deux morceaux sont de Michele, et personnellement, j’ai amené « Wanderers ». Même si ce n’est pas un morceau conventionnel, au vu de sa structure – il n’y qu’un seul refrain, qu’un seul couple – Thomas a quand même trouvé bon qu’il ait sa place sur le nouvel album.

« Certes, Thomas est le leader du groupe et donne les très grandes lignes du projets et tout doit passer par une validation de sa part, mais Visions Of Atlantis fonctionne de la manière la plus démocratique possible ! «
Il me semble que tu as fortement été influencée par Nightwish.
C’est une source d’inspiration qui date pour moi… Parce que, quand j’ai commencé à chanter de la sorte, c’était sur son fond de Nightwish. Mais aujourd’hui, je n’en chante plus et ce, depuis longtemps. En tant que chanteuse, j’ai envie d’évoluer et n’ai surtout pas envie d’imiter. Souvent, on m’associe à Sharon Del Aden de Within Temptation, mais quand on travaille dur, ça peut être assez réducteur d’être ramené à une seule personne, même si c’est quelqu’un que je respecte beaucoup et ça peut être pris comme un compliment. J’estime que – dans ce style de musique – ma voix doit trouver sa place, son identité. Certes, il est facile de faire des rapprochements, mais je pense être singulière dans ma démarche !
Selon toi, pourquoi ta voix est-elle singulière ?
C’est toujours très difficile de répondre à ce genre de questions. Je pense que c’est le fait d’être capable de chanter dans plusieurs registres qui rend ma voix unique… Je ne sais pas ! Je pense que c’est quelque chose dont on peut se rendre compte en écoutant le nouvel album de Visions Of Atlantis. D’une chanson à l’autre, j’aborde ma voix d’une façon différente, ce qui fait qu’on peut avoir du mal à me catégoriser : je peux chanter sur un ton classique, sur des « power ballad », je sais également évoluer dans le chant saturé, même si je ne l’utiliserai sans doute jamais pour Visions Of Atlantis. Pour un chanteur, c’est impossible de parler de sa voix, de trouver sa propre identité, et je pense que je la trouve quand je suis au plus proche de moi-même, quand je chante sur mes propres morceaux, notamment pour « Prayer To The Lost » et « Wanderers », deux titres, sensiblement différents les uns des autres, que j’ai composés pour Visions Of Atlantis.
Quelle est l’ambiance générale que vous avez cherché à développer sur ce nouvel album ?
Les morceaux étant arrivés au fur et à mesure, avec les arrangements et la production adéquats, il nous a été difficile de créer une unité correspondant à un seul thème : chaque morceau est différent et on a voulu jouer la carte de la diversité de sorte à ne pas réduire la musique du groupe à une seule esthétique. Si on avait pensé comme ça, le titre « Nothing Lasts Forever » n’aurait jamais figuré sur l’album. C’est un très beau morceau, et je pense même qu’on en fera un single ! Pour le coup, c’est une ballade et on en avait pas fait sur The Deep & The Dark. On essaie tout simplement d’explorer d’autres facettes de la musique qu’on aime… À partir du moment qu’on nous donne envie de partager, on ne va pas se limiter aux problèmes liés à la définition du style !
Pour ce qui est de l’album, Wanderers, il renvoie à l’idée d’errance, le fait d’être en voyage sans réels buts précis. C’est là le thème de l’introspection, de la recherche de soi-même, qui est au centre de cet opus ! C’est un peu le cheminement que je traverse moi-même personnellement… Du coup, comme notre musique est assez épique et qu’elle invite au voyage, on trouve que ça correspond plutôt bien à l’idée d’errance lié au terme Wanderers.

« Le fait d’avoir une fille au chant ne justifie en rien le genre de musique jouée, ni le style du groupe. Je suis désolée, mais je n’ai rien à avoir avec Arch Enemy, qui n’a rien à voir avec Epica, qui n’a rien à voir avec Jinjer, qui n’a rien à avoir avec Infected Rain. «
Tu es la seule française dans le groupe : ce n’est pas trop difficile de vous rencontrer, toi qui habites à Lyon ?
On communique en anglais et pour se voir, quand on a besoin de répéter, je me rends en Autriche quelques jours pour qu’on puisse se caler et travailler les morceaux ensemble. Après, il y a la frontière de la langue, surtout quand ils se mettent à parler allemand… Il y a donc des moments où, Michele, qui est italien, et moi-même ne saisissons pas tout… Mais j’ai commencé à apprendre l’allemand, j’ai envie de m’installer sur Viennes. Au vu des tournées et dates que nous partageons, nos liens ont été amenés à se resserrer !
Il y a une tournée qui arrive avec Freedom Call… Mais il me semble que cette tournée ne passe pas par la France…
Freedom Call se produira à Colmar et à Vouziers, mais nous ne serons pas de la partie…
Est-ce que tu penses que c’est parce que Metal Symphonique n’est pas le genre de Metal le plus plébiscité en France ?
Quand nous consultons notre Spotify, les U.S.A. arrivent en premier, ensuite, c’est l’Allemagne, puis la Finlande, et la France arrive en septième position pour ce qui est des écoutes. Néanmoins, c’est vrai que, globalement, les Français ont tendance à écouter de la musique plus extrême, il n’y a qu’à voir les affiches du Hellfest pour s’en rendre compte. Après, il y a des groupes de metal symphonique qui rencontrent plus de succès en France, comme Epica, plus que dans d’autres pays. Dans tous les cas, nous sommes conscients que le milieu du Metal Symphonique reste une niche.
Est-ce que tu peux revenir sur la pochette de Wanderers et sa symbolique ?
En fait, avec Visions Of Atlantis, on veut être dans le positif, dans la recherche de soi, dans la sincérité, dans l’honnêteté, et refuser tous les carcans qu’on nous impose – tout ce qui pourrait nous empêcher de nous épanouir en tant qu’humains. Et l’idée était de réunir toutes ces idées dans notre pochette. Le bateau qui a échoué représenterait là la vie bien codifiée, bien rangée avec ses standards et ses principes. C’est un navire qui, sur son chemin, a rencontré des obstacles : drames ou autres symbolisés par l’intermédiaire des tentacules du poulpe… Et au premier plan, tu peux voir des survivants, des êtres qui errent – ces fameux « wanderers » – ce sont ceux qui ont dit : « non » à la vie standardisée qu’on nous impose au quotidien. Par l’intermédiaire de cet artwork, nous évoquons l’idée de se perdre pour mieux se retrouver et invitons chacun à aller à la rencontre de soi-même pour alors s’accomplir !
Toi qui es également chanteuse au sein d’Exit Eden – un cover-band, exclusivement composé de représentantes de la gent féminine – tu es régulièrement confrontée à la question du « female fronted band ». Est-ce que le fait d’être associée à genre plutôt qu’un véritable style de musique te pose un problème en tant que chanteuse ?
Oui, bien sûr ! Car le fait d’avoir une fille au chant ne justifie en rien le genre de musique jouée, ni le style du groupe. Je suis désolée, mais je n’ai rien à voir avec Arch Enemy, qui n’a rien à voir avec Epica, qui n’a rien à voir avec Jinjer, qui n’a rien à avoir avec Infected Rain. Aujourd’hui, dire d’un groupe que c’est un « female fronted band », ça ne nous apprend rien sur le style du groupe… Ça veut juste dire que vous pouvez vous rincer l’œil, et rien de plus. Dommage que l’on soit encore dans cette dynamique sexiste et ce sex-appeal trop fréquent. J’ai toujours été contre cette idée, car le chant féminin peut s’avérer être aussi varié que le chant masculin.
Visions Of Atlantis, c’est :
Clémentine Delauney : chant
Michele Guaitoli : chant
Christian Douscha : guitare
Herbert Glos : basse
Thomas Caser : batterie
Discographie :
Eternal Endless Infinity (2002)
Cast Away (2004)
Trinity (2007)
Delta (2011)
Ethera (2013)
The Deep & The Dark (2018)
Wanderers (2019)
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