Lancé par Ludovic Egraz, le rédacteur en chef de la revue Guitar Xtreme, United Guitars n’a comme seule vocation de célébrer l’art de la « six cordes » comme il se doit par le biais d’une série de compositions originales (au total 15, réparties sur deux CDs) proposées par de nombreux collaborateurs et grands noms de la guitare, tout univers et styles confondus, parmi eux : Axel Bauer, Fred Chapelier, Fabrice Dutour, Norbert Krief, Gus. G, Pierre Danel et bien d’autres. À quelques semaines de la parution du premier volume, Ludovic Egraz s’est entretenu avec nous. 

Propos recueillis par Axl Meu 


Salut Ludovic, est-ce que tu peux revenir sur le concept de ce double-album ?

Comme tu le sais sans doute, je m’occupe d’un magazine qui s’appelle Guitare Xtreme, et nous avons pris, par le biais de ce média, de proposer des vidéos ‘’collaboratives’’, avec des guests comme Axel Bauer, Fred Chapelier et Fred Dutour. Et en fait, à l’issue d’une des videos, on a échangé et lancé cette idée, celle qui consisterait à proposer quelque chose de plus officiel, pas forcément similaire, mais quelque chose de plus « abouti ». Au début, la piste de la video a été évoquée, mais ça s’est transformé par la suite en un projet d’album. Ma compagne m’a alors amené à penser la chose de façon plus professionnelle, avec une vraie distribution, une vraie production, et tout ce qui s’en suit. Par la suite, ma compagne s’est proposé pour gérer le côté purement administratif et a déposé les dossiers pour que ce fameux projet puisse aboutir. Il a donc fallu par la suite que je réunisse un beau paquet de guitaristes, vingt-trois pour être plus précis et que je mette le chantier en route dès le mois de mai pour un enregistrement qui s’est fait en septembre dernier. 

Ce double-album comprendre donc 15 compositions pour 23 guitaristes. Y a-t-il une ligne directrice ? Si oui, laquelle ?

Quand j’ai réussi ces 23 guitaristes, j’ai d’abord demandé si certains d’entre eux se sentaient capable de composer et d’enregistrer un morceau en entier. Une quinzaine était dispo’, et ils m’ont donc soumis des démos que j’ai écoutées très attentivement avec ma femme. Par moments, il m’est arrivé de demander de réarranger quelques structures, de revoir la longueur… Mais en général, les guitaristes avaient carte-blanche. Finalement, ça nous a joué des tours, car les morceaux se sont révélé être plus longs que prévu. Il a donc fallu repenser le format et partir sur un double-album. Pour les autres arrangements, c’est simple, il a fallu définir des équipes, car il faut savoir que pour chaque morceau, il y a au moins trois guitaristes qui ont travaillé ensemble. 

Dans la liste des guitaristes, on y retrouve du local, du national et de l’international. Comment les as-tu tous sélectionnés ? 

Grâce à ma profession, je suis amené à côtoyer quotidiennement des gros noms de la guitare. On a mis enplace des rubriques pédagogiques au sein de Guitare Xtreme, et parmi les 23 guitaristes qui ont participé à l’album, certains interviennent régulièrement dans les fameuses rubriques. Donc, plutôt que de se faire enchaîner une série de plans de guitare, j’ai tenu à ce que l’album s’articule autour de vraies compositions, comme si on pouvait les écouter comme s’il s’agissait-là de vraies chansons. C’est aussi dans cette optique-là que je les ai réunis… Je savais que les guitaristes sélectionnés étaient aguerries dans ce domaine et que je pouvais compter sur eux pour construire en ma compagnie ce disque varié.

Toi-même, tu interviens sur l’album. N’est-il pas trop difficile de passer du rôle de journaliste à interprète ? 

Si tu veux, j’ai toujours été guitariste et ai toujours été impliqué dans des projets divers et variés. Ce n’est que par accident que je suis devenu journaliste. À l’époque, j’étais dans une école de musique, et il a fallu que je fasse un stage. Je me suis donc retrouvé chez Guitare & Claviers Magazine, pour lequel je suis vite devenu pigiste. Mais, ce n’était pas du tout prévu ! Ce n’est pas pour autant que j’ai arrêté la musique. À côté, je continuais à me produire en concert et à donner des cours de guitare. En tout cas, le fait d’avoir pu interviewer des centaines de guitaristes m’a permis des récolter des informations sur les motivations de ces musiciens que j’admire. Le journalisme et la performance « guitaristique » sont deux activités qui se complètent vachement bien pour finir. 

Quand tu as lancé ce projet, tu es parti d’un constat : les jeunes d’aujourd’hui ne s’intéressent plus à la guitare. Tu as même dit que la guitare était un instrument qui vieillissait…

Oui, c’est ça. D’un côté, il y aura toujours des gens pour s’intéresser à la guitare, mais au fil des années, j’ai remarqué qu’il y avait de moins en moins de jeunes sur le marché. À l’époque, c’était différent, au collège, les gamins rêvaient tous de jouer de la guitare. C’était vraiment le ‘truc’ de l’époque… Tous étaient passionnés et respectaient tous ces guitar-hero. Mais le Rock n’a plus la même aura. Il a été en partie détrôné par les musiques électroniques et le Hip-Hop. La guitare n’est donc plus au premier plan, comme ce fut le cas avec Jimi Hendrix et consorts… C’est devenu un simple instrument banal qui sert d’accompagnement. Tu peux très bien avoir de la guitare dans un titre de Shakira, mais l’instrument ne sera jamais au premier plan. 

Quand tu as lancé Guitar Xtreme à la fin de l’année 2007, le jeu Guitar Hero était en vogue et avait pourtant poussé une partie des jeunes à rebrancher les guitares… 

Oui, bien sûr. Et t’as même toute une catégorie de nouveaux guitaristes qui sévissent sur Youtube, mais pour l’instant, ce ne sont que des performances à proprement parler. Ce ne sont pas des artistes qui proposent des compositions… 

L’image contient peut-être : 18 personnes, personnes souriantes, personnes sur scène et personnes assises

« Quand tu as une mélodie qui est censée jouer le rôle d’une ligne de chant, il faut vraiment réfléchir à comment tu veux l’interpréter pour obtenir un effet « dramatique »« 

Ce premier volume contient uniquement des pistes instrumentales. Comment les 22 guitaristes et toi-même vous y êtes pris pour nommer des morceaux ? 

Ouais, c’est une question délicate. C’est une problématique que l’on retrouve aussi dans la musique classique. Pour ce qui est de mes morceaux, c’est vraiment dans le domaine de l’intime, c’est plutôt du genre : « qu’est-ce que tu avais en tête quand tu as composé ce morceau-là ? », « Quelles sont les images qui te sont venues en tête quand tu l’as écrit ? »… Tout ça, ça peut déterminer le titre du morceau. En ce qui me concerne, j’avais composé le morceau « Us VS Them (The War Is Engaged) » à l’époque des mouvements sociaux avec les Gilets Jaunes. Sans prendre parti, on sentait vraiment que la fracture était toujours plus visible entre les castes et la classe populaire, et ça se ressent également sur mon morceau.

Dans cet album, la guitare subtilise la voix. Comment êtes-vous parvenus à faire parler une guitare ?

On s’est vachement concentré là-dessus. Quand tu as une mélodie qui est censée jouer le rôle d’une ligne de chant, il faut vraiment réfléchir à comment tu veux l’interpréter pour obtenir un effet « dramatique ». Ce n’est pas vraiment comme un solo puisqu’il faut raconter une histoire, celle du morceau. C’est sans doute cette partie-là qui nous a donné le plus de fil à retordre. 

Qui dit « première partie » implique directement l’idée d’une deuxième. Est-ce que tu as déjà pensé à la suite ? 

Oui, on commence à y penser, mais tout doucement. Pour le moment, nous nous focalisons sur un événement qui va dérouler en février prochain au Théâtre de l’Européen à Paris, où il va y avoir des expositions, des master-class également. Ça sera un peu notre manière à nous de faire vivre le projet sur le terrain. On va également essayer de développer des dates en province… mais comme tu dois t’en douter, ce n’est pas forcément facile de former un line-up et d’embarquer une vingtaine de guitaristes. Ça demande des efforts et des moyens colossaux. Pour le moment, on cherche des solutions ! 

Est-ce que tu as déjà une idée des musiciens que tu veux inviter ? 

Oui, mais disons que j’ai envie de garder le noyau dur des musiciens qui était déjà impliqué dans le projet. Je garderais éventuellement 40% de têtes connues, et inviterais 60% de nouveaux ! J’ai déjà pas mal d’idées, et reste à l’affut de guitaristes qui ont des choses à dire. 

Qu’as-tu pensé du Rockin’1000, visant également à célébrer la guitare et la musique en général ? 

Je t’avoue que je n’en ai pas pensé grand chose, car je n’étais pas réellement impliqué et que je n’ai pas entendu le rendu final. Je trouve ça néanmoins intéressant, tu sais, l’idée de monter ce genre de projet qui ressemble à une époque où les gens ont plus tendance à consommer de la musique seul chez eux. À titre personnel, j’avais également participé à un autre projet du genre, organisé par Renaud Louis-Servais… À partir d’un orchestre, nous avions revisité le répertoire de Michel Legrand, un compositeur de films, c’était vraiment intéressant !


Line-up + casting :

Guitare : Axel Bauer, Julien Bitoun, Fred Chapelier, Pierre Danel, Richard Daudé, Youri De Grote, Fabrice Dutour, Ludovic Egraz, Jean Fontanille, Gentin Godet, Rick Graham, Yves Guillevic, Gus G., Judge Freed, Yohann Kempt, Norbert Krief, Xavier Lacombrade, Manu Livertout, Anthony Magro, François Maigret, NeoGeoFanatic, Num Rhosilic, Saturax, Régis Savigny

Basse : François C. Delacoudre 

Batterie : Morgan Berthet, Yann Coste

Discographie : 

United Guitars Vol.1 (2019)

A propos de l'auteur

Rédacteur en chef d'Heretik Magazine

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