Le moins que l’on puisse dire, c’est que Porn a su marquer les esprits en ficelant proprement sa trilogie (The Ogre Inside, The Darkest Of Human Desires, No Monsters In God’s Eyes), sorte de roman-feuilleton, retraçant l’itinéraire macabre de Mr Strangler, le tout sur fond de musique Rock Indus’. Une entreprise bien copieuse sur laquelle sa tête pensante, Philippe Deschemin, a bien voulu revenir à l’occasion de la sortie du troisième volet de sa saga, No Monsters In God’s Eyes.
Propos de Philippe Deschemins (chant, programme) recueillis par Axl Meu
Est-ce que tu peux revenir sur l’histoire du groupe Porn, de sa formation et de son histoire ?
Porn est une formation que j’ai fondée il y a maintenant 20 ans, au début des années 2000. Le style développé à l’époque était sensiblement différent à l’époque, il n’y avait pas autant de « machines ». On a une première démo qui témoigne de cette époque… Puis, il y a eu un tournant lorsque je me suis installé à Lyon, ce qui m’a amené à inclure des machines, tout le côté « électronique » que l’on peut retrouver dans le Rock Indus’… Après la sortie de notre premier EP, nous avons rapidement travaillé sur notre premier album, Glitter, Danger And Toy Boyz, que nous avons sorti via Slalom Music… Par la suite, nous avons publié un EP de reprises, Call Me Superfurry, comprenant notre relecture du hit de « Call Me » de The Romantics.
Malheureusement, après notre tournée allemande, notre label a fait faillite à cause de l’apparition du numérique, ce qui nous a conduits à tout reprendre depuis le début… Donc, nous avons décidé de reprendre la main avec A Decade In Glitter and Danger, compilation retraçant nos premiers ébats débouchant ensuite sur une tournée commune avec Herrschaft. Entre temps, je m’étais déjà consacré à l’écriture de notre deuxième opus, From The Void To The Infinite. Après sa sortie, je me lance entièrement dans la rédaction de trois ouvrages et d’un album de reprises, Deconstruct. 2017, Porn reviens avec cette trilogie amorcée avec The Ogre Inside…
Votre actualité est quand même bien chargée. Vous avez quand même publié trois albums en trois ans, ce qui n’est pas rien. Comment t’y es-tu pris ?
Pour l’histoire, je suis resté dans un schéma assez classique, typique de ceux suivis par les auteurs de roman. Sur la trilogie, on y suit l’itinéraire d’un personnage, Mr Strangler : de sa naissance à sa déchéance, en passant par son apogée, ce que tu retrouves dans presque tous les romans picaresques. Les compositions ne sont cependant pas toutes venues en un seul claquement de doigts… Tout s’est fait album après album, même si certains morceaux initialement écrits pour le premier volet se sont finalement retrouvés sur le deuxième. Après, on avait quand même pas mal de matière, puisqu’on est plusieurs à travailler sur les morceaux. Après, il nous a fallu trier, et vite. Il faut dire que le timing était quand même serré, mais je conçois l’entreprise comme une seule et unique session d’écriture, entrecoupée par trois sessions d’enregistrement.
Tu me disais tout à l’heure que Mr Strangler représentait l’archétype du héros picaresque, mais encore ?
C’est l’anti-héros type que tu peux retrouver dans les romans du XIXème siècle, notamment Bel Ami de Maupassant (Georges Duroy, ndlr…). C’est un sale type pour qui tout finit mal. Cela dit, cela reste un personnage que j’aime, mais il mérite amplement ce qui lui arrive à la fin de l’histoire.
Oui, à la fin de la cette troisième partie, No Monsters In God’s Eyes-Acte III, on peut y percevoir ses derniers mots sur « Mr Strangler’s Last Words ». Que raconte-t-il ?
Eh bien, comment dire ? C’est un personnage qui doit faire face à une mort inévitable, qui est appelé à être exécuté… Il est dans l’acceptation de ce qui va lui arriver, mais il a toutefois l’impression que le monde est à la fois contre lui et avec lui, notamment ses partisans. Donc, il essaie de retrouver une sorte de paix intérieure, de l’apaisement, pour ne pas succomber à l’angoisse et à la folie… Mais, quoi qu’il arrive, il va payer pour tous les meurtres qu’il a commis ! Malgré tout, malgré tout ça, il invite tous ceux qui le suivent à donner suite à son œuvre, à savoir l’annihilation du monde.
Ce dernière partie contient des morceaux, découpés en plusieurs parties, qui ne se suivent cependant pas. Pourquoi as-tu décidé de les espacer ?
En fait, j’ai trouvé que c’était une forme narrative intéressante. En fait, je me suis inspiré de ce que faisait Pink Floyd à l’époque, dans « Wish You Were Here », qui comprend des morceaux à plusieurs parties comme « Shine On You Crazy Diamond » qui lance et ferme l’album. Dans The Wall, c’est un peu pareil avec « Another Brick In The Wall », sectionné en trois parties distinctes. On a repris l’idée et on l’a inséré dans la troisième partie de notre fiction. Comme ça, quand tu écoutes cet album d’une seule traite, tu peux retrouver certains passages qui se répondent. C’est un choix d’organisation narratif et musical à l’origine d’une sorte de fil rouge, un peu comme faisait Pink Floyd à l’époque justement.

« Si les agences de booking françaises arrêtaient de faire jouer leurs amis, peut-être que la scène française serait enfin amenée à se renouveler ! »
Le style de cette troisième partie est plus éthéré. Il y trouve la New Wave, le Rock Indus’… Comment as-tu fait pour t’approprier ce style tout en le renouvelant ?
Je ne sais pas… On est quand même sur une trilogie qui totalise 32 morceaux… Et je ne me suis pas posé de questions quant au style, parce que nos influences sont quand même assez vaste, on y retrouve du David Bowie, du Pink Floyd, du Paradise Lost… Tout ce que j’aime en quelque sorte. Quand tu composes, il y a quand même une forme d’inconscience qui se manifeste. Parfois, je me rends compte que le résultat n’a rien à voir avec l’idée de départ.
La production de l’album est quand même très lisse, très agréable à écouter. Cette fois-ci, vous vous êtes entourés de Brian Lucey pour la partie « mastering »…
J’ai mixé une partie des morceaux, et Brian a finalisé le tout. Pour le deuxième volet de la sage, on avait travaillé avec Tom Baker (Ministry, Avenged Sevenfold, Marilyn Manson…). Pour ce nouvel opus, nous avons abordé l’album autrement. Brian Lucey a une approche plus moderne de la musique… Et tout s’est fait naturellement. Je suis passé par son agent, ils ont écouté nos nouveaux morceaux, et ils ont bien voulu. Je pense que notre récente collaboration avec Brian Lucey n’y est pas pour rien. C’est comme si on était entrés dans la cour de grands ! Ils ont bien accepté travailler avec un petit groupe comme Porn, alors qu’ils ont un rayonnement international.
Quand on vous suit sur les réseaux, on peut s’apercevoir que vous ne faites pas les choses à moitié et que vous êtes motivés à l’idée de vous professionnaliser. Cela ressent également dans le soin que vous apportez à vos clips.
On a travaillé avec plusieurs producteurs pour ces clips. Au total, il y en a 12 qui ont été réalisés, rien que pour les trois albums. Trois ont été conçus à Los Angeles, sept autres en Allemagne ou à Zurich, et enfin deux, à Paris. On a travaillé avec trois réalisateurs différents : Amanda La Trobe, Fernando Cordero, Jeremy Jay Aidan. On a pris la décision de travailler avec des gens de renommée, pour leur expertise, avec qui on était sûrs d’avoir une production de qualité. Le but était de suivre la trame des trois albums, le clip de « Low Winter Hope, pt. 2 » a été tourné dans une prison suisse désaffectée, et notre tout dernier, « Dead In Every Eyes », lui, à Los Angeles. Le script correspond au moment où Mr Strangler se fait arrêter pour finir sur la chaise électrique. D’autres clips nous représentent en train de jouer, mais on projetait surtout de mettre en image la fiction de la trilogie. On a fait avec les moyens que l’on disposait, mais il est amusant de voir que des références du genre comme Marilyn Manson n’aient pas hésité à s’inspirer de nous pour leur vidéo…
Pour apprécier Porn, faut-il obligatoirement écouter les trois albums de la trilogie à la suite ?
On peut aussi écouter les albums séparément. Chacun a son identité propre… Mais, il est vrai que je vous conseille d’écouter les trois à la suite de sorte à vous immerger totalement dans l’histoire. D’ailleurs, courant 2021, je pense que nous allons rééditer les trois albums sous forme de coffret, comprenant quelques morceaux « remixés », avec nos titres revus par des artistes que j’admire énormément, notamment Combichrist.
Quid des prochaines dates ? Comptez-vous passer par chez nous, dans les Hauts-de-France ?
Pour le moment, nous avons quatre dates de prévues, mais vu les circonstances, elles risquent d’être annulées. Pour ce qui est du nord, nous n’avons rien de prévu, non… Mais ce n’est vraiment pas évident, car on est plutôt du genre à s’occuper de tout. Et aussi amusant cela puisse paraître, on nous propose plus de dates aux États-Unis qu’ici en France. Il y a même des chances que l’on tourne aux States l’année prochaine. Ça nous embête, c’est vrai. Il faut dire que si les agences de booking françaises arrêtaient de faire jouer leurs amis, peut-être que la scène française serait enfin amenée à se renouveler !
Et Porn, sur scène, ça ressemble à quoi ?
Je dirais qu’on est un groupe de Rock simple où chacun des musiciens joue son propre rôle. Néanmoins, vos chances de voir Mr Strangler sur scène restent faibles, car la trilogie s’achève, et le personnage principal meurt. À partir de 2021, nous lancerons une nouvelle histoire avec un tout nouveau personnage. D’ailleurs, on est déjà en train de plancher là-dessus !
Porn, c’est :
Mr Strangler : Chant, Programme, Clavier
The One : Synthé, Guitare
The Priest : Basse
Zinzin Stiopa : Guitare
Lucas Delobelle / Simon Digonnet : Batterie « live »
Discographie :
Glitter, Danger and Toy Boyz (2003)
Call Me Superfurry (2005)
A Decade In Glitter and Danger (2010)
From The Void To The Infinite (2011)
Deconstruct (2015)
The Ogre Inside – Act I (2017)
The Darkest Of Human Desires – Act II (2018)
No Monsters In God’s Eyes (2020)

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