Si WuW évolue dans un registre assez atypique – à savoir une sorte de Post-Rock instrumental névrosé – sa démarche est toutefois appelée à faire des adeptes et à éveiller la curiosité de tous ceux aptes à se confiner dans une somme de détails pleins de contrastes. Quelques semaines après la sortie de leur deuxième effort, Rétablir l’Éternité, ses deux architectes – les deux frères Colin – sont revenus avec nous sur le pourquoi d’une telle musique.
Propos de Benjamin Colin (batterie, clavier, percussions) et de Guillaume Colin (guitares, basse, clavier, percussions) recueillis par Axl Meu
Il me semble que WuW est bien plus qu’une histoire de frères qui font de la musique ensemble.
Guillaume : Oui, en fait, mon frère et moi avons suivi le même cursus musical, les mêmes classes au conservatoire. Et à l’adolescence, nous avons tous les deux commencé à écouter des groupes de Metal… Et comme beaucoup, on a souhaité reproduire ce que l’on écoutait, faire de la guitare, de la basse, de la batterie… On n’avait jamais rien sorti à l’époque, on avait quelques formations, mais finalement, ça ne prenait pas. Et jusqu’en 2016, nous faisions partie du même groupe, Abrahma, formation d’Heavy Rock Psychédélique parisienne avec qui nous avions sorti deux albums. Nous nous sommes quitté en bons termes, mais ça nous paraissait naturel de continuer à faire de la musique ensemble. Benjamin est ingénieur-son, il a le matériel nécessaire pour enregistrer, donc on a commencé à travailler ensemble sur des compositions, puis c’est devenu WuW. La formation n’étant formée que de deux seules membres, il est vraiment plus facile pour nous de travailler, d’expérimenter. Tout de suite, il y a moins de compromis à faire !
La musique de WuW et votre nouvel album, Rétablir l’Éternité, l’illustre bien. Elle peut s’avérer aussi chaotique que sous-contrôle. Comment êtes-vous parvenus à donner l’impression que tout est chaotique ?
Benjamin : C’est difficile de répondre ! C’est tout simplement pas mal de travail. WuW est vraiment un groupe de studio. Il faut dire que l’on passe vraiment beaucoup de temps derrière nos ordinateurs à peaufiner nos musiques. En général, Guillaume arrive avec ses idées à la guitare ou à la basse et nous deux ne savons jamais vraiment sur quoi ça va déboucher ! Ça prend forme naturellement au fil de notre inspiration…
Guillaume : On ne planifie jamais rien. Quand on commence à travailler sur un morceau, on ne suit jamais de schéma pour ce qui est de sa structure. On ne se dit jamais : « Il faut que ce morceau sonne ainsi ». On le laisse tout simplement s’exprimer à notre place. C’est comme si on prenait un fil et qu’on le tirait pour voir où ça nous mène !
Benjamin : Nos influences et la musique que nous écoutons au quotidien y jouent pour beaucoup également. Il se peut qu’on écoute des groupes assez « light », ou bien d’autres plus atmosphériques, plus Doom et même de Free Jazz. Je pense que ça ne nous pose pas de problèmes de mélanger tout ça dans notre musique. Chez WuW, il y a toujours eu une volonté d’intégrer un tas d’influences très larges.
Votre musique est toutefois teintée d’une couleur très sombre. Comment l’expliquez-vous ?
Guillaume : Le seul postulat de départ quand nous avons quitté Abrahma était d’évoluer dans un registre relativement lourd et de creuser dans cette veine-là. Dans le Doom. Même si on est conscients que ce n’est pas la forme la plus extrême qui soit. En tout cas, il est clair que cette noirceur – sans être extrêmement poussée – est le fil conducteur de notre musique. Les mélodies arrivent comme elles arrivent et – de temps à autre – on met en place des idées qui peuvent paraître osées à première vue, plus sombres. Mais la base se doit de rester organique, structurée, de sorte que nous puissions y accoler d’autres textures par-dessus.
Malgré cette noirceur, parvenez-vous à tirer une énergie positive de votre musique ?
Benjamin : Pour le moment, nous n’avons qu’une seule date à notre actif, et malheureusement, Guillaume n’était pas là… Donc, on ne peut pas encore dire que l’on tire de la satisfaction sur scène. En tout cas, ce qui nous motive, c’est le fait de créer une musique qui nous plaise et qu’elle soit écoutée. La musique de WuW est intuitive, sincère et nous représente mieux, par rapport aux autres projets dans lesquels nous avons été impliqués jusqu’à aujourd’hui. Malheureusement, le hasard a fait que – bien que nous ayons monté une équipe de choc pour la scène – nous n’avons pu que défendre notre musique sur scène qu’une seule fois, un mois avant le confinement, à Paris, au Cirque Electrique. On avait essayé de se rôder, mais on en profitera plus tard. En tout cas, chaque retour que nous avons est source de satisfaction, car nous sommes vraiment partis de rien.

« Si vous êtes un peu trop distraits, il est possible que de nombreux détails [de notre musique] vous échappent »
Rétablir l’Eternité est un opus principalement instrumental, mais on y retrouve Sam Kün (Welcome-X) sur « Danser Dans Le Chant Des Battements Du Temps » ».
Guillaume : Oui, Sam y assure en effet quelques vocalises… En fait, à chaque fois que j’écoutais ce morceau, des idées de chœur me venaient en tête. Et puisque son spectre vocal est super large, nous avons pensé que ce serait une bonne idée de faire appel à lui. Tout est allé super vite, car nous avions déjà une idée très précise de ce que nous voulions.
Benjamin : Nous avons un autre « guest » sur l’album, Bruce Lamont du groupe Yakuza. C’est lui qui fait le saxophone sur « En Souvenir Des Jours que nous n’aurons pas vécus ». Pour lui, c’était différent, on ne le connaissait pas au départ, mais il nous manquait « ce petit truc en plus » sur ce morceau. Et il y avait de la place pour inclure un saxophone. Finalement, Guillaume a eu l’idée de contacter Bruce. Et il se trouve que notre label, Prosthetic Records, avait déjà collaboré avec son groupe, Yakuza. Notre label nous a finalement mis en relation. On ne lui a pas trop donné d’instructions et, lui, nous a donné carte-blanche pour la suite…
Dernièrement, WuW a proposé une version retravaillée de la chanson « Erde » de Chelsea Wolfe.
Benjamin : En fait, j’ai monté ce projet tout seul dans mon home-studio, puis j’ai fait écouter le rendu final à mon frère. L’idée est un peu venue par hasard grâce au Isolate/Create Project. C’est une plateforme qu’a lancée le groupe The Armed. L’idée était de proposer des sessions de mix aux musiciens confinés chez eux. Avant de travailler sur la chanson de Chelsea Wolfe, j’avais déjà essayé sur du Slow Mass… Finalement, on était tellement fiers du rendu final pour « Erde » qu’on a décidé de le partager sur les réseaux sociaux. J’aime beaucoup Chelsea Wolfe et je trouvais qu’il serait intéressant de voir où tout ça nous conduirait. La seule consigne qu’on s’était fixé était bien sûr de repartir avec quelque chose qui nous ressemble. Le cas inverse, on aurait laissé tomber.
Comment votre collaboration avec le label Prosthetic Records s’est-elle amorcée ?
Benjamin : À l’époque de notre premier album, Rien Ne Nous Sera Épargné, on était tellement satisfaits du résultat que nous nous sommes mis à la recherche d’un label qui puisse nous épauler. Finalement, on a procédé à l’ancienne. J’ai pris le contact d’un paquet de labels et j’ai envoyé nos titres stockée sur un Bandcamp fantôme. Aucun piston, aucun contact. Par chance, notre musique a tout de suite intéressée Prosthetic Records.
Selon vous, comment apprécier la musique de WuW dans les meilleures conditions possible ?
Guillaume : J’aurais tendance à dire qu’il faille écouter la musique de WuW attentivement puisqu’elle est, à mon sens, très exigeante. Personnellement, j’ai toujours besoin d’être disponible à 100% pour comprendre ce qui se joue sur un album. Certes, la musique de WuW est assez répétitive, mais elle reste mouvante, donc si vous êtes un peu trop distraits, il est possible que de nombreux détails vous échappent. C’est pour cette raison que je ne saurais que trop conseiller d’écouter Rétablir l’Éternité au casque.
Quid des lives pour la suite ?
Benjamin : En ce moment, il est difficile pour nous de nous projeter. Après la fin du confinement, tous les groupes seront morts de faim et voudront rattraper tout ce qui n’a pas pu se faire à cause du confinement. Et on est conscients que ça sera un peu la guerre pour trouver des dates. C’est dommage, car on avait commencé à démarcher des salles… Mais pour le moment, on ne sait vraiment rien !
WuW, c’est :
Benjamin Colin : Batterie, clavier, percussions.
Guillaume Colin : Guitares, basse, clavier, percussions.
Discographie :
Rien Ne Nous Sera Épargné (2018)
Rétablir l’Eternité (2020)
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