En dépit de sa carrière chaotique, l’Histoire aura retenu de Tokyo Blade ses deux premiers albums : Tokyo Blade (1983) et Night Of The Blade (1984). Après, c’étaient des sorties moyennes, puis l’oubli, et quelques rares prestations à droite et à gauche. Et pourtant, Tokyo Blade est bien actif en 2020 ! Deux ans après un Unbroken, bon, mais totalement passé inaperçu, les dignes représentants de la NWOBHM nous reviennent avec un nouvel album de Heavy Metal, l’excellent Dark Revolution.
Propos d’Andy Boulton (guitare) recueillis par Axl Meu
Nous traversons une période bourrée d’incertitudes… Comment te sens-tu vis-à-vis du confinement ?
Oui, comme tu dis, la situation est assez délicate… Et ce n’est pas vraiment pas facile de mettre des mots sur ce qui se passe. C’est vraiment un événement unique auquel personne n’avait été confronté avant. Qui aurait pu imaginer que tout cela prendrait de telles proportions ? Personne ! On ne se doutait pas que ce serait aussi sérieux, mais aujourd’hui, tout le monde est invité à se tenir éloigné les uns des autres, et ce, pendant un moment. C’est assez étrange, je dois l’avouer.
Tokyo Blade nous revient avec un nouvel album, Dark Revolution, le deuxième depuis le retour d’Alan Marsh au chant…
Quand nous avions travaillé sur Unbroken courant 2017/2018, ça faisait un moment que Tokyo Blade n’avait pas sorti d’album, Thousand Men Strong date quand même de 2011. C’est loin… En fait, c’est simple, nous n’étions plus sous contrat et ne trouvions pas vraiment de dates où se produire. Et de nos jours, ce n’est pas évident de bien s’entourer ! Bref, il nous manquait un entourage pro’… J’essayais de faire tenir la barque, mais à côté, j’avais commencé à travailler sur un autre projet. Et finalement, on m’a proposé d’enregistrer un nouvel album pour Tokyo Blade, qui allait devenir par la suite Unbroken, album célébrant le retour d’Alan Marsh au chant.
Dark Revolution sent le Heavy Metal classique à plein nez. Comment ce Heavy Metal vient-il à vous ?
De la manière la plus naturelle possible. Après, un autre journaliste me rappelait l’autre jour que l’on pouvait toutefois déceler une certaine évolution dans notre manière d’aborder ce Heavy Metal, qu’il ne ressemblait plus tout à fait à celui que l’on proposait sur les premiers albums. Il faut dire que nous avons tous progressé en tant que musicien au sein du groupe. Aujourd’hui, nous mettons tout en œuvre pour proposer quelque chose de nouveau, d’innovant, tout en prenant du plaisir. D’ailleurs, à quoi cela servirait-il de proposer dix fois le même album ? En général, Alan et moi-même composons quinze morceaux et nous en sélectionnons nos 11 préférés. Je propose toujours des idées de riff, Alan chante des mélodies par-dessus, il écrit des paroles, le groupe se ressemble, nous nous concertons et nous nous arrangeons de sorte que ça soit confortable pour tout le monde.
Le line-up de Tokyo Blade a toujours été instable… Est-ce que tu peux revenir sur le retour d’Alan Marsh, chanteur historique du groupe ?
C’est une longue histoire… Après la parution de notre premier album en 1983, nous avions directement enchaîné sur l’écriture de Night Of The Blade, dont la sortie était prévue pour l’année d’après. À l’époque, nous tournions beaucoup et nous avions eu l’occasion de nous produire dans le cadre du festival Aardschok en Hollande (en compagnie de Venom, Metallica, Savage,… le 11 février 1984, au Ijsselhallen de Zwolle, ndlr). Il y avait vraiment beaucoup de monde, tous les acteurs du milieu étaient au rendez-vous, notamment notre label. Finalement, c’était un peu la douche froide pour nous, car ce dernier nous a mis la pression pour que l’on change de chanteur pour y placer un de ses potes à la place… Il avait trouvé comme prétexte qu’Alan n’était pas assez bon pour continuer avec nous. Finalement, on lui a tout avoué, et c’était fini pour lui.
Vient alors le jour de l’audition du soi-disant remplaçant, mais finalement, il ne pointera jamais le bout de son nez. (Rires) On explique le problème au label, et finalement, on a par la suite appris que le gars ne le sentait pas trop… Cependant, il nous fallait impérativement engager un nouveau chanteur. On rencontre alors Vicki James Wright, qui s’est contenté de chanter les paroles qu’Alan avait écrites avant son départ sur Night Of The Blade. La suite de l’histoire, nous la connaissons tous… Il est clair que nous avons toujours eu du mal à maintenir un line-up stable, notamment pour ce qui est des chanteurs. L’avant-dernier en date étant Chris Squillen, un bon pote à moi, un Américain. Mais finalement, la situation n’était pas viable pour les deux parties, car nous ne sommes pas capables de défrayer ses déplacements des États-Unis jusqu’en Angleterre. Finalement, j’ai démandé à Alan, avec qui j’étais resté en contact, s’il était intéressé par l’idée de revenir dans le groupe, ce qu’il a accepté.

« Aujourd’hui, nous mettons tout en œuvre pour proposer quelque chose de nouveau, d’innovant, tout en prenant du plaisir. »
L’histoire de Tokyo Blade est quand même difficile à suivre. Les changements de personnel à répétition ont-ils eu un impact négatif sur l’image du groupe ?
Oui, vraiment, tous ces changements de line-up ont sabordé l’image de Tokyo Blade. Quand tu lances un groupe, il y a plein de paramètres à prendre en compte si tu veux rencontrer du succès et le garder ensuite. Certains groupes ont continué de remplir les salles, car tous les critères étaient réunis, d’autres ont enchaîné les mésaventures, ont eu moins de chance. Et je pense que c’est notre cas à nous. Tout ça, c’est la faute de notre ancien management et label qui ont pris de mauvaises décisions. C’est comme ça… Aujourd’hui, nous ne nous faisons plus d’illusion, nous ne sommes plus très jeunes, mais il n’a jamais été aussi facile pour nous de travailler ensemble. Nous ne nous la jouons plus « Rock Star »…Tokyo Blade fait juste de la musique pour le plaisir. Et c’est très bien ainsi. J’adore écrire de la musique, j’adore l’enregistrer. Puis, on se connaît tellement bien au sein du groupe, on a appris à s’accepter. Désormais, il n’y a plus aucun problème de relationnel à gérer au sein du groupe.
Quelle est la signification du titre « Dark Revolution » ? Comment devons-nous l’interprêter ?
C’est à Alan qu’il faut poser la question, tout simplement parce que c’est lui qui écrit les paroles. Dark Revolution fait juste le bilan du monde dans lequel nous vivons. L’opinion du peuple n’est plus respectée et les politiciens continuent de faire la leçon aux plus modestes… Les riches s’enrichissent, les pauvres s’appauvrissent, et nous voulons dénoncer tout cela par le biais de ce nouvel album. Les inégalités sociales sont toujours plus flagrantes, mais je ne saurais te dire ce qui pourra faire changer la donne. Comment faire confiance à tous ceux qui nous gouvernent aujourd’hui ? Tout ce qu’ils font, c’est multiplier les promesses de campagne, qui sont finalement des mensonges, pour gagner la confiance de leurs électeurs. Ils sont tous corrompus. Dark Revolution nous invite à briser ces chaînes et appelle les gens à se révolter, à s’indigner.
Tokyo Blade reste et restera à nos yeux l’une des formations phares de la NWOBHM, même si vous êtes arrivés un peu avant la fin du mouvement. Penses-tu que cette musique peut encore intéresser une jeune audience ?
Je suis très fier d’avoir pu appartenir à ce mouvement. Aussi, je suis toujours aussi surpris de voir que beaucoup de jeunes continuent de s’intéresser à notre musique. Certains d’entre eux portent le t-shirt Tokyo Blade, ont le patch du groupe sur leur veste. Et c’est vraiment fantastique à voir ! D’ailleurs, sans des personnes comme toi, comme vous, sans nos fans, le groupe n’aurait plus de raison d’exister. Si les gens ne s’intéressaient pas à nous, à quoi nous servirait-il de continuer ? C’est toute cette reconnaissance qui nous aide à entretenir la flamme, à continuer à faire ce que nous savons faire de mieux. En tout cas, je serai toujours aussi reconnaissant envers tous ceux qui prennent encore le temps de s’intéresser à nous, et j’espère qu’ils prendront autant de plaisir à écouter ce nouvel album que nous en avons eu à le concevoir.
Tokyo Blade, c’est :
Steve Pierce : Batterie
Andy Boulton : Guitare
Alan Marsh : Chant
John Wiggins : Guitare
Andy Wrighton : Basse
Discographie :
Tokyo Blade (1983)
Night of The Blade (1984)
Blackhearts & Jaded Spades (1985)
Ain’t Misbehavin’… (1987)
No Remorse (1989)
Burning Down Paradise (1995)
Pumphouse (1998)
Thousand Men Strong (2011)
Unbroken (2018)
Dark Revolution (2020)
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