Difficile de passer à côté du phénomène Exocrine de nos jours. Il faut dire que la formation de Death Metal technique a déjà réalisé quatre albums (et de qualité en plus !) en un peu plus de cinq ans. Une vraie prouesse qui leur a permis de signer sur le prestigieux label américain Unique Leader Records pour Molten Giant (2018). Deux ans plus tard, Exocrine nous revient avec un nouvel opus, aussi ambitieux que ceux qui l’ont précédé. Il a pour nom Maelstrom. Sylvain Octor-Perez nous en parle !
Propos de Sylvain Octor-Perez (guitare) recueillis par Axl Meu
Aujourd’hui, nous avons appris, sans surprise, que la prochaine édition du Hellfest était annulée… Vous deviez pourtant vous y produire.
Oui, ça devait être notre première fois là-bas ! Et on avait calibré la sortie de Maelstrom par rapport à cette date. Le label-manager d’Unique Leader, notre maison de disque, avait fait en sorte que l’album sorte cinq jours après notre performance au Hellfest et la petite série de dates que l’on devait donner. Mais tout ça est tombé à l’eau à cause du virus… On est déçus, c’est vrai… Mais pensons d’abord au Hellfest et à son équipe qui se démènent tous les ans pour concocter la meilleure affiche possible. Nous, nous ne sommes qu’un petit groupe sur l’affiche parmi tant d’autres. Le Hellfest, lui, va perdre beaucoup d’argent.
Exocrine va donc publier son quatrième album le 26 juin prochain, c’est Maelstrom. Dans quelle optique as-tu abordé cet opus ?
Je compose tout au sein d’Exocrine, j’en suis également le producteur. C’est simple, quand je commence à travailler sur un album, je m’enferme 2/3 mois dans mon studio d’enregistrement, je prends quelques mois sabbatiques et je ne vois plus personne. Et c’est ce que j’ai fait pour Maelstrom. J’ai programmé la batterie, j’y ai assuré quelques « bouillies » pour la voix et au bout de deux mois, j’ai revu les gars du groupe, je leur ai tout donné. Cela dit, il y a quand même eu quelques changements, notamment pour la batterie. Notre nouveau batteur, Théo, compose énormément. Donc, il a amené ses idées, ses modifications… Puis, une fois les idées en place, on est allés chez Matthieu (Pascal, ndlr) de Gorod pour enregistrer la batterie. Puis, nous avons enregistré et mixé le reste à domicile. Maelstrom est sorti très naturellement, de manière très spontanée.
Est-ce que tu peux revenir sur le concept qui englobe Maelstrom ?
Maelstrom est un faux-concept sur l’eau. Quand on l’écoute attentivement, on y retrouve pas mal de références sur l’eau, qui guident la narration. Ascension était un concept-album qui portait sur l’exode spatiale au cours de laquelle des hommes étaient envoyés dans l’espace… Pour Molten Giant, une sorte de créature apparaissait après une sorte d’attaque nucléaire et plongeait une nouvelle fois l’espèce humaine dans une situation pas possible ! Là, sur Maelstrom, une autre créature fait son apparition : le Kraken. Des hommes subissent un tas d’expériences et ils se retrouvent confrontés à un Kraken qui leur pourrit l’existence, on ne sait trop pourquoi. Finalement, à la suite d’une série d’épreuves, seuls quelques élus sont sélectionnés pour se retrouver dans l’espace…
Tout à l’heure, tu m’expliquais t’être enfermés chez toi pendant deux mois pour mettre au point cet album. Comment parvenais-tu à prendre du recul par rapport à tout ce que tu écrivais, et surtout, à ne pas tomber dans le piège de la technique pour la technique ?
Exocrine a comme prioriété de jouer tous ses morceaux sur scène et de ne pas tricher sur album. Jamais on n’augmentera la vitesse de nos morceaux, ce que fait d’ailleurs la moitié des groupes américains. Ça, on s’est toujours promis de ne jamais le faire ! Un peu comme Gorod d’ailleurs. Peut-être qu’Exocrine est moins technique par rapport à d’autres groupes, mais tout est jouable chez nous. Je compose énormément comme je t’ai dit, mais il m’arrive régulièrement de me séparer d’une partie du matériel composé, de l’ordre de trois ou quatre morceaux : tout simplement parce que je me rendais compte qu’il manquait quelque chose. Donc, j’épure, je pars du principe qu’il faut qu’il faut proposer le meilleur contenu possible. Mais encore une fois, si je ne peux pas jouer le morceau de A à Z, je ne peux pas le valider.

« Exocrine a comme prioriété de jouer tous ses morceaux sur scène et de ne pas tricher sur album«
Oui, par moments, certains groupes préfèrent se faire plaisir en studio sachant très bien qu’ils ne seront jamais amenés à jouer tous les morceaux de leur répertoire.
Oui, beaucoup partent dans cette optique aujourd’hui, car ils sont dans une logique de remplissage. Je trouve ça dommage car, c’est comme si tu présentais un repas et que tu misais tout sur le plat de résistance, au détriment de l’entrée et du dessert. C’est dommage, car j’aime bien quand un album est régulier. Bon, après, je dois quand même avouer qu’avec le recul, je ne suis jamais satisfait à 100% de mes albums, mais cette fois-ci, je trouve que Maelstrom est plutôt pas mal ! (Rires) Sur Molten Giant, il doit y avoir 3/4 qui m’agacent vraiment, même si on continue de jouer 3/4 de l’album. Pour Ascension, c’est quand même différent, car on sentait à l’époque que nous avions considérablement évolué dans notre manière d’aborder nos compositions, surtout au niveau du tempos.
Dans ce nouvel album, on y retrouve quelques incursions très Jazz. Ça fait partie de tes influences, j’imagine...
Oui, oui ! J’ai suivi un cursus Jazz au conservatoire durant ma jeunesse. Et c’est à l’âge de 8 ans que j’ai découvert Joe Satriani et Sepultura, et même Iron Maiden… Je voulais donc évoluer dans ce style, mais finalement, j’ai dû me plier aux exigences de mes parents et suivre un cursus Jazz. Certes, tu bosses un peu dans la contrainte, mais finalement, tu finis par comprendre que le Jazz, c’est vachement bien. Il y a une quinzaine d’années, je me suis remis à réécouter les exercices qu’on me donnait, et je dois dire que j’ai été particulièrement surpris. Quand on y regarde de plus près, les deux styles ne sont pas si éloignés que ça, notamment pour ce qui est de la conception de la musique. Ça me permet de jouer sur les contrastes, nos morceaux sont parfois plus « Bluesy », plus « Post », parfois plus « Grind ». C’est vraiment ça que j’aime chez nous, ce côté « complet » !
Tout à l’heure, tu faisais allusion à votre nouveau batteur, Théo Gendron. Qu’a-t-il vraiment apporté au groupe ?
Vraiment, beaucoup de choses ! C’est la première fois que l’on s’entend si bien avec notre batteur ! C’est un vrai ami… Notre premier batteur était sympathique, mais assez détaché de nous. Pour ce qui est du deuxième, c’était assez compliqué, on avait dû s’en séparer dans la douleur… Pour ce qui est de Théo, on l’a rencontré dans le cadre d’une tournée de Dagoba. Nicolas Bastos, le batteur du groupe, ne pouvait pas assurer la tournée, car il était dans l’attente d’un heureux événement. Donc, un de ses élèves avait assuré l’intérim à sa place… Théo avait déjà joué au sein de Deep In Hate, Master Crow… Et il se trouve qu’il aimait bien Exocrine ! Donc, tout est allé assez vite. Une seule répétition aura suffi pour être au point et partir avec Pitbulls In The Nursery. On était tous un peu stressé, on ne savait vraiment pas dans quoi on s’engageait, mais finalement, on est resté côte à côte à se marrer ! À côté, il y a le musicien, ce batteur qui m’a d’emblée dit : « Vas-y, je n’ai vraiment aucune limite, je peux jouer jusqu’à 350 BPM ». Finalement, pour l’embêter, le premier morceau que je lui ai envoyé était à 351 BPM ! (Rires) C’est vraiment un batteur multi-fonctions, qui va toujours trouver le petit truc « groovy » qui va faire du bien, qui va aérer le propos du groupe. Sans exagérer, Théo est sans conteste l’un des meilleurs batteurs que je connaisse : une vraie machine !
Julien Truchan de Benighted chante sur « The Kraken ». J’imagine que c’était une évidence pour vous de faire appel à ses services.
Julien, je l’adore. C’est vraiment un gars en or, d’une gentillesse infinie ! Je le côtoyais un peu avant, j’ai toujours bien aimé sa voix… Et je me m’étais lancé comme défi d’écrire un morceau qui pourrait convenir à son timbre. Dès que je lui ai proposé, il m’a dit : « Banco, on y va ! ». Finalement, il m’a fait ses pistes en une après-midi, sans me demander quoi que ce soit en retour.
Le premier album d’Exocrine est sorti en 2015 via Great Dane Records. Désormais, nous en 2020, vous en êtes déjà à quatrième via Unique Leader Records ! Le succès d’Exocrine, vous le devez à votre régularité…
Personnellement, je pense que c’est bien de ne pas trop faire attendre le public entre deux albums. Après, j’ai d’autres projets à côté, comme Empyreal Vault que j’ai monté avec Jordy, le chanteur/bassiste d’Exocrine, avec qui j’ai sorti un album l’année dernière, également via Great Dane Records…

« Si tu es inactif, tu n’attires plus, tu n’existes plus, c’est aussi simple que ça ! »
Le label nordiste Death Metal géré par Raphaël…
Oui, quelqu’un de très important pour moi, et même pour la scène Metal française en général. C’est un mec qui bosse à l’ancienne. Franchement, je l’adore ! Un vrai passionné comme on n’en fait plus ! Pour le premier album d’Exocrine, j’avais eu d’autres propositions, mais c’est lui qui a été le plus humain. On a parlé très franchement, très honnêtement, et finalement, on a sorti deux albums avec Exocrine via son label. Quand on a commencé à tourner avec Obscura, on a eu des offres plus importantes et Raph, bienveillant, nous a conseillés. C’est aussi pour cette raison que j’ai décidé de faire paraître le premier album Empyreal Vault via Great Dane Records.
Mais oui, pour revenir à ta question initiale, je pense que la productivité joue pour beaucoup dans le succès que rencontre Exocrine aujourd’hui. De nos jours, un album n’a pas une durée de vie énorme. Ton album, tu le sors, il existe 3 à 6 mois… Après, seuls les gens qui l’ont vraiment aimé continueront de l’écouter. Donc, si tu es inactif, tu n’attires plus, tu n’existes plus, c’est aussi simple que ça !
En 2018, Exocrine est parti en tournée japonaise avec Obscura. C’était comment ?
Singulier. On a embarqué, mais à notre arrivée, on a appris qu’Air France avait perdu tout notre matériel. L’angoisse ! La veille de notre premier concert, on n’avait toujours rien ! Moi, j’avais juste gardé ma guitare dans l’avion… Mais heureusement pour nous, les gars d’Obscura nous ont prêté leur matériel. Donc, on a dû s’adapter avec les moyens du bord et réécrire une partie des partitions du groupe, notamment la basse, à l’origine composées pour une basse à six cordes. C’était assez Rock’n’Roll pour finir ! Finalement, le lendemain, on reçoit notre matériel, bien rangé, sous-cellophane, ce qui nous a permis de repartir sur de bonnes bases ! Finalement, cette tournée fut mémorable : les Japonais sont très respectueux envers les premières parties : ils assistent à tous les concerts de la soirée, introduits de manière théâtrale avec le rideau rouge qui va avec. Autant dire qu’on a vraiment hâte de retourner au Japon !
Votre label étant d’origine américaine, avez-vous prévu de vous produire aux États-Unis ?
C’est vraiment une question piège ! Ça fait 2/3 ans qu’on réclame Exocrine aux États-Unis, nous comptons beaucoup de fans là-bas, mais en fait, depuis que Donald Trump est au pouvoir, c’est un peu compliqué… car pour tourner là-bas, il faut des certificats de travail qui coûtent un bras. Et même quand tu les as, il y a des chances qu’on annule ton visa. C’est arrivé à Gorod… Donc, pour le moment, on préfère ne pas jouer avec le feu !
Exocrine, c’est :
Sylvain Octor-Perez : Guitare
Nicolas La Rosa : Guitare
Jordy Besse : Chant, basse
Théo Gendron : Batterie
Discographie :
Unreal Existence (2015)
Ascension (2017)
Molten Giant (2018)
Maelstrom (2020)
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