Bien qu’évoluant dans un registre bien plus modéré que les autres formations chroniquées en ces pages, le Skeleton Band a toutefois toutes les cartes en main pour intéresser les fans de musiques extrêmes : des chansons fortes en émotions dans lesquelles s’alternent morosité et fugacité. Une vision de la musique – et de la vie – bien pessimiste qui se retrouve une nouvelle fois exposée sur Aux Cavaliers Seuls, le nouvel album du trio…

Propos de Alex Jacob (Chant, Guitares, Banjo, Concertina) recueillis par Axl Meu


Selon toi, pourquoi le Skeleton Band peut-il intéresser les fans de musiques extrêmes ? 

Tout simplement parce que la musique que développe Le Skeleton Band est extrême dans son romantisme, c’est-à-dire que, quand elle va mal, elle va vraiment très mal. Pour ce faire, lorsque nous travaillons sur une émotion, on cherche vraiment à la pousser à bout. Puis, par moments, on est assez instables, dans le sens où nous passons vraiment d’un état à un autre : notre musique est très organique… Peut-être que les fans de musiques extrêmes seront amenés à se retrouver dans cet amoncellement d’émotions.

Votre nouvel album s’intitule Aux Cavaliers Seuls. Est-ce que tu pourrais m’en parler ? 

On a travaillé sur cet album ces deux dernières années, et nous l’avons enregistré il y a quelques mois… On s’est penchés dessus quand Le Skeleton Band est redevenu un trio. Durant quatre années consécutives, la formule était différente, nous avions intégré un quatrième membre, un deuxième guitariste, mais celui-ci s’en est allé. Cela dit, cette formule nous avait permis de renouveler notre approche de la musique et d’évoluer dans un style adapté à plusieurs types de salle : des clubs, des MJC, des pièces plus basses.

Et pour ce faire, notre batteur a totalement modifié son set de batterie en remplaçant son tom-basse par une grosse caisse, en y ajoutant des casseroles et poêles ici et là. On y a aussi ajouté des systèmes de « loop » pour la basse, et beaucoup de fuzz pour ma voix. Et au fil des années, nous sommes allés vers une esthétique plus progressive, plus proche du Post-Rock… Pour ce qui est des paroles, il y a eu une volonté d’affronter nos propres peurs, d’oser voir ailleurs, au fond du puit, ce qu’il y a de plus sombre en nous ! 

Le son de la guitare sur ce nouvel album est très particulier, c’est un peu comme si la guitare était plus qu’un simple instrument, dans le sens où tu aimes multiplier les couches sonores. 

Par moments, j’ai été amené à enregistrer avec plusieurs guitares. Ce qui me plaît, c’est quand les différentes couches se superposent. C’est possible avec les effets que j’utilise. D’ailleurs, sur scène, j’utilise deux amplis distincts pour ma guitare. J’utilise un ampli, spécifiquement pour l’effet Fuzz. Et quand je joue, c’est comme si une deuxième guitare arrivait de nulle part. Aussi, il faut ajouter que, dernièrement, nous avons beaucoup travaillé sur la notion de bourdon, de musique traditionnelle, mais en plus sauvage. C’est pour cette raison que tu retrouveras sur ce nouvel album beaucoup plus de ruptures, beaucoup plus de changements, par rapport à notre dernier album, Tigre-Teigne

Du fait du départ de votre deuxième guitariste, j’imagine que la guitare a été abordée différemment sur ce nouvel album. Les mélodies sont bien plus mélancoliques : ça se ressent énormément sur la piste « Cavaliers Seuls » ?

Ce morceau-là, c’est l’un des premiers que nous avons composé pour cet album. Au départ, je l’avais mis au point seul, à la guitare acoustique, puis ensuite, les autres y ont greffé leurs idées. Au départ, ce n’était pas un instrumental, il avait des paroles, mais à force de le répéter, on trouvait que les paroles mangeaient certaines évocations, comme si la chanson était plus émotive sans.

Comment expliques-tu une telle mélancolie ? 

Disons que nos albums n’ont jamais flirté avec la joie de vivre. C’est jamais la grosse fête, quoi ! Mais oui, je dois que nous avons composé l’album à une période propice à la mélancolie… C’est aussi une émotion que nous voulions affronter par nous-même : Tigre-Teigne était quand même plus brutal dans son approche. Ici, sur Aux Cavaliers Seuls, nous avons laissé le temps aux morceaux et à cette fameuse tristesse de se développer. Et nous y sommes parvenus. L’ensemble est bien plus ambiant, plus atmosphérique : ce qui a fait naître cette fameuse mélancolie. 

En ce qui concerne les paroles, on y retrouve du français et de l’anglais. Et quelle que soit les langues employées, c’est toujours très poétique ! De quels auteurs as-tu puisé ton inspiration pour les textes ? Lamartine ? Musset ? 

En temps normal, il y a toujours des références très claires, mais pour celui-ci, je me rends compte qu’il n’y a vraiment qu’un seul auteur qui m’a accompagné ces dernières années : Fernando Pessoa. Un auteur très introspectif, hyper révolté, mais aussi et surtout bien triste dans ses mots. Mais c’est vrai, car la vie est un peu comme ça. Je conseille surtout Le Livre de l’Intranquillitté.  

« Nos albums n’ont jamais flirté avec la joie de vivre »

Comment fais-tu pour attribuer telle ou telle langue à tel ou tel morceau ? Te dis-tu « celui-ci sera en français », « celui-ci, en anglais » ? 

Des fois, il m’arrive de savoir à l’avance, mais en général, nous faisons des tests pour voir si l’essai concluant, oui ou non. Par exemple, au départ, les paroles du morceau « Des Chairs et des Os » étaient en anglais. Mais, une fois, lors d’une de nos répétitions, je me suis mis instinctivement à le traduire en français. En fait, j’avais l’impression qu’il lui manquait quelque chose. Et le simple fait de le chanter en français m’avait donné l’impression de le rendre encore plus authentique. C’est vrai qu’il est plus simple de chanter en français, mais il ne faut pas tomber dans l’écueil de la variété française. Mais pour le cas présent, ce n’est pas le cas. 

Tout à l’heure, tu me disais que tu avais en partie composé « Cavaliers Seuls » seul avant qu’il ne devienne le morceau qu’il est aujourd’hui. Comment avez-vous procédé pour les autres morceaux ? 

Ça dépend. Par exemple, « The Fall » était une chanson de notre premier album, alors très différente de ce qu’elle est aujourd’hui. C’est un peu comme si ce morceau était témoin de l’évolution du groupe. Pour ce cas présent, j’ai tout simplement explosé la piste originale et nous l’avons reconstruite sur d’autres bases au cours de plusieurs jam-sessions. Après, il y a d’autres morceaux que nous avons travaillés ensemble à partir des plans de riff et des quelques mots que j’avais pour les paroles. En fait, ce qui se passe régulièrement, ce que nous modifions la chanson au fil des répétitions. Et pour finir, le morceau ne ressemble plus tout à fait aux idées que j’avais apportées.

J’imagine que l’interprétation que vous y amenez sur scène apporte également son lot de modifications. 

Oui, dans le sens où on est toujours obligés d’adapter nos morceaux par rapport à notre set. Donc, on change. Et l’avantage de cette musique – et plus que jamais sur ce disque -, c’est qu’elle laisse place à une interprétation totalement différente quand elle est jouée sur scène.

À quoi devons-nous nous attendre pour les prochaines prestations du groupe ? 

Certaines chansons seront modifiées, comme ça a été le cas pour celles de Tigre-Teigne. Par exemple, pour cet album, on avait totalement revu l’outro de deux de ses morceaux. Les fins étaient désormais bien plus bruyantes, et ça nous avait permis de travailler sur de nouvelles idées. Parfois, on aime aussi jouer sur les contrastes, partir de quelque chose de plus soft pour mieux rebondir ensuite. Et c’est vrai que le mouvement Post-Rock nous avait déjà bien influencés à l’époque…

Le Skeleton Band est appelé à évoluer ces prochaines années. Est-ce que tu saurais te projeter ? 

J’espère que l’on donnera pas mal de concerts pour promouvoir Aux Cavaliers Seuls. Du moins, on espère que ça sera possible ! Ce nouvel album a lancé de nouvelles pistes à explorer, donc nous serons sans doute amenés à évoluer et à créer de nouveaux morceaux à partir de ces nouvelles bases. 

À ton avis, dans quel type de salle pouvons-nous apprécier au mieux la musique du Skeleton Band ? 

Je crois vraiment que les petits clubs de Rock sont taillés pour notre musique. À chaque fois, j’ai vraiment l’impression que c’est là que nous vivons nos meilleurs concerts du fait de la proximité avec le public. Ça apporte vraiment quelque chose en plus. De la vie. 


Le Skeleton Band, c’est : 

Alex Jacob : Chant, Guitares, Banjo, Concertina

Bruno Jacob : Contrebasse, Choeurs

Clément Salles : Batterie, Melodica, Vibraphone

Discographie : 

 Preacher Blues (2009)

Bella Mascarade (2012)

La Castagne (2014)

Tigre-Teigne (2017)

Aux Cavaliers Seules (2020)

A propos de l'auteur

Rédacteur en chef d'Heretik Magazine

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