Formé en 2016, Gaerea est parvenu à s’imposer dans le nouveau paysage des musiques sombres par le biais d’un Post-Black Metal personnel et cathartique, celui mis en exergue sur Unsettling Whispers, son premier album, lui permettant de faire ses armes dans le cadre de quelques-uns des plus prestigieux festivals du genre, à savoir le Barroselas Metalfest, le De Mortem et Diabolum, le Throne Fest, le Frantic Fest, l’Eresia Metal Fest, l’Amplifest et bien d’autres. 2020, une nouvelle signature, un nouvel album, Limbo, et de nouvelles perspectives pour une formation qui n’a vraisemblablement pas fini de faire parler d’elle !
Propos recueillis par Axl Meu
Est-ce que vous pouvez nous faire un petit récapitulatif de votre histoire et par la suite nous présenter votre nouvel album, Limbo ?
Gaerea est un projet de Post-Black Metal cathartique tout droit venu du Portugal. On s’est formé à la mi-2016 et avons réalisé notre premier EP dans la foulée, ce qui nous a permis de nous produire l’année suivante. En 2018, paraît notre premier album, Unsettling Whispers via Transcending Obscurity Records, puis nous partons en tournée un peu partout en Europe et en Asie. Actuellement, nous sommes sur la sortie de notre nouvel album, Limbo, qui doit voir le jour dans une dizaine de jours via Season Of Mist. Ensuite, nous comptons tourner le plus possible afin de le promouvoir.
Limbo consacre en quelque sorte l’évolution de Gaerea, mais aussi du Black Metal en général. La production est très propre, ce qui n’était pas forcément le cas des groupes issus des années 90…
Je n’ai jamais conçu Gaerea comme un groupe de Black Metal ordinaire… Nous ne sommes pas du genre à suivre les thématiques communes propres au Black Metal. À la place, nous les tordons et les mettons à notre sauce. Ça marche aussi bien pour notre concept que pour la production de nos albums. Pourquoi devrions-nous sonner comme les groupes norvégiens des années 90 ? Nous ne sommes pas de la même génération, ni même du même pays ! Nous sommes portugais et évoluons dans ce style uniquement pour les émotions qu’il véhicule, son cri du cœur et le frisson qu’il procure quand il est bien joué. Et pour moi, tout cela requiert la production pour laquelle nous avons opté, à savoir une production grotesque, ouverte à tous les possibles.
Gearea convie ses auditeurs à un voyage à travers les méandres du désespoir et de l’obscurité… Quel est votre message ?
Je voulais tout simplement concevoir une fin magnifiquement grotesque au tourment qui ronge mon esprit. Limbo a demandé énormément d’attention à tous ceux qui ont contribué à sa conception. Il est intense… J’entends par cela que chacun de nous a laissé une partie de lui dans cet album, qu’il nous a – en quelque sorte – consumés. Les paroles abordent des sujets très personnels en lien avec le désespoir, le clivage amour/haine, le salut de l’âme et la libération. Voilà les sujets que traite l’album : des problématiques en lien avec le genre humain.
Comment procédez-vous pour composer des chansons aussi introspectives ? Est-ce que vous vous inspirez de vos vies personnelles ?
Quand je suis dans un processus de création, je m’enferme et je m’interdis tout contact avec autrui. Mentalement, je fais en sorte que mon âme puisse écrire tout ce qui sera par la suite présenté aux autres membres du groupe. Ensuite, nous passons plusieurs semaines à perfectionner tout ce qui est composé. Et que dire si ce n’est que ce n’est jamais très facile d’écrire une chanson pour le groupe à partir de rien ? Nous n’écrivons ensemble, et ce n’est certainement pas sur la route que nous allons nous mettre à composer des morceaux. Je veux dire, quand nous sommes en tournée, nous préférons découvrir des cultures différentes aux nôtres et rencontrer de nouvelles personnes… Tout cela nous semble bien plus intéressant, car nous savons d’emblée que tout cela nous servira une fois que le processus de composition du prochain album sera amorcé.
Être sur la route, pour nous, doit rester un moment unique. D’ailleurs, nous serons toujours très reconnaissants envers les personnes qui viennent assister à nos représentations. Nous ne sommes pas du genre à perdre notre temps dans les coulisses ou dans notre van avec nos instruments, nous préférons aller à leur rencontre. Ça n’aurait aucun sens de partir en tournée pour s’enfermer de la sorte. Je veux dire, nous savons qu’explorer tout ce qui nous entoure nous sera bien plus précieux une fois que nous serons amenés à écrire de la nouvelle musique. Tout fera finalement sens pour vous et vous serez capable de créer des liens entre tout. C’est ainsi que Limbo a été conçu : à partir des expériences que le groupe a vécues sur la route « live ».

« Pourquoi devrions-nous sonner comme les groupes norvégiens des années 90 ? »
La pochette a été réalisée par Eliran Kantor. Quelles directives lui avez-vous données de sorte qu’elle soit conforme à vos souhaits ?
Il y a peu de personnes capables de concevoir des œuvres d’art aussi réalistes et pétrifiantes que les siennes. Je peux passer des heures à analyser son travail et à me concentrer sur les petits détails, et pas seulement la pochette de Limbo. Elle se focalise principalement sur l’expérience du morceau « Mare », la piste fleuve qui ferme l’album. Et je pense que – une fois que tu auras écouté le morceau en question et en auras lu plus à son sujet – tu seras en capacité de mieux comprendre ce qui se joue sur l’album, de ce morceau et sa pochette. La pochette représente une vision que j’ai eue dans un de mes rêves, et finalement, ça nous a demandé deux ans à Eliran et à moi-même pour la mettre en images. Et la mettre en images était le seul moyen que j’avais à ma disposition pour mettre fin à ce cauchemar troublant qu’est la vie au sein des limbes de l’Enfer.
À quoi devons devons-nous nous attendre pour la prochaine tournée qui commence à l’Automne prochain avec Harakiri For The Sky ? N’avez-vous pas peur que les premières dates soient annulées à cause à la pandémie ?
La plupart des dates prévues pour automne sont à présent annulées, à part nos « release-shows » qui se dérouleront – comme prévu – au Portugal. J’essaie de ne pas trop m’apitoyer sur notre sort, parce que nous travaillons constamment, planifions de nouvelles dates, répétons le plus possible et concevons activement les prochains accessoires scéniques, et bien plus encore. Cette pandémie n’a en rien freiné l’activité du groupe, au contraire, je dirais qu’elle a fait de Gearea un groupe bien plus professionnel ! Maintenant, si la tournée en compagnie de Harakiri For The Sky doit avoir lieu comme prévu, comptez sur nous pour laisser nos âmes s’exprimer. Nous le méritons, ainsi que notre public !
Vous ne désirez pas communiquer sur votre identité : tout est occulté chez vous, et vous n’êtes pas les seuls à procéder ainsi, à porter des capuches sur scène. Je pense notamment à Mgła, Regarde Les Hommes Tomber, Mephorash… Peut-on parler d’une esthétique commune à une éventuelle troisième vague concernant le Black Metal ?
Nous portons des cagoules et des masques comme personne n’en porte. Personne ne tient à dévoiler sa véritable identité son « soi-intérieur », celui dont on est sûrs qu’il existe au plus profond de nous-mêmes, dans notre sommeil, celui que quiconque ne peut cerner. Cette volonté de rester anonymes s’explique en raison de la peur d’être rejeté. Elle est – selon nous – est un préjudice nécessaire à la condition humaine. Cette peur d’être rejeté par ses pairs est véritablement ce qui fait de nous des êtres humains. Donc, ne dévoilons pas notre identité, – comme tout le monde – nous ne sommes que de passages dans ce « vide » que nous appelons « vie ». À propos de la soi-disante troisième vague, je pense qu’il est encore trop tôt pour nommer ce mouvement. Il faut laisser le temps faire, que l’Histoire se fasse et laisser les amateurs de musique extrême analyser ce mouvement, tout ce qui s’est passé dans la scène à partir de 2010, définir convenablement cette nouvelle forme de « Black Metal »
Limbo est votre deuxième album, mais le premier à sortir via Season Of Mist, label qui va vous permettre de gagner en visibilité. Comment cette signature s’est-elle amorcée ?
Comme toujours, nous aimons être entourés de personnes créatives, passionnées et productives. Season Of Mist nous a tout apportés et jusqu’à aujourd’hui, tout se passe parfaitement bien entre les deux parties… Et je pense même pouvoir dire que nous avons trouvé LE label et que nous allons nouer des liens très solides ensemble. Et ne me lance pas sur leur catalogue ! Nous sommes vraiment en très bonne compagnie, il signe régulièrement de très bons groupes ! Pour ce qui est de la signature en elle-même, nous savions que nous avions des cartes à jouer auprès du Season Of Mist en 2019. Car notre album était dans la boite et que nous avions annoncé une nouvelle tournée en 2019 en compagnie de Numerorean, formation de Post-Black Metal Canadienne également signée chez Season Of Mist. Toutes les pièces du puzzle se sont alors réunies le plus naturellement possible…
Quid de la scène Black Metal portugaise ?
Je dois dire que la scène portugaise est assez faible actuellement. Il fut un temps où elle évoluait pas mal, mais elle a stagné jusqu’à se mettre en pause à partir de 2010. Cela dit, il reste encore un paquet de groupes qui continuent à nous passionner, qui existent encore et qui continuent à faire parler d’eux. Je pense notamment à Corpus Christii, Black Cilice, Inthyflesh, IRAE et à Decayed…
Gaerea, c’est :
N/C (line-up non communiqué)
Discographie :
Gaerea (EP-2016)
Unsettling Whispers (2018)
Limbo (2020)
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