Poser un album de Skáld sur sa platine, c’est l’assurance de se laisser porter par des mélodies exotiques et épiques venues d’un autre temps. Une véritable aubaine en cette période assez particulière où chacun est invité à suivre des règles de distanciation sociale… À l’occasion de la sortie de Vikings Memories, nous avons pu échanger avec deux de ses protagonistes, Pierrick Valence et Justine Galmiche…

Propos de Pierrick Valence (chant, skáldharpa) et Justine Galmiche (chant) recueillis par Axl Meu 


Votre deuxième album, Vikings Memories, arrive très prochainement dans les bacs. J’aimerais savoir pour commencer ce qui s’est passé pour vous entre la sortie de l’album Le Chant des Vikings et celui-ci…

Pierrick : Skáld a eu l’opportunité de fouler la scène de gros festivals, comme le Hellfest et de partir tourner un peu partout dans le monde, comme en Russie, au Portugal, en Suisse, en Allemagne… Tout ça, ça nous a vraiment permis de mieux nous connaître et de créer une vraie cohésion de groupe, entre nous et notre producteur, Christophe Voisin Boisvinet, lui qu’on ne voit pas très souvent, mais dont le rôle est essentiel ! Du coup, quand est venue la phase de composition de ce nouvel album, Skáld a été amené à créer une musique bien plus personnelle…

En fait, à l’époque du premier album, nous n’avions pas pu prendre de recul, mais pour Vikings Memories, c’est totalement différent. Cette fois-ci, nous avons pris le temps de le composer, c’était un peu avant que le virus ne s’installe. Et déjà à l’époque, nous avions la sensation que nous étions arrivés à la fin d’une ère… C’est donc tout naturellement que nous avons décidé d’aborder de manière imagée, des sujets d’actualité en lien avec la montée des eaux, le réchauffement climatique, la surproductivité. À partir de ces thématiques, on y a donc établi tout un tas de parallèles avec les anciens écrits norrois…

Justine : Aussi, entre les deux albums, et ça, personne n’y a échappé, il y a eu ce fameux confinement… Ces longues semaines passées seul chez soi qui nous ont permis de réfléchir… Finalement, à la fin du confinement, nous avons eu besoin d’exorciser tout cela en enregistrant l’album en Bretagne. À l’époque, nous ressentions tout un tas de sentiments, comme la peur, le doute, la joie, et je pense que cela se ressent sur ce nouvel album. 

Comment avez-vous vécu la sortie de ce premier album qui – du jour au lendemain – vous a propulsés de l’ombre à la lumière ? Cette première signature avec Decca Records n’était-elle pas source d’angoisse pour vous ? 

Pierrick : C’est une véritable chance que de pouvoir travailler avec des équipes qui nous offrent les moyens de concrétiser nos rêves. Cependant, c’était loin d’être évident, car tout est allé vraiment vite ! Peu de groupes ont le privilège de faire leurs débuts à La Cigale de Paris, puis d’enchaîner avec une tournée européenne. Cela dit, bien que nous soyons fiers de tout cela, nous sommes quand même restés très terre-à-terre. Notre quotidien n’est pas fait de « séances-piscine » à Hollywood. Il nous a juste fallu trouver le juste-milieu entre les moments où on l’est au studio et les moments où l’on est chez nous.

En tout cas, nous sommes très satisfaits du travail accompli, notamment sur ce nouvel album, Vikings Memories, qui, même s’il ne sort pas au meilleur moment de notre carrière, j’espère, plaira à tous nos fans. Car, il ne faut pas oublier que nous sommes là pour divertir les amateurs de musiques. Aujourd’hui, plus personne ne peut sortir. Il n’y a plus de concerts, plus de festivals… Donc, notre démarche, aujourd’hui, elle consiste à inviter tout le monde à découvrir notre musique qui – en plus d’être dépaysante – est libre d’accès sur toutes les plateformes d’écoute en ligne. Bien sûr, rien ne vous empêche de nous soutenir en vous procurant l’album en physique.  

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« C’est une véritable chance que de pouvoir travailler avec des équipes qui nous offrent les moyens de concrétiser nos rêves »

Comme vous disiez à l’instant, la vocation de Skáld est de dépayser par le biais d’une musique celtique rendant hommage à la culture nordique. Pourtant, vous êtes Français, et non pas des hommes du nord. 

Pierrick : Si tu fais des recherches, tu pourras voir qu’il y avait des Vikings un peu partout en Europe et que leurs ethnies étaient très riches, contrairement à ce que l’on pourrait croire… Et j’aime à penser que des Français peuvent également traiter ces thématiques. Souvent, je dis qu’il ne suffit pas d’être Jamaïcain pour faire du bon Reggae…

Justine : Après, ce que conte Vikings Memories, c’est un peu notre histoire à nous tous pour finir : la montée des eaux, les différentes migrations… Cette fameuse migration qui est à l’origine de cette mixité que nous connaissons tous… 

Pierrick : Les Vikings étaient un peuple qui – d’après nos recherches – est allé se perdre un peu partout dans le monde, jusqu’au Moyen-Orient ! J’aime à croire que nous avons un peu de sang viking en nous… D’ailleurs, il y a bien une région française qui porte bien son nom : la Normandie, qui, quand on traduit, signifie La Terre des Hommes du Nord

Justine : De mon côté, je pense qu’un pays n’a pas forcément plus de légitimité à jouer de ce style, tout simplement parce que l’Histoire n’a gardé aucune trace de musique de l’époque. Tout ce que nous proposons aujourd’hui est une version fantasmée de l’ambiance de l’époque.

Pour revenir à la musique, l’instrument qui domine au sein de Skáld est la nickelharpa… Comment avez-vous fait pour intégrer cet instrument ? À l’apprendre ?

Pierrick : Ça peut paraître un peu ésotérique comme ça, mais la « nickelharpa » permet de développer un éventail de sons très larges… On adapte l’ensemble quand on compose. Aussi, je peux compter sur ma skáldharpa, un instrument qui a été spécialement conçu par le maître luthier Jean-Claude Condi, avec qui je collabore très régulièrement. J’avais besoin d’un instrument sur-mesure à mi-chemin entre la nickelharpa et la guitare, et de cet instrument sont finalement ressortis des sonorités atypiques qui correspondaient très bien à ce dont nous étions à la recherche. 

Justine : Christophe Voisin Boisvinet, notre compositeur, nous laisse pas mal de libertés pour les voix, même s’il nous faut suivre les lignes qu’il donne. Mais il arrive souvent qu’il me demande de m’exprimer au mieux et de donner le meilleur de moi-même. Même si tout semble sous contrôle, le processus de création reste très spontané. 

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« Nous avons réussi à encourager certaines personnes à écouter autre chose que ce qui passe à la radio »

Ce nouvel album marque un changement au niveau du line-up. Pourquoi Mattjö ne fait-il plus partie du projet ? 

Pierrick : Il est courant pour un groupe de voir des membres venir et partir….  

Justine : Finalement, on est revenus à la formation de base, à deux. Cela dit, rien n’est figé et tout peut évoluer ! On n’a pas établi de règles à l’avance. Pour le moment, cette configuration nous plaît pas mal, mais nous n’excluons pas l’idée d’engager un troisième membre à l’avenir… Qui sait de quoi l’avenir est fait ? Là, pour le moment, on avance, on travaille avec Christophe et les musiciens qui nous accompagnent en studio… Mais, on reste ouvert à toutes propositions ! 

En ce moment, il y a quand même une certaine « hype » autour de la culture  »vikings ». Comment expliquez-vous ce rebond de succès à son égard ? 

Justine : Comme je te disais tout à l’heure, les gens ont besoin de se reconnecter à certaines valeurs plus spirituelles… Et je pense que notre musique fait partie de ces moyens d’expression qui peuvent aider une personne à se retrouver… Et tu as entièrement raison, beaucoup de séries, comme Vikings, ont permis de remettre ces cultures au goût du jour ! 

Pierrick : Il était tout simplement temps que cette culture connaisse un souffle nouveau. Finalement, je pense que la Seconde Guerre Mondiale a énormément nui à cet univers, car beaucoup ont utilisé l’imagerie nordique à mauvais escient. Les Vikings étaient considérés comme un peuple païen brutal qui n’avait qu’une seule chose en tête, celle de prendre la mer pour y tuer de pauvres chrétiens innocents, alors que l’on sait très bien qu’il n’y avait pas plus de violence d’un côté que de l’autre. Ce n’est plus un secret pour personne. La christianisation de l’Europe s’est faite de manière très brutale. Aussi, les nazis s’étaient également appropriés quelques-uns des symboles nordiques, comme les runes… Mais finalement, historiens et artistes sont parvenus à redonner à cette culture ses lettres de noblesse. Pour ça, il n’y a qu’à évoquer Tolkien et la trilogie du Seigneur des Anneaux… 

La musique de Skáld peut à la fois intéresser un public fan de musique extrême et un public assez lambda. D’ailleurs, nous pouvons retrouver votre album dans le rayon « Musique du Monde »…

Justine : Oui, car c’est ce que l’on est ! Nous ne sommes pas un groupe de musique Metal ! 

Pierrick : C’est surprenant, mais rassurant sur le coup. Certaines personnes vont jusqu’à dire que nous sommes des vendus, car on a un succès qui dépasse la sphère des musiques extrêmes. Mais d’un côté, ça me rend fier, car nous avons réussi à encourager certaines personnes à écouter autre chose que ce qui passe à la radio. Peut-être avons-nous réussi à ouvrir l’esprit de certaines personnes…

Justine : Après, il est clair que les thématiques font que nous pouvons être associés à la scène Metal, bien que nous nous n’évoluions pas du tout dans la même sphère. On assume très bien notre côté « chanson ». 

Pierrick, ma dernière question portera sur Phazm. Pouvons-nous espérer un nouvel album, si oui, quand ? 

Pierrick : Nous avons quasiment un album de prêt, sauf que nous ne travaillons pas dessus. Skáld me prend énormément de temps… Et je dois dire que la période que nous traversons actuellement actuellement ne m’inspire pas du tout au Metal. Car, quand je compose et travaille sur Phazm, j’essaie toujours d’exprimer les sentiments les plus sombres qui sont en moi… Mais en ce moment, vu tout ce qui se passe, je n’en ai pas besoin. Tout ce que nous vivons en ce moment est déjà assez source d’angoisse.


Skáld, c’est : 

Pierrick Valence : chant, skáldharpa

Justine Galmiche : chant 

Christophe Voisin Boisvinet : composition 

Discographie : 

Le Chant des Vikings (2018)

Vikings Memories (2020)

A propos de l'auteur

Rédacteur en chef d'Heretik Magazine

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