Tyrant, le quatrième album studio de Bliss of Flesh, déboule via Listenable Records en ce mois d’octobre… Et soyez-en certains, ce dernier va finir de poser la réputation d’un groupe qui – d’album en album – a su mûrir au point de ne faire qu’un avec son univers. Tyrant est un album riche, varié et fracassant. Explications avec Necurat.

Propos de Necurat (chant) recueillis par Fred


Empyrean marquait la fin de votre trilogie basée sur La Divine Comédie de Dante, Tyrant s’attaque lui à l’œuvre d’Etienne De La Boétie, pouvez-vous nous éclairer sur le contenu de ce nouvel album ?

Inspiré par le Discours De La Servitude Volontaire d’Étienne De La Boétie, Tyrant aborde le choix que l’on fait en rejetant notre état de nature – qui est de naître libre – pour accepter de se soumettre à un individu qui devient notre tyran. De manière plus générale, l’album traite des choix que l’on fait inexorablement en nous créant nous-mêmes nos propres cages, tant spirituelles que physiques, ces cages qui nous amènent à privilégier le confort et la sécurité, plutôt que la prise de risque que nous ferions au nom de la liberté..

Comment le choix du thème a-t-il été fixé ?

Nous voulions traiter d’une thématique qui soit aussi forte que notre album, que ce concept s’inscrive en un album unique, en une œuvre forte, et je pense que c’est chose faîte. L’asservissement volontaire et le concept de liberté était quelque chose qui était important à nos yeux. Lorsque j’ai soumis l’idée de travailler sur l’ouvrage de La Boétie, on s’est tout de suite sentis concernés.

Pouvons-nous y établir un parallèle direct avec le regard que vous avez sur vos contemporains ?

Disons que je suis toujours émerveillé par cette capacité que l’Homme a à faire des choix qui le condamne… Et je trouve que c’est une constante dans l’histoire de l’Humanité. Je pense simplement que l’Humanité est à la fois sa propre fange et sa propre cure…

L’atmosphère de Tyrant semble encore plus sombre et pesante. Cela est-il lié au thème abordé ou cela fait-il écho à ce que vous êtes en tant que musiciens et hommes à l’heure actuelle ?

Comme nous l’avons toujours revendiqué et exprimé par le passé, Bliss Of Flesh est à la fois notre « catharsis » et notre raison de vivre. Nous ne pouvons exprimer notre art qu’en nous laissant totalement envahir par nos émotions. C’est ce qui fait, à mon sens, la singularité de chaque album de Bliss of Flesh. Pour Tyrant, c’est toute notre colère et notre rage que nous voulions cracher au visage de l’Humanité que nous méprisons. Tyrant est le reflet de nos âmes.

Ta voix s’avère protéiforme… Comment navigues-tu entre les différentes options de voix qui s’offrent à toi ?

Je compose et écris toujours de la même manière. En fait, pour proposer une composition optimum et adaptée, j’ai besoin de m’immerger totalement dans la musique et dans les ambiances qui s’en dégagent. Pour moi, chaque morceau a une ambiance et une musicalité qui lui est propre. Pour Tyrant, la spécificité de l’écriture a résidé dans sa durée. J’ai vraiment voulu coller au maximum à l’état d’esprit de la musique en m’imposant un timing court : Tyrant a été écrit et maquetté en un mois. Je pense vraiment être parvenu à communier avec les ambiances montées par Sikkardinal. Le point d’orgue de tout cela ayant eu lieu au Vamacara Studio, où quelque chose que je ne peux expliquer s’est produit lors des prises de chant. Et c’est ce sentiment et ce ressenti qui me fait dire que Tyrant va au-delà des styles pour toucher l’émotionnel de chacun.

Tyrant distille quelque chose de très personnel, une forme de bloc émotionnel hors du temps. Ressentez-vous le besoin de vous déconnecter afin de vous immerger pleinement dans votre musique durant le processus de création ?

Tout-à-fait, et ce fut encore plus prégnant sur Tyrant. En effet, Sikkardinal (guitare, ndlr), pour composer Tyrant, s’est retiré durant deux semaines en février 2019 en faisant le choix de se mettre dans un certain état d’esprit, renonçant à sa vie sociale, réduisant son sommeil afin de se consacrer pleinement à la composition de l’album. Après cette retraite, il a envoyé la musique à Fleshstigma (batterie, ndlr) qui, par la suite, s’est imprégné de son ambiance… Pour ma part, j’y ai écrit l’ensemble des textes. Ainsi, Tyrant était né.

« Pour Tyrant, c’est toute notre colère et notre rage que nous voulions cracher au visage de l’Humanité que nous méprisons »

Comment l’enregistrement s’est-il déroulé ? Celui-ci s’est-il trouvé impacté et ralenti par le confinement ?

La musique de Tyrant a été enregistrée entre février 2019 et avril 2020, le chant fut enregistré au Vamacara Studio en juin 2019. Le mix et mastering ont été réalisés par HK du Vamacara Studio en mai 2020 en plein confinement. Donc, le confinement n’a pas eu d’impact sur Tyrant, puisque nous l’avons réalisé en amont.

Empyrean, à mon sens, marquait une étape dans votre évolution artistique. Or, Tyrant me semble encore plus abouti, avec un contenu spirituel encore plus poussé. À son équipe, on peut y ressentir comme une sorte de plénitude artistique, celle d’un groupe qui sait exactement où il va, et le revendique avec fierté…

J’apprécie ta remarque, car c’est exactement l’état dans lequel nous sommes : une plénitude artistique pour reprendre tes mots. En fait, avec Tyrant, nous devions passer à autre chose tant sur plan créatif qu’humain. Après le départ de Pandemic (guitare), nous voulions vraiment tourner la page. Tyrant a permis au groupe d’être poussé dans ses retranchements… C’est vraiment avec lui que nous avons arrêté d’être dans le compromis artistique et que nous nous sommes immergés dans une forme de tyrannie guidée par nos instincts. C’est justement cela qui fait de Tyrant une œuvre forte dépassant l’unique frontière du style musical comme explicité précédemment.

Pouvez-vous nous dire un mot sur la collaboration qui se poursuit avec Nagash, votre illustrateur, celui-ci semble être le sixième membre de Bliss Of Flesh ?

Eh bien, concernant notre collaboration avec Nagash, c’est en effet une vieille histoire. Pour ne rien te cacher, nous avions fait le choix de travailler avec un autre artiste pour Tyrant afin d’avoir un apport visuel différent, sauf que la collaboration n’ a pas été concluante. Nous avons alors décidé de nous retourner vers notre artiste et ami Nagash qui a accepté de réaliser l’artwork de Tyrant en respectant un délai très court, à savoir deux semaines, pour tout réaliser. Je crois qu’avec Tyrant, nous avons vraiment pris pleinement conscience que Nagash est définitivement le sixième homme, et qu’il est clairement et finalement indissociable de notre art, qu’on le veuille ou non.

Pouvez-vous nous éclairer sur la symbolique de cette magnifique pochette ?

Cette pochette représente un personnage sans visage assis sur son trône symbolisant le tyran dans une posture assez dédaigneuse. Il est volontairement sans visage de sorte à symboliser les différents aspects que celui-ci peut prendre. Différents symboles tels que la couronne, la clé et le fléau sont utilisés afin d’appuyer volontairement ce statut.    

Question qui malheureusement occupe pas mal les esprits des groupes et du monde du spectacle vivant ces derniers temps… Comment vivez-vous la sortie de Tyrant sans être certains de pouvoir le défendre sur scène. Avez-vous pensé à des solutions alternatives ?

On survit. Honnêtement, c’est vraiment compliqué, car toutes nos dates prévues pour promouvoir la sortie de Tyrant ont été – comme la plupart des groupes – décalées ou annulées. Toutefois, Bliss Of Flesh existe depuis vingt ans, et ce n’est pas une pandémie qui va avoir raison de nous. Au contraire, je pense que cela nous permet d’en retirer une relative expérience. Ce qui est sûr, c’est que la scène est vraiment quelque chose qui importe pour nous. Nous avons donc prévu des solutions nous permettant de pouvoir faire vivre Tyrant différemment, car le monde doit savoir que les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux.


BLISS OF FLESH

ORIGINE : Calais/Poitiers

LINE-UP : Necurat (chant), Fleshtigma (batterie), J.Poison (basse), Sikkardinal (guitare)

FACEBOOK : BLISSOFFLESH

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