Aujourd’hui, Sólstafir peut se targuer de figurer parmi les portes-parole les plus influents de la culture musicale islandaise. Il faut dire que chez eux, tout est question de dépaysement, mais aussi d’émotions, de vraies émotions ! Vous connaissez leur formule… Il n’est pas une de leurs chansons qui ne soient pas sujettes à l’introspection, et aux questionnements existentiels. Et ce n’est pas Endless Twilight of Codependent Love qui nous a fait mentir !

Propos d’Aðalbjörn « Addi » Tryggvason (guitare, chant) recueillis par Axl Meu


Que s’est-il passé pour le groupe entre la sortie de Berdreyminn et Endless Twilight of Codependent Love, votre nouvel album ? 

Nous avons beaucoup tourné ! Aussi, à l’époque, nous avions dû reprendre nos marques, car nous avions changé de batteur. Berdreyminn était donc le premier album que nous enregistrions avec Hallgrímur Jón Hallgrímsson… Depuis, nous avons tourné ensemble de manière intensive… Et j’irai même jusqu’à dire que ça a renforcé notre complicité ! D’ailleurs, pour Endless Twilight of Codependent Love, j’ai vraiment eu le feeling que le groupe tout entier était impliqué dans le « process » de composition, un peu comme si Sólstafir avait retrouvé son alchimie d’antan ! 

Peut-on dire que Endless Twilight of Codependent Love inaugure une nouvelle ère pour le groupe ?

Je ne dirais pas que c’est une nouvelle ère… Je dirais, tout simplement, que nous avons franchi une nouvelle étape. Je sais que je dis toujours la même chose, mais ce nouvel album est la suite logique de tout ce que le groupe a pu proposer par le passé. Personnellement, je trouve que Endless Twilight of Codependent Love n’apporte rien de neuf, même s’il est un peu plus lourd, je dois l’avouer… Pour faire court, nous continuons de jouer la musique qui nous fait vibrer. 

Concernant la production, elle m’a l’air bien plus crue que sur les derniers albums. Avez-vous changé d’équipe ? 

Non, non. Nous n’avons pas changé de producteur. Nous avons une nouvelle fois fait appel à Birgir Jón Birgirsson, qui avait déjà produit Ótta, co-produit Berdreyminn, et enregistré Svartir Sandar… Après, pour répondre à ta question, je dirais que cet effet est dû au fait qu’il y a plus de guitare sur ce nouvel album !

Tout à l’heure, tu m’expliquais que Hallgrímur Jón Hallgrímsson avait contribué à l’écriture de cet album… Qu’a-t-il concrètement apporté ? 

Il a écrit des paroles, vraiment beaucoup de paroles ! Il a vraiment un « truc » pour ce qui des mélodies vocales… Il faut savoir qu’à côté de la batterie, il est vraiment très bon au chanteur, et je m’estime vraiment chanceux de l’avoir à mes côtés. Quand un texte me donnait du fil à retordre, il était à mes côtés pour me filer un coup de main… Aussi, il a écrit deux morceaux, « Til Moldar » et l’introduction de « Rökkur » que nous n’avons presque pas retouchés ! 

Pourquoi avez-vous décidé de commencer l’album pour « Akkeri » ? C’est également le premier morceau que vous avez décidé de dévoiler au public. Il est parfois risqué de proposer un morceau de dix minutes en avant-goût, mais pas pour Sólstafir, il semblerait.

On pourrait traduire « Akkeri » par « Ancre ». Au départ, nous ne devions pas dévoiler ce morceau en premier, mais « Dyonisus », mais tout le monde n’était pas cet avis-là… Après, pour Sólstafir, c’est toujours un vrai casse-tête que de trouver quel morceau présenter en premier. Il faut dire que nos chansons sont toutes différentes les uns des autres. Mais finalement, « Akkeri » est sorti du lot… C’est un morceau qui, comme tu dis, dure dix minutes, un morceau assez conventionnel pour Sólstafir en fin de compte…

Quelle est la recette de Sólstafir ? Comment faites-vous pour sonner « vous-mêmes » ?

Il n’y a aucune recette. Parfois, il nous arrive de planifier la structure d’un morceau, de savoir à l’avance où caser tel ou tel refrain, tel ou tel couplet, mais à la fin, il n’y a pas vraiment de règles à suivre. Et je dirais que c’est la raison pour laquelle nous écrivons des chansons « bizarres ». Il n’y a rien de plus naturel pour nous que d’écrire un morceau qui débouchera sur un refrain de quatre minutes. Par moments, nous avons des chansons qui durent huit minutes, par moments, quatre… On est libres !

« Si tu te brûles, tu te souviendras ce que ça fait d’être brûlé au second degré. C’est pareil pour la dépression.« 

Est-ce que tu peux revenir sur les thématiques abordées sur cet album ? 

Nous y parlons d’expériences personnelles et des aspects les plus sombres de nos existences respectives. Par exemple, il y a une chanson qui parle d’une jeune femme qui a été victime de harcèlement sexuel, qui décide de commettre l’irréparable en tuant son agresseur en lui coupant ses parties génitales. Et par moments, c’est plus fort que nous : nous parlons de tout ça, des addictions, des abus… On ne peut jamais y échapper. Aussi, « Her Fall From Grace » évoque la vie d’une personne qui m’est très chère à qui il est arrivé pas mal de mésaventures. 

« Her Fall From Grace » est un titre composé et chanté en anglais. Ce n’est clairement plus dans vos habitudes de chanter dans la langue de Shakespeare… 

C’est arrivé par accident. J’étais en train de composer les lignes de chant de ce morceau, et comme toujours, je fais de la bouillie pour fixer une idée. Pour ce morceau, je me suis tout simplement mis à chanter en anglais, un peu comme si la musique en avait besoin. En plus, ça faisait 11 ans que nous n’avions pas écrit et enregistré de morceaux en anglais, donc, nous avons pensé que ce serait bien de le faire pour changer. C’est vraiment venu naturellement.

S’il y a bien une chanson atypique sur l’album, c’est « Or »… 

Elle vient d’une session assez amusante… Au départ, ce morceau ne devait pas figurer sur la version finale de l’album, mais en bonus. Mais finalement, quand nous nous sommes penchés dessus, nous l’avons tellement adoré que nous avons décidé de l’inclure à l’album ! Elle est venue si naturellement… Parfois, tu passes des semaines et des mois à composer un titre que tu décidés finalement de zapper, par moments, l’inspiration vient naturellement, et vite. Ses parties ont été composées et assemblées en une seule journée ! 

Une atmosphère dépressive et étouffante se dégage de chacun de vos albums, et Endless Twilight of Codependent Love ne fait pas exception à la règle. 

Je dirais simplement que, ce n’est pas parce que je ne suis pas déprimé en ce moment que je ne sais plus quel goût a la dépression a. Si tu te brûles, tu te souviendras toujours ce que ça fait d’être brûlé au second degré. C’est pareil pour la dépression. Il y a sept ans, j’ai vraiment décidé de reprendre ma vie en main, et d’arrêter d’être dans l’excès… Ça m’arrive encore de faire des crises d’angoisse, mais beaucoup moins qu’avant. Aujourd’hui je vais bien, mais je n’oublie pas d’où je reviens. 

Est-ce que tu peux revenir sur l’histoire assez folle qui se cache derrière la pochette ? 

Cette fois-ci, plutôt que de faire appel à un artiste, nous avons décidé d’utiliser une œuvre déjà existante, en l’occurrence, Lady Of The Mountain. En fait, ce tableau est une allégorie de l’Islande. C’est un peu notre « Marianne » à nous… En fait, tout le monde connaît ce dessin en Islande, mais ce n’est tout dernièrement que nous avons découvert la toile originale qui, pour je ne sais quelles raisons, s’était retrouvée dans les archives d’un musée du Pays de Galles. Quand nous l’avons vu pour la première fois, nous étions tellement éblouis que nous avons décidé d’en faire notre pochette d’album !


Sólstafir, c’est :

Aðalbjörn « Addi » Tryggvason : Guitare, chant

Svavar « Svabbi » Austmann : Basse

Sæþór Maríus « Pjúddi » Sæþórsson : Guitare

Hallgrímur Jón Hallgrímsson : Batterie

Discographie :

In Blood and Spirit (2002)

Masterpiece of Bitterness (2005)

Köld (2009)

Svartir Sandar (2011)

Ótta (2014)

Berdreyminn (2017)

Endless Twilight of Codependent Love (2020)

A propos de l'auteur

Rédacteur en chef d'Heretik Magazine

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