Fleuron de la scène Death Metal mélodique suédoise, Dark Tranquillity est parvenu à renouveler son propos au fil des sorties et, par conséquent, à toucher un nouveau public tout en conservant sa fan-base des débuts. Preuve à l’appui avec Moment, dernière progéniture en date, sur laquelle nous avons échangé avec Mikael Stanne, l’un de ses géniteurs, quelques jours avant sa sortie en novembre dernier !
Propos de Mikael Stanne (chant) recueillis par Axl Meu
Salut Mikael ! Pour commencer, est-ce que tu pourrais, pour commencer, nous présenter ce nouvel album, Moment ? En quoi pouvons-nous dire qu’il constitue un nouveau chapitre pour le groupe ?
Après avoir tourné intensivement pour défendre Atoma, nous nous sommes dits qu’il nous fallait reprendre le chemin des studios histoire de mettre à profit tout ce que nous avions appris en travaillant sur Atoma. Cette fois-ci, c’était un peu particulier, car nous avions recruté deux nouveaux guitaristes, Christopher Amott et Johan Reinholdz. L’enjeu était donc de ne pas perdre l’âme du groupe, mais aussi et surtout de profiter du talent de ces nouvelles recrues.
Finalement, ça l’a vraiment fait, car nous avons réussi à nous projeter sur la suite, appris à mieux nous connaître en tant que musicien, en tant qu’individu. Aussi, je dirais que Moment est un album qui dégage son petit lot d’émotions, et qu’il est assez différent par rapport à ce que nous avons proposé par le passé. En fait, pour cet album, nous y avons inclus un tas d’idées que nous n’aurions pas approfondies en temps normal.
Oui, justement, est-ce que tu peux revenir sur ce changement de line-up. Pourquoi Niklas Sundin a-t-il décidé de quitter le groupe, alors qu’il faisait partie du groupe depuis ses débuts ? Est-ce que vous avez pris le temps d’en parler ensemble ?
En fait, sa conjointe et lui ont appris qu’ils étaient dans l’attente d’un heureux événement, il s’est rendu compte que partir en tournée n’était plus sa prioriété. D’ailleurs, il n’a jamais été trop à l’aise sur la route… Il aime le confort, je veux dire, c’est un artiste, il préfère se focaliser sur son art, peindre par exemple. En bref, à la longue, il ne se retrouvait plus dans le rythme d’une tournée, rouler toute la journée pour ne se produire que deux heures le soir. C’est pour cette raison qu’il a décidé de prendre ses distances, de quitter le groupe au moment-même où nous nous apprêtions à travailler sur l’album.
Quid de l’intégration de Christopher Amott, l’ex-Arch Enemy ? Pourquoi a-t-il décidé de rejoindre le groupe ? Est-ce le fruit d’une simple coïncidence ?
Nous avions déjà fait appel à ses services il y a quelques années, donc quand le poste s’est libéré, nous lui avons tout simplement demandé de nous rejoindre à long terme… C’est quelqu’un qui a beaucoup de talent à revendre. Quand nous lui avons proposé de rejoindre le groupe, il vivait encore aux États-Unis, mais il a quand même accepté de nous rejoindre en Europe. C’est aussi simple que ça.
Quelle fut sa part de contribution sur Moment ?
Il s’est principalement occupé des guitares « lead » et des solos. Et il a fait un super boulot ! Je veux dire, certaines parties étaient déjà composées, mais lui, il a tout de suite compris les enjeux de notre musique. Il a vraiment interprété les choses de sorte que ça fasse directement sens. Nous étions là assis devant lui et lui, il jouait ! Et bien que nous lui disions que c’était parfait, Christopher (Amott) recommençait encore et encore jusqu’à ce qu’il obtienne LA prise. Vraiment, son apport a incontestablement bonifié l’album !
Votre recette reste sensiblement la même, les mélodies sont au centre, mais il s’avère que les couches électroniques sont toujours plus importantes. Comment êtes-vous parvenus à vous adapter au fil des années ?
Nous avons vraiment gagné en confiance dans ce domaine. Tout cela est l’œuvre de Martin Brändström, notre clavier, et il a vraiment progressé dans sa manière d’aborder les sons. C’était beaucoup de responsabilités pour lui, mais au fur et à mesure, il est vraiment devenu de plus en plus confiant dans sa manière d’agencer les nouveaux sons !
Quand je vous écoute, j’ai toujours l’impression qu’il se dégage une certaine dualité dans votre musique : comme s’il y avait deux facettes, une plus calme, une autre plus énervée. Toi-même, comment fais-tu la part des choses entre ce qui sera « crié » et ce qui sera « chanté » ?
Ça dépend vraiment des chansons en fait. En fait, quand nous faisons des essais, nous essayons toujours de faire varier les intonations pour ensuite ne sélectionner que le meilleur. Finalement, à force d’essayer, tu finis par obtenir ce petit « petit truc en plus », cette sensation à laquelle tu aspirais. Par moments, il faut tout simplement se fier à son instinct, et essayer des idées qui n’étaient pas sur le papier au départ. Et en général, ça marche. En bref, tout est une question d’émotion, de sensibilité. Ainsi, il arrive que les premières démos d’une chanson ne ressemble aucunement au rendu final. C’est le cas de « Standstill ». Au départ, cette chanson était écrite de sorte qu’elle soit la plus brutale, la plus lourde, possible… Mais finalement, à partir d’une idée de ligne de chant, tout a changé. J’ai envoyé cette fameuse idée à Johan de sorte qu’il ajoute de la guitare par-dessus, et finalement, il a trouvé l’idée tellement géniale qu’il m’a proposé d’en faire le refrain. Tout ça, c’était vraiment inattendu.

« Bien que nous lui disions que c’était parfait, Christopher (Amott) recommençait encore et encore jusqu’à ce qu’il obtienne LA prise. »
Quand j’ai découvert le morceau « Failstate » en octobre dernier, il m’a tout de suite évoqué Depeche Mode.
Depeche Mode a toujours été l’une de mes formations de cœur. C’est vraiment l’une de mes formations préférées, et je dois même dire que je connais tout leur répertoire sur le bout des doigts. Il m’arrive également de reprendre quelques-unes de leurs chansons, juste pour le plaisir. Donc, quand je suis au studio d’enregistrement, et que je dois poser quelques lignes de chant sur tel ou tel morceau, il m’arrive – et je sais que ça peut surprendre – que certaines de mes idées sonnent comme du « Depeche Mode ». En tout cas, j’adore, ça passe très bien pour moi !
Malgré la crise sanitaire, vous êtes parvenus à enregistrer l’album ensemble… Peux-tu me dire comment la crise est prise en main chez toi, en Suède ?
Oui, ici, c’est vraiment différent par rapport aux autres pays de l’Union Européenne. Ça n’a vraiment rien à voir. Ici, par exemple, nous n’avons pas connu de confinement, ou même encore, personne n’est obligé de porter un masque. Il y a juste eu quelques restrictions, limitation de jauge pour les commerces et les restaurants, mais rien d’autres. Aussi, nous pouvions aussi voyager, donc nous avons pu nous voir pour l’enregistrement de l’album. Mais c’était assez étrange, car au tout début de l’épidémie, toutes les rues étaient vides et personne n’osait sortir de chez soi.
Et heureusement que Christopher avait pris ses billets pour la Suède en avance, sinon, il aurait dû rester aux États-Unis, où la situation est catastrophique. En ce sens, la pandémie n’a pas vraiment eu d’impact sur notre manière de travailler, vu que notre pays n’a pas été affecté par le virus. Tout s’est fait naturellement. Mais maintenant que je suis amené à échanger avec des journalistes du monde entier pour assurer la promotion de Moment, je me rends compte à quel point la prise en main de la pandémie varie d’un pays à l’autre. En tout cas, en ce qui me concerne, je ne peux pas imaginer ce que ça fait d’être confiné chez soi pendant deux mois…
Qui a produit l’album ? Comment avez-vous fait pour obtenir le rendu sonore auquel vous aspiriez ?
Nous avons enregistré l’album dans deux studios d’enregistrement différents, au Nacksving Studios et au Rogue Music à Göteborg… En général, pour la production, nous nous faisons confiance, mais je dois avouer que le propriétaire du Nacksving Studios a tout fait pour que nous soyons à l’aise. Dans son studio, nous avons été invités à nous servir de tout son matériel, et clairement, ça l’a fait ! Cette fois-ci, nous avons décidé d’y avoir une approche un peu plus « oldschool » et avons utilisé tout le matériel « oldschool » / « vintage » disponible sur place. Et une fois l’ensemble enregistré, nous avons tout envoyé à Jens Brogens du Fascination Street Studios pour le mixage et le mastering.
Que devons-nous comprendre derrière ce titre « Moment » ?
En fait, notre idée était d’englober tout un tas de thématiques différentes, de voir comment notre éducation, mais aussi nos expériences, affectent les décisions que nous prenons au quotidien. Nous voulions tout simplement montrer que notre parcours de vie dépendait surtout d’un « moment », un simple « moment », à l’origine d’une bonne décision, ou bien une mauvaise.
Et il est tellement facile d’être malmenés, surtout lorsque l’on s’informe de nos jours. Par moments, il arrive que certaines personnes prennent une « infox » pour vraie… Conséquence, ils n’écoutent que les gens qui partagent la même opinion qu’eux, tout simplement parce que ça les conforte dans leur idée. Aussi, nous avons décidé de nommer cet album Moment, tout simplement parce que c’était son titre de chantier, et qu’il correspond plutôt bien à ce que nous vivons en ce moment. Sa portée est beaucoup plus symbolique.
Dark Tranquillity est connu pour appartenir à la scène Metal suédoise de Göteborg… Peut-on encore parler d’unité concernant cette scène ?
Oui, clairement… C’est vraiment de là que tout a commencé à l’époque. Et vraiment, c’était clairement la meilleure chose qui pouvait nous arriver à l’époque ! Nous nous encouragions vraiment, et il n’y avait aucune compétition entre les groupes. Tous s’entendaient vraiment, allaient se voir en concert. Et clairement « unité » est vraiment un bon mot pour nous qualifier.
Concernant le style de musique, chaque groupe avait le sien, et même si l’identité sonore a évolué au fil des années, le contenu est toujours resté de qualité. C’est simple, la musique de notre scène est conçue par des passionnés pour des passionnés. Nos musiciens ont vraiment dédié leur vie à ça ! Et c’est vraiment ça qui nous unit à Göteborg ! Il n’y a pas vraiment un groupe qui sonne comme un autre, mais ce n’est pas pour ça que notre musique ne transpire pas la passion et l’authenticité !
Dark Tranquillity, c’est :
Anders Jivarp : Batterie
Mikael Stanne : Chant
Martin Brändström : Claviers
Anders Iwers : Basse
Christopher Amott : Guitare
Johan Reinholdz : guitare
Discographie :
Skydancer (1993)
The Gallery (1995)
The Mind’s I (1997)
Projector (1999)
Haven (2000)
Damage Done (2002)
Character (2005)
Fiction (2007)
We Are The Vold (2010)
Construct (2013)
Atoma (2016)
Moment (2020)
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