La musique de Pallbearer expose sans doute ce qui se fait de mieux en ce moment en matière de Doom Metal. Et ce n’est pas ce quatrième méfait qui nous fera mentir. En effet, Forgotten Days frappe un grand coup une nouvelle fois là où ça fait mal : morosité, dépression, vision pessimiste au rendez-vous. Brett Campbell, l’un de ses alchémistes, s’est livré à Heretik Magazine dans le cadre de la sortie de ce quatrième haut en couleur.

Propos de Brett Campbell (guitare/chant), recueillis par Axl Meu


Que s’est-il passé pour Pallbearer entre la sortie de Heartless et celle de Forgotten Days ?

Après la sortie de Heartless, nous avons embarqué pour une énorme tournée de deux ans au cours de laquelle nous avons donné pas moins de 300 concerts. C’était énorme. À la fin, nous étions vraiment fatigués. Et c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de lever le pied, et de passer plus de temps chez nous par la suite, une pause qui a été rallongée à cause de la COVID-19. C’est pendant ce repos forcé que nous avons senti ce regain de créativité… Ainsi, naturellement, nous avons pu nous concentrer sur la composition de ces nouveaux morceaux. Tu sais, quand tu es sur la route à tourner sans cesse, tu n’as pas forcément le temps de te poser pour composer…

Forgotten Days est un album impressionnant. Sur celui-ci, Pallbearer développe une nouvelle fois une vision personnelle du Doom. Comment le groupe procède-t-il pour mettre au point sa musique ? Nous avons comme l’impression que Pallbearer cherche à se surpasser à chaque sortie… 

C’est vrai. À chaque fois que nous prenons nos guitares, nous voulons créer une musique authentique, honnête, qui nous passionne… Et surtout, nous essayons de capturer le « feeling » du moment et de ne pas forcément répondre aux attentes des fans et du label. Si nous procédions ainsi, ça nuirait sans doute à la pureté de notre musique. Tu comprendras donc que nous préférons nous fier à notre propre instinct.

En écoutant l’album, j’ai eu l’impression que ses deux premiers morceaux « Forgotten Days » et « Riverbed » se suivaient…

Je suis content que tu penses cela, car en général, c’est ce que nous essayons de faire au moment où nous mettons en place notre tracklist… L’idée est que les morceaux se suivent, un peu comme si c’était un flot ininterrompu de morceaux et une expérience entière qui se poursuit sur tout l’album. C’est très important, car, lorsque tu écoutes un album de Pallbearer, il faut que tu aies en tête qu’il s’agit là une expérience à part entière, et non pas juste une collection de morceaux. 

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« À chaque fois que nous prenons nos guitares, nous voulons créer une musique authentique, honnête, qui nous passionne »

Même si certaines chansons se suivent, Forgotten Days reste quand même un album éclectique. Il y a des chansons plus longs comme « Silver Wings », mais aussi d’autres comme « The Quicksand Of Existing » qui sont plus dans le « groove ». Quel type d’atmosphère ciblais-tu pour cet album ?

Comme je te disais tout à l’heure, nous sommes très prolifiques quand nous composons. Donc, quand il nous a fallu sélectionner les dix morceaux qui finiraient sur l’album, nous avons décidé de prendre ceux qui étaient les plus dynamiques, les plus agressifs. Ce qui fait de Forgotten Days un album plus direct que son prédécesseur. Cependant, nous voulions également préserver notre marque de fabrique et développer certaines atmosphères qui nous tiennent à cœur. Et comme tu dis, il y a des morceaux comme « The Quicksand Of Existing » qui vont droit au but, mais aussi d’autres comme « Silver Wings » qui sont très épiques, plus atmosphériques. C’était ça aussi le « challenge », mettre ces morceaux côte à côte sans que cela choque ! 

Quand tu as commencé à travaillé sur « Silver Wings », pensais-tu que la chanson serait aussi longue, ou bien tout est venu progressivement ? 

En fait, que ce soit pour les morceaux courts, ou plus longs, tu ne sais jamais quelle forme ils prendront à la fin. D’autres seront en effet plus longs, d’autres ne dureront que quatre minutes. Par moments, quand tu composes, il te faut tout simplement analyser ce que le morceau essaie de te dire. Et ce n’est que lorsque tu estimes que tu as dit tout ce que tu avais à dire que tu peux t’arrêter. Que le morceau dure trois minutes ou bien quinze.

Peux-tu revenir sur les thématiques abordées sur cet album ? J’ai cru comprendre que Forgotten Days avait pour objet la thématique du deuil. D’ailleurs, l’album semble foncièrement dépressif…

Je pense que le monde dans lequel nous évoluons aujourd’hui n’est pas propice à la joie. J’ai déjà connu la dépression, mais à titre personnel, en ce moment, je dois dire que je ne me suis jamais senti aussi bien ! En fait, je me sers de Pallbearer pour examiner les aspects les plus difficiles de notre existence. Après, je suis plutôt du genre à amuser les gens dans la vie de tous les jours… Je préfère rire plutôt que de m’apitoyer sur mon sort ! Et pour ce qui est de Pallbearer, je m’en sers pour extérioriser de tout ce que j’ai de mauvais en moi, sous forme d’art. Et la musique de Pallbearer peut soigner quelques plaies, j’estime que mon devoir est accompli. 

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« Je me sers de Pallbearer pour examiner les aspects les plus difficiles de notre existence »

Est-ce que tu parles de toi-même sur le morceau « Rites Of Passage » ? 

Cette chanson a été composée par Joseph (D. Rowland, basse/backing-vocals, ndlr). Joe a écrit une moitié de l’album, et moi, une autre. En général, sur ses propres morceaux, Joe parle de sa vie, de ses expériences, de la disparition de sa mère. En fait, quand nous avons formé Pallbearer en 2008, sa mère souffrait et était sur le point de décéder. Et depuis, il n’avait jamais pris le temps de faire son deuil. Avant ça, il avait adopté des comportements très malsains, et ce n’est que tout dernièrement qu’il est parvenu à se poser, à examiner tout cela et composer « Riverbed », « Rite Of Passage », « Caledonia » et « The Quicksand Of Existing »… C’est assez difficile à comprendre, mais c’était vraiment ce dont il avait besoin pour avancer dans sa vie.

Pourquoi avoir décidé de clore l’album avec « Caledonia » ? 

Peut-être parce que c’est le morceau le plus expérimental de l’album ? Je dirais qu’il comporte en son sein un tas d’idées que nous n’avions pas essayées par le passé. Peut-être fera-t-il la transition entre ce qui est et ce qui viendra sur notre prochain album ? Je ne sais pas ! En tout cas, il me semble que ce morceau traitement également de la mère de Joe, puisqu’il est quand même à la fois très sombre et très émotif.

Beaucoup vous comparent à Black Sabbath. Mais je ne suis pas tout-à-fait d’accord avec cette comparaison…

Pour nous, il nous importe de ne pas répéter des idées qui ont déjà été faites par le passé. Il est clair que nous nous inspirons des monstres de la scène Doom/Metal, mais nous essayons aussi de forger notre propre identité. D’ailleurs, nous savons pertinamment que nous ne réussirions jamais à faire aussi bien que Black Sabbath, s’il nous venait à l’esprit de les copier. Tout simplement parce que Black Sabbath a suivi sa propre sa voie, qu’il a crée sa propre musique… Nous adorons ce groupe, c’est clair, mais avant tout, nous voulons sonner comme du Pallbearer.


Pallbearer, c’est : 

Joseph D. Rowland : Basse, backing-vocals 

Devin Holt : Chant, guitare 

Brett Campbell : Chant, guitare 

Mark Lierly : Batterie 

Discographie : 

Sorrow and Extinction (2012)

Foundations of Burden (2014)

Heartless (2017)

Forgotten Days (2020)

A propos de l'auteur

Rédacteur en chef d'Heretik Magazine

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