Peut-être nous faudra-t-il encore attendre un peu avant de revoir Epica fouler les planches, mais quitte à attendre, autant le faire avec classe, en écoutant son nouvel opus, Omega, paru tout dernièrement ! Avec Mark Jansen, le cerveau du groupe, nous sommes revenus sur ce qui s’avère être l’un des albums les plus aboutis de sa carrière...
Propos de Mark Jansen (guitare, chant crié, orchestrations) recueillis par Axl Meu
Salut Mark ! Es-tu confiant par rapport à l’année à venir ? À priori, si tout se passe bien, nous aurons le plaisir de vous voir à l’Alcatraz Festival, en tête d’affiche !
Écoute, je ne sais pas vraiment… Je suis assez divisé sur le sujet. J’espère que nous serons aptes à repartir sur les planches en 2021, mais pour le moment, ce n’est pas gagné. Les mesures prises par les gouvernements pour endiguer le virus changent tous les mois, donc, je ne saurais te dire ce que 2021 nous réserve… En tout cas, j’espère que toutes les personnes âgées et les plus vulnérables seront vaccinées, enfin, tous ceux qui le veulent bien, car même à ce niveau, tout le monde n’est pas d’accord. Chacun doit rester libre… En tout cas, pour le moment, vu les circonstances, je ne pense pas que les festivals de musique auront lieu en 2021. On croise les doigts !
Vous arrivez avec ce nouvel opus, Omega ! Quels sont ses intérêts philosophiques ?
C’est difficile à expliquer ! Je dirais que cet opus évoque la question de l’équilibre. L’album a beau avoir été composé avant le début de la crise sanitaire, quand on s’y attarde, on peut établir un parallèle entre ses paroles et le contexte actuel. Par exemple, au quotidien, beaucoup de personnes entrent en conflit pour un rien, et se mettent les uns contre les autres. En ce moment, il y a le « camp » de ceux qui acceptent les règles sanitaires en vigueur pour lutter contre les virus et celui de ceux qui ne sont pas d’accord, car ils estiment qu’elles sont un frein à leurs libertés.
Mais quand on y repense, il y a toujours un peu de vérité dans chacun des extrêmes, et je pense qu’il faille trouver un bon équilibre entre chacune des idées. (Il se reprend) Bon, après, je ne tolère pas les idées extrémistes, comme le racisme. Mais dans l’idée, j’estime qu’il pourrait être intéressant de trouver un point d’entente sur certaines idées qui sèment la discorde. Quand je vois ce qu’il s’est passé pendant les manifestations liées au mouvement Black Lives Matter, je ne comprends pas. Comment un combat aussi noble a-t-il pu se finir ainsi ? Tous les débordements ont joué en sa défaveur. La contradiction humaine dans toute sa splendeur ! Donc, voilà, Epica a écrit un album dans lequel la lumière se retrouve confrontée à l’obscurité, le Bien au Mal, la joie à la tristesse, et ainsi de suite.

« L’album a beau avoir été composé avant le début de la crise sanitaire, quand on s’y attarde, on peut établir un parallèle entre ses paroles et le contexte actuel »
Étant donné que l’album a été enregistré en pleine pandémie, penses-tu que l’on peut ressentir une certaine pression à son écoute ?
Oui, vraiment, ça a changé pas mal de choses ! Le principal instrument de l’album étant la voix, je pense que cela se ressent. À titre personnel, j’ai dû enregistrer mes propres parties de chant chez moi, dans mon propre home-studio. Donc, j’ai dû emménagé une de mes salles, installer quelques micros çà et là dans mon placard pour arriver à mes fins, n’ayant pas de salles dédiées au chant. Mais finalement, ça a très bien fonctionné.
Pour ce qui est de Simone (Simons, chant, NDLR), elle a enregistré ses parties du côté de Stuttgart, pas très loin de chez elle. Nous avons du faire avec les opportunités que nous avions sur le moment. Il est clair que le Coronavirus a mis à mal notre planning…
Ce nouvel album contient son lot d’excellents morceaux, comme « Abyss Of Time » et « Countdown To Singularity »… Comment avez-vous travaillé sur ces morceaux afin d’obtenir le rendu final auquel vous aspiriez ?
À chaque fois que nous travaillons sur un album, nous peinons à trouver un bon équilibre entre les idées de chacun, les différentes textures, et j’en passe. Ma préoccupation première était que l’album soit appréciable, qu’il s’écoute facilement du début à la fin, et je dirais que nous avons trouvé une formule qui nous sied bien pour celui-ci. Par moments, quand j’écoute The Holographic Principle, je dois avouer que je trouve encore des choses à redire, car il a tellement d’informations à digérer que cela peut rendre son écoute un peu poussive. J’adore ses morceaux, j’ai un peu de mal à l’écouter d’une traite. Mais c’est différent pour Omega, je le trouve plus facile d’accès !
Omega contient son petit lot de surprises, et « The Skeleton Key » est l’un d’entre elles. Pourquoi avez-vous décidé de faire de faire appel à des enfants pour assurer les choeurs ?
En fait, nous voulions créer un effet unique que tu ne peux obtenir qu’avec une chorale d’enfants. Car les enfants peuvent monter facilement dans les aigus, ce qui n’est pas toujours le cas avec des adultes ! C’était la première fois que nous faisions appel à ce genre de chorales… Nous nous sommes tout simplement dit : « Pourquoi ne pas essayer ? »… Finalement, nous l’avons fait, et ça a tout de suite fonctionné. C’est tellement efficace… Il n’y a pas besoin d’être un expert pour comprendre que ça fait la différence ! (Sourire téléphonique)
Gros moment de l’album : la troisième partie de la saga « Kingdom Of Heaven »… Comment as-tu travaillé dessus ?
Cette fois-ci, j’ai décidé de travailler avec Isaac (Delahaye, guitares, chant crié, NDLR)… On s’envoyait nos idées mutuellement, et à force de mises à jour, nous en sommes venus à bout. J’ai adoré écrire ce morceau avec Isaac, et je dois dire que, depuis le temps, c’est la première fois que je me sentais aussi proche de lui. D’ailleurs, c’est assez étrange, car nous avons tous les deux perdu notre grand-mère pendant l’écriture de ce morceau ce qui, je pense, a apporté quelque chose en plus à la chanson, un quelque chose qui nous dépasse, que nous ne saurions expliquer.
Quel est l’effet attendu avec « Rivers » ? Reposer les oreilles des fans avant la tempête de « Synergize – Manic Manifest » ?
Oui, vraiment, c’est un peu l’air de repos de ce nouvel album. (Rires) En fait, nous avions plusieurs options de ballades, mais finalement, celle proposée par Rob (van der Loo, Basse, NDLR) était tout simplement la plus belle ! En fait, si nous avons décidé de mettre cette chanson vers la fin de l’album, c’est parce qu’il s’y passe beaucoup de choses et que nous voulions que nos nos fans puissent se reposer avant de reprendre de plus bel avec « Synergize – Manic Manifest »…

« Ma préoccupation première était que l’album soit appréciable, qu’il s’écoute facilement du début à la fin, et je dirais que nous avons trouvé une formule qui nous sied bien pour celui-ci »
Ce qui fait la force et la qualité des albums d’Epica, c’est le soin qui est apporté aux parties purement orchestrales.
Comme toujours ! J’écris d’abord les orchestrations chez moi, puis Coen (Janssen, clavier, NDLR) et notre producteur, Joost (van den Broek, NDLR), me donnent leurs idées d’arrangement et m’invitent à aller plus loin. Ensuite, suite aux concertations, nous mettons l’ensemble en commun de sorte que cela colle bien avec les lignes de chant. À la fin, nous mettons tout sur papier et envoyons les partitions à l’orchestre… Ce fut un travail de titan ! Par moments, nous avons dû faire quelques réajustements…
Tu fais allusion au fameux orchestre philharmonique de Prague…
Oui, voilà. Nous leur avons envoyé nos partitions, et ils ont tout appris. Ce sont vraiment des pro’. Tout est carré, tout est propre. Par exemple, il fallait que tout soit dans la boite à une heure précise. Ce n’est pas leur problème si l’album est fini ou pas. Après une journée de travail, ils rentrent chez eux, c’est tout. (Rires) Une vraie galère ! Il fallait que tout soit réglé comme du papier à musique, le cas inverse, on aurait dû se contenter d’un album incomplet…
Comment avez-vous procédé pour la conception de la pochette de l’album ?
Nous avons fait une nouvelle fois confiance à Heilemania. Je lui ai envoyé les paroles, puis la musique, et lui ai fait une sorte de gros résumé du concept de l’album qu’il a interprété comme bon lui a semblé. Ainsi, il est arrivé avec un tas d’idées auxquelles nous n’aurions jamais songé ! En général, nous n’avons rien à redire sur son travail, c’est quelqu’un de très talentueux… Pour te dire, son ébauche nous a semblé géniale au premier coup d’œil. Par la suite, à partir de son ébauche, Simone et moi-même, puis les autres membres du groupe, avons été invités à émettre nos avis, à faire des propositions. S’est alors engagée alors une sorte de « va-et-viens » entre les idées du graphiste et les nôtres…
Enfin, Epica est censé partir en tournée avec Apocalyptica en 2022. Comptez-vous partager la scène en ensemble et engager une collaboration exclusive, comme ils ont pu le faire avec certain des artistes avec qui ils sont partis en tournée ?
C’est tout à fait plausible, mais nous n’en avons pas encore parlé. Là, pour le moment, nous croisons les doigts pour la tournée se déroule comme il est prévu… Et ce n’est que lorsque nous serons sûrs à 100% que nous commencerons à nous pencher sur ce genre d’extra’ et envisager l’habillage scénique de nos prestations. Quoi qu’il arrive, nous restons ouverts à toutes propositions !
Epica, c’est :
Mark Jansen : Guitares, orchestrations, chant crié
Coen Janssen : Claviers, piano, orchestrations
Simone Simons : Chant
Ariën van Weesenbeek : Batterie, chant crié
Isaac Delahaye : Guitares, chant crié
Rob van der Loo : Basse
Discographie :
The Phantom Agony (2003)
Consign To Oblivion (2005)
The Divine Conspiracy (2007)
Design Your Universe (2009)
Requiem For The Indifferent (2012)
The Quantum Enigma (2014)
The Holographic Orchestra (2016)
Omega (2021)
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