Pour Moonspell, le simple fait de publier un opus a toujours été un acte engagé pour l’authenticité. Et ce n’est pas sa nouvelle cuvée, Hermitage (à prononcer en français, s’il vous plaît !), qui nous fera mentir ! À travers ce nouveau manifeste du mélodies épurées et galvanisantes, les Portugais nous livrent leur philosophie de vie basée sur le repli sur soi. Explications avec Fernando Ribeiro, le chanteur de la formation !

Propos de Fernando Ribeiro (chant) recueillis par Axl Meu


Salut Fernando ! Comment vas-tu ? Comment fais-tu face à la crise sanitaire de ton côté ? 

Un peu comme tout le monde en fait. On s’adapte ! Personne ne s’y attendait, mais aujourd’hui, les gens ont appris à vivre avec le virus. De mon côté, personne n’a été infecté, ce qui est plutôt une bonne chose… Mais pour notre carrière musicale, c’est l’inverse. 2020 a été une année terrible pour tous les intermittents du spectacle. Cette situation m’interpèle, car je trouve que l’on joue beaucoup avec les peurs des gens. Et si on nous manipulait ? La situation est loin d’être normale, mais bon…

Nous essayons de faire au mieux. Par exemple, ici au Portugal, nous avons réussi à donner quatre concerts en faisant respecter les règles sanitaires au public et cela incluait le port du masque… C’était vraiment étrange, mais d’un autre côté, je m’estime quand même chanceux d’avoir pu donner ces concerts, aussi d’avoir pu continuer à vivre « normalement » et de partir en Angleterre pour enregistrer notre nouvel album. Nous avons tous perdu une année, mais bon… Il faut aller de l’avant, et j’espère que tout cela touchera à sa fin le plus vite possible ! 

Avant d’évoquer Hermitage, j’aimerais bien parler de 1755. J’imagine que c’était un album très important à vos yeux du fait de son contenu. Qu’a-t-il concrètement apporté au groupe ?

1755 était un album-concept, très intéressant. Nous avons adoré y mêler nos deux passions de toujours, le portugais et l’Histoire, et aussi, bien sûr, le Heavy Metal. Pour être honnête, je n’avais pas d’attente particulière vis-à-vis de cet album. Moonspell est un groupe qui aime bien varier ses idées et proposer des albums différents à chaque sortie. Aujourd’hui, la scène Metal est dominée par des groupes qui sortent le même album encore et encore, et les gens aiment ça. Donc, lorsque Moonspell essaie d’être inventif, il prend là un gros risque. Certains aimeront, voire même adoreront, mais d’autres n’auront pas peur de dire que c’est de la merde. Finalement, je me moque un peu de savoir comment les gens vont réagir. En ce qui concerne 1755, j’avoue avoir été agréablement surpris par les retours. Ils étaient particulièrement enthousiastes, surtout venant du public portugais, ce qui ne m’étonne guère. En général, tout le monde semble l’avoir apprécié, ce dont je me réjouis. 

« Hermitage a été conçu pour faire voyager l’auditeur à travers les morceaux qui le composent »

Vous voilà donc avec Hermitage, votre nouvel album en quatre ans. J’avoue l’avoir trouvé très différent par rapport à son prédécesseur, du fait de son côté « ambiant ». Quel est le concept derrière cet opus ?

Pour la musique, il s’agit juste d’un groupe qui joue ensemble ! Je sais que ça peut paraître bizarre, étrange… Mais nous ne voulions pas d’un album avec 2/3 bons morceaux, puis nous contenter de faire du remplissage pour la suite. C’est un peu ça le défi que nous nous sommes lancé. Et je ne saurais te dire si notre public l’aimera, oui ou non. Hermitage a été conçu pour faire voyager l’auditeur à travers les morceaux qui le composent. Et oui, comme tu dis, c’est un album très différent par rapport à 1755. Tout y est plus « atmosphérique », plus « ambiant ». On y trouve de la nuance, différentes textures, et c’est une des raisons pour laquelle il n’y aucun « guest » sur l’album.

Moonspell a voulu faire dans le « vrai », donner l’impression que l’album était joué en « live ». Et pour arriver à nos fins, nous nous sommes déconnectés de la technologie et sommes revenus aux sources ! De nos jours, les batteries sonnent toutes de la même manière, comme si c’était l’usine. Il fut un temps où les groupes avaient plus de courage et n’avaient pas peur d’innover. En ce sens, je pense que Hermitage est en quelque sorte l’album de la maturité pour Moonspell. Il est destiné aux fans de musique Metal, mais aussi aux fans de Pink Floyd, des Doors. Il a vraiment ce côté Rock 70’s, ce que nous n’avions jamais essayé auparavant. Et je conseille à tout le monde de prendre le temps de découvrir Hermitage… L’inverse, on passerait à côté de quelque chose. Personnellement, quand j’écoute un nouvel opus, j’aime prendre le temps, je m’assois, je me concentre, je me laisse porter par la musique… 

Tu fais allusion à Pink Floyd. Je dois avouer que la référence est loin d’être passée inaperçue… 

Ce n’est pas moi qui écris la musique du groupe, mais Ricardo (Amorim, guitare, ndlr) et Pedro (Paixão, clavier). Quand nous avons commencé à nous pencher sur l’album, nous nous sommes accordés pour dire qu’on adorait tous ces groupes comme Pink Floyd, et que leur influence avait été primordiale sur des groupes comme Bathory et Fields Of The Nephilism. Disons que nous avons fait du « Dark Side Of The Moonspell ». (sourire téléphonique) Et finalement, c’est un beau compliment, car nous sommes tous fans de Pink Floyd au sein du groupe. Il est sans doute l’un des groupes les plus innovants de ma génération et l’un de ceux qui a su le mieux surmonter les épreuves du temps.

D’ailleurs, c’est vraiment pendant le confinement que j’ai appris à redécouvrir le répertoire de Pink Floyd. D’ailleurs, à côté du Heavy Metal classique, et ses groupes comme Blind Guardian, Agent Steel, et Bathory, j’ai toujours eu un penchant pour le Rock classique avec les Beatles, Pink Floyd, Led Zeppelin. Des groupes que j’écoute énormément en ce moment. Peut-être que je me fais vieux ? Je ne sais pas… En tout cas, j’aime y retrouver une certaine authenticité que je trouve disparue aujourd’hui. Aujourd’hui, j’ai l’impression que les gens ne font de la musique que pour être vus, pour être populaire… Mais je ne suis pas sûr que leurs intentions soient honnêtes.

Mais sinon, pour revenir à ta remarque de base, oui, ce nouvel album a un côté « Pink Floyd« … D’ailleurs, ce n’est pas la première fois, nos vieux albums étaient par moments influencés par l’album The Division Bell. La musique de David Gilmour te fait réfléchir et te donne envie d’être un meilleur musicien ! 

« Nous sommes tous fans de Pink Floyd au sein du groupe. C’est sans doute l’une des formations les plus innovantes de ma génération. »

Que devons-nous comprendre derrière le nom de l’album « Hermitage » ? C’est en lien avec le confinement ? 

Pour cet album, je voulais utiliser un mot en français, tout simplement parce que ça sonne mieux. (Rires) Et non, ça n’a aucun rapport avec la crise sanitaire contrairement à ce que beaucoup pourront croire. Cette idée de titre m’est venu pour la première fois en 2017, alors que nous étions encore en train de plancher sur 1755, suite à une réflexion que je me suis faite à moi-même. Aujourd’hui, les avancées technologiques ont fait que les gens sont amenés à se parler régulièrement via les réseaux sociaux. Mais même s’ils semblent connectés, ils n’ont jamais été aussi seuls, car ils s’enferment dans leurs préjugés, dans leurs opinions, dans leurs idées préconçues. Nous ne nous aimons plus, nous ne nous faisons plus confiance, et c’est bien la faute des réseaux sociaux. Et d’ailleurs, je suis de ceux qui pensent que la situation était déjà bien préoccupante bien avant que le COVID-19 ne mette la société à genoux. On continue d’exterminer des peuples, de brûler des forêts, on insulte les artistes jusqu’à les pousser à commettre l’irréparable. Je me suis beaucoup renseigné à ce sujet, j’ai énormément lu, ce qui m’a permis d’en tirer quelques conclusions. J’en suis arrivé à la conclusion que pour se sentir mieux, il fallait s’exclure de toute communauté, et de vivre en ermite. 

Dernièrement, Moonspell a changé de batteur. Pourquoi Miguel Gaspar ne fait-il plus partie du groupe ? C’était l’un des membres-fondateurs du groupe, si je ne m’abuse…

Nous avons essayé de nous quitter de bons termes, en toute amitié, mais ça a été plus difficile que prévu. Il a fallu que l’on prenne le temps de se voir pour en parler. Par exemple, nous ne sommes pas comme nos amis de Cradle Of Filth pour qui le line-up change régulièrement. Moonspell est une vraie famille… Mais bon, toute famille a ses problèmes, et nous compris. Malheureusement, je ne saurais te dire pourquoi il est parti. Le groupe a pris la décision de ne pas trop communiquer à ce sujet. Miguel était là depuis nos débuts, donc, oui, je dois quand même avouer que ça fait mal, mais c’est ainsi… Il nous fallait tout de même continuer. Aujourd’hui, nous avons un nouveau batteur, Hugo Ribeiro, quelqu’un de très amical et de très enthousiaste. C’était important d’avoir un batteur talentueux pour assurer la batterie. Quand il s’est assis derrière les futs pour la première fois, nous étions tous très éblouis pour son jeu. Après sa période d’essai, il était déjà d’attaque pour travailler sur les morceaux d’Hermitage… C’est très prometteur pour la suite. Et puisqu’il est Portugais, il peut s’impliquer à temps plein dans le groupe. 

Enfin, ma dernière question portera sur les concerts que vous donnerez après la crise sanitaire. Connaissant le soin qui est apporté à votre scénographie, pouvez-vous me dire à quoi vos shows ressembleront à l’avenir ? 

Là, pour le moment, tous nos concerts de 2020 étant reportés, nous ne savons pas encore ce que nous ferons. La situation est telle qu’il est assez difficile de se projeter, de savoir quand nous pourrons reprendre une activité scénique. En tout cas, pour ce qui est de mes attentes, j’espère pouvoir mettre ce nouvel album en avant comme il se doit, à hauteur de 50 %. Après, c’est toujours le même dilemme : privilégier les classiques comme « Alma Mater » que l’on joue depuis des lustres ou prendre le risque de mettre en avant nos nouveaux morceaux… En tout cas, quand nous avons joué nos nouveaux morceaux à Oporto en décembre dernier, les retours étaient très prometteurs ! À voir ! 


Moonspell, c’est : 

Pedro Paixão : claviers, programmes, guitares 

Fernando Ribeiro : chant 

Ricardo Amorim : guitare 

Aires Pereira : Basse 

Hugo Ribeiro : Batterie 

Discographie : 

Wolfheart (1995)  

Irreligious (1996) 

Sin / Pecado (1998)

The Butterfly Effect (1999) 

Darkness and Hope (2001) 

The Antidote (2003) 

Memorial (2006)

Under Satanæ (2007) 

Night Eternal (2008)

Alpha Noir (2012) 

Extinct (2015) 

1755 (2017) 

Hermitage (2021) 

A propos de l'auteur

Rédacteur en chef d'Heretik Magazine

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