Bruit ≤ est une véritable petite curiosité à elle seule. À mi-chemin entre le Post-Rock, la musique « bruitiste » (pour le coup) et les musiques atmosphériques, la jeune formation a mis au point un album ambitieux, conceptuel coupé en quatre superbes chapitres : c’est The Machine Is Burning and Now it could happen again. À l’occasion de sa sortie, nous nous sommes entretenus avec ses membres !

Propos du groupe recueillis par Axl Meu


Voici Bruit ≤ avec son premier album : The Machine Is Burning and Now it could happen again. Il comprend quatre pistes instrumentales qui ont pour vocation d’immerger leurs auditeurs dans un univers conceptuel. Comment vous y prendriez-vous pour parler de votre musique à mi-chemin entre le Post-Rock et les musiques obscures ?

On ne veut pas mettre notre musique dans telle ou telle case. En fait, toutes les formations que nous aimons sont justement celles qui ont réussi à inventer leur propre case, celles qui proposent une musique qu’on a du mal à définir. Je pense plus particulièrement à Nils Frahm. On ne saura jamais dire s’il fait de la musique électronique, du Neo-Classique, de la musique minimaliste ou de la musique ambiante. En fait, c’est un peu tout ça, mais à la fin, on sait que c’est du Nils Frahm

En ce qui nous concerne, nous définissons Bruit ≤ comme une formation de Post-Rock avec une écriture musicale qui se rapproche parfois du style Neo-Classique. Parfois, il y a un petit côté sombre qui peut nous rapprocher du Doom ou bien du Doomgaze. En fait, ce qui nous importe, c’est de créer un ensemble imprévisible, fluide propice au voyage. Pour le premier morceau, « Renaissance », on part d’un morceau « Folk », puis ça finit en mur de son électronique. Aussi, nous faisons attention à instaurer une sorte de narration, espace narratif dans lequel le temps et l’espace ne sont pas pleinement définis, l’idée étant ici de nous placer dans un état entre le réveil et le sommeil. 

De quoi êtes-vous partis pour la composition de ces quatre titres ? D’un sentiment ? D’une émotion ? D’un ressenti ? D’une expérience ? Quel a été le point d’ancrage de l’album ? 

Beaucoup de choses. Au fil des quatre morceaux, ça peut partir d’une idée acoustique, très intimiste puis déboucher sur une idée plus massive. Tout un tas d’émotions différentes y sont retranscrites, mais globalement, on s’inspire du monde en général, de l’actualité, de la musique moderne. Pour moi, la musique se doit d’être une retranscription de ce que l’artiste voit autour de lui. C’est pour cette raison que l’on a placé des samplers de discours portant sur l’éducation et la technologie dans nos morceaux (sur « Industry » et « Amazing Old Tree », NDLR). Cet album est empreint d’une dimension écologique. On part simplement d’un constat et développons nos musiques. On ne s’inspire ni d’œuvres littéraires, ni même d’œuvres cinématographiques, mais plutôt du monde en général, dont nous essayons de faire une description assez chargée au fil des morceaux. 

La musique de Bruit ≤ étant principalement instrumentale, d’où est venu ce long titre, The Machine Is Burning and Now it could happen again ? 

Pour tout t’avouer, nous avons eu du mal à trouver le nom de l’album. Ça a été une vraie galère à trouver ! Pour ce qui est de l’abstrait, on est assez productif, mais quand il s’agit de trouver des mots, c’est tout de suite beaucoup plus problématique, et ça fait débat ! Pour ce qui est du titre, je dirais qu’il est une clé de compréhension de ce qui de se passe sur l’album, parce qu’il n’y a pas de paroles, à part les « voix-off ». C’est assez délicat, vraiment. Car on raconte beaucoup de choses sur l’album, malgré tout, et réussir à donner les bonnes clefs de compréhension n’a pas été chose simple. 

« On ne s’inspire ni d’œuvres littéraires, ni même d’œuvres cinématographiques, mais plutôt du monde en général, dont nous essayons de faire une description assez chargée au fil des morceaux. »

Ce que l’on aime dans la musique instrumentale, c’est qu’elle invite chacun à se faire sa propre idée de la chose. Elle ne va pas forcément évoquer la même chose à tout le monde, contrairement aux titres trop concrets qui vont trop facilement orienter l’auditeur. 

Pour revenir au titre de l’album, il me semble qu’on l’a trouvé sur Instagram à partir d’un commentaire portant sur le mouvement Black Lives Matter. Si je me souviens bien, l’internaute en question invitait ses potes à descendre dans la rue pour aller manifester. Et dans l’idée, il y avait cet assemblage de mots « the machine is burning »… Il nous semblait totalement correspondre à notre musique, mais aussi au climat actuel. Il y a eu beaucoup d’émeutes dernièrement, au Chili, en Algérie, au Liban, à Hong Kong et même chez nous en France, avec le mouvement des Gilets Jaunes. Le titre est métaphorique et, par conséquent, libre de toutes interprétations. En tout cas, nous ne comptons pas générer de questionnements chez les gens qui nous écoutent, mais plutôt ouvrir leur imaginaire. On essaie de rester symbolique et conserver la frontière entre ce que tu montres et ce que tu ne montres pas. 

Pourquoi avoir décidé de placer le morceau « Renaissance » en deuxième position ? À titre personnel, je l’aurais placé à la fin de l’album…

Oui, tu as raison. On aurait pu aussi placer ce morceau à la fin de l’album. Cependant, nous voulions placer le moment le plus massif de l’album à la fin de notre album. « Renaissance », dans le cas présent, évoque une hypothèse qui n’est pas forcément la fin de l’histoire… En tout cas, on peut vraiment prendre l’album dans n’importe quel ordre, n’importe quel sens. Par exemple, on aurait très bien pu commencer par « Amazing Old Tree » et finir par « Renaissance », ça aurait quand même fonctionné.

Certaines oppositions se dessinent dans votre musique. D’un côté, on y retrouve « Amazing Old Tree » et de l’autre « Industry ». Vous avez construit l’album sur l’antithèse nature / industrie ? 

C’est une interprétation que l’on peut faire. On avait également comme idée de parler d’un conflit éternel, celui qui oppose culture et nature. Et on y retrouve cette dichotomie dans les thématiques que nous abordons, mais aussi dans notre usage des instruments. On jongle régulièrement entre acoustique et synthétique. Par exemple, on y retrouve des instruments très organiques sur « Amazing Old Tree » et d’autres qui sonneront de manière très synthétique, comme si on avait décidé de mettre la nature dans des boîtes en plastique pour la vendre aux humains. 

Quid de l’enregistrement ? Où avez-vous enregistré l’opus ? 

70% de l’album a été enregistré à domicile. Néanmoins, puisqu’il n’est pas assez spacieux, nous sommes allés enregistrer les batteries au Manoir de Léon, un studio assez grand situé dans les Landes. Aussi, il faut savoir que l’album a été conçu de manière artisanale contrairement à ce qui se fait beaucoup aujourd’hui dans le domaine des musiques actuelles. On n’a pas utilisé de synthétiseur numérique ou je ne sais quel autre artifice. On a vraiment tout créé, tout joué de A à Z. 

Vous avez sorti un clip pour le morceau « Renaissance ». Un commentaire ? 

Oui ! À la base, on devrait le sortir en « style-image » mais, Mehdi Thiriot, notre graphiste, nous a clairement interdit de le faire. Pour lui, le morceau était trop beau pour que l’on se contente d’un simple clip « style-image ». Finalement, ce grand malade nous a fait un clip en quatre jours ! En fait, il a utilisé et associé des images libres de droit qu’il a montées de manière cohérente…

Et désormais, qu’allez-vous faire en attendant ? 

On va croiser tout ce que l’on peut croiser pour enfin partir sur les routes, car on aimerait vraiment que l’album ait une existence sur scène. Ensuite, on réfléchira à la suite. 


Bruit ≤, c’est : 

Clément Libes : Basse, violon

Théophile Antolino : Guitare

Julien Aoufi : Batterie

Luc Blanchot : Violoncelle

Discographie : 

Monolith (2018-EP)

The Machine Is Burning And Now Everyone Knows It Could Happen Again (2021)

A propos de l'auteur

Rédacteur en chef d'Heretik Magazine

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.