Bien connus du public hexagonal, les Franciliens de No One Is Innocent ont continué, malgré la pandémie, à voir plus grand, à aspirer à « plus », tout simplement. Et ce n’est pas Ennemis, sorti tout dernièrement via Verycords, qui nous a fait mentir… Entre expérimentations, contestations et opinions, Kemar, LA voix emblématique du combo a répondu à nos interrogations.
Propos de Kemar (chant) recueillis par Thomas Deffrasnes
Crédit photo : Moris DC
Ennemis, c’est le nom de votre nouvel album. Mais qui sont-ils, ces fameux ennemis ?
Nos ennemis sont partout. Et on a l’impression, que plus le monde avance, plus nos ennemis gangrènent nos vies : à travers l’espionnage, les délations, les réseaux sociaux. À un tel point qu’on devient tous très rapidement les ennemis de quelqu’un. En conséquence, ce mot sonnait comme une évidence, et transparaissait déjà au travers des paroles que j’étais en train d’écrire.
L’actualité a donc été un vecteur pour l’écriture de tes textes.
On a voulu parler de toutes ces blessures sociétales : les événements liés à la mort de George Floyd, les affaires non résolues en France, les bavures policières à répétition et surtout la Justice qui traîne des pieds pour les sanctionner. C’est quelque chose qui nous touche ! Malgré ça, loin de nous l’idée de faire des amalgames « tous les flics du monde sont des salauds, etc. Le propos n’est pas là. L’idée, c’est de mettre le doigt sur des chapitres tragiques qui font saigner la société.
La musique sert bien le propos des chansons. Notamment avec « Forces Du Désordre ».
La musique commence avec une minute trente de montée, on sent la violence sous-jacente. Un peu comme si une manif se préparait. On sait que ça va exploser. Dans No One Is Innocent, c’est la musique qui inspire fortement nos textes. Les mouvements, les cassures, l’harmonie… Tous ces indices instrumentaux racontent une histoire – à nous de la traduire textuellement.
À travers « La Caste », j’y vois une attaque envers la « Macronie ».
Évidemment, sous le régime de Macron, tout fait lui fait écho dans ce texte. Mais à la fois, ce n’est pas quelque chose de nouveau. Macron n’est qu’un de plus parmi tant d’autres. La Caste vise surtout la lignée consanguine de ceux qui sont au pouvoir – les élites qui restent entre eux. Encore une fois, on voulait écrire à ce sujet, et cette instrumentale a aussi suggéré ce thème.
Peux-tu commenter cette collaboration avec Stéphane Buriez de Loudblast sur le titre « Aux Armes Aux Décibels » ?
C’est notre grand pote « Bubu », et comme on l’a côtoyé avec Le Bal Des Enragés, on s’est dit « pourquoi ne pas l’appeler » pour qu’il nous donne sa grosse voix. C’était une réunion semi-professionnelle de pote quoi (rires).

« On a l’impression, que plus le monde avance, plus nos ennemis gangrènent nos vies : à travers l’espionnage, les délations, les réseaux sociaux. À un tel point qu’on devient tous très rapidement les ennemis de quelqu’un. »
Je vous ai senti d’ailleurs plus expérimental sur cet opus.
Peut-être que les frustrations du confinement nous ont malgré tout donné plus de temps. Cette nouvelle vie nous a donné sans doute plus d’inspirations et des perspectives nouvelles… Armistice en plein milieu de l’album a vu le jour dans cette atmosphère étrange ! C’est à mon sens là où No One s’est montré le plus audacieux et expérimental.
Le confinement ne vous a pas pour autant privé de live puisque vous avez joué au Hellfest from Home !
On ne voulait pas faire de live-stream, car c’est pas du tout dans notre ADN de faire ça. Mais lorsqu’on nous a proposé une telle expérience : un Hellfest vide – avec une réalisation de dingue pour un projet unique. On s’est dit qu’il ne fallait pas passer à côté. Puis ça faisait énormément de temps qu’on n’avait pas joué ! Et se retrouver comme ça sur une grande, ça nous a donné des ailes. On n’est pas un groupe qui souffre du manque de public devant nous : on est tellement imprégnés de nos titres que notre énergie scénique est une résultante évidente. On n’est pas scotché au pied de micro. On est ce que notre musique nous fait ressentir.
Vous allez aussi vous produire dans le cadre du Gros 4 – le Big Four à la Française. Cette annonce en a réjoui certains et a déplu à d’autres. Comprenez-vous ces critiques ?
On n’en a rien à faire des critiques – je ne les lis même pas. Ça ne m’intéresse pas. Je ne comprends pas comment on peut critiquer une démarche pareille, après des mois d’abstinence de concert. On arrive en 2022, et le monde sort la tête de l’eau. Pour 40 balles, tu vois quatre groupes dans un super zénith, avec écran, des moyens, etc. Et des gens se plaignent encore ? Casser un événement pareil, c’est vraiment être malheureux dans sa vie…
Que ce soit le contexte artistique-politique-social-pandémique… Comment envisages-tu envisage la suite ?
Il y a des élections qui approchent et ça nous inquiète. L’offre politique qu’on a pour cette élection est terrible, quasiment ennuyante ! Les vrais débats tels que les inégalités sociales ne sont pas mises sur la table. À côté de ça, tout le monde préfère parler sécurité – immigration… Tous ces sujets qui donnent un espace pour les idées nauséabondes. C’est déstabilisant ! Ce que les télés et les chaînes de l’info en font, avec leur filtre politique. C’est d’ailleurs ce qui a inspiré le titre « Les Hyènes De L’Info ». Il faut continuer de le dénoncer ! Car tant qu’il y a de tels problèmes ; il faut les dénoncer.
Tu disais dans une interview que si tu pouvais, tu continuais d’écrire des titres jusqu’à 85 ans. Ça signifie que le combat est loin d’être terminé ?
On ne s’imagine pas pouvoir continuer à faire des concerts si on a plus cette flamme qui nous anime. Même si on était payé une blinde pour ça ; on est intègre à ce sujet. Alors continuer de défendre mes idées, évidemment que je le ferai. Mais on sera toujours cohérent avec nous-même. Est-ce que le corps et la tête suivront ? Tout ça reste à voir, mais certainement pas maintenant…
No One Is Innocent, c’est :
Kemar : chant
Shanka : guitare
Popy : guitare
Bertrand Dessoliers : basse
Gaël Chosson : batterie
Discographie :
No One Is Innocent (1994)
Utopia (1997)
Révolution.com (2004)
Gazoline (2007)
Drugstore (2011)
Propaganda (2015)
Frankenstein (2018)
Ennemis (2021)
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