Personne n’est à l’abri d’un mauvais coup du sort. Et Nord Forge l’a appris à ses dépens ces deux dernières années. Souvenez-vous, Carpathian Forest avait déclaré forfait à quelques jours du renforcement des mesures sanitaires en 2020. Deux ans après, c’est au tour de Bølzer d’annuler sa participation pour des raisons de santé.
Et pourtant, malgré ces mésaventures, le In Theatrum Denonium s’est toujours tenu, toujours au théâtre de Denain devenu le lieu de tous les possibles depuis que l’association nordiste y a posé ses valises en 2016. Comme tous les ans, la rédaction a répondu présent. Voici notre compte-rendu de la dernière édition en date mettant à l’honneur Taake, Seth, Hats Barn, Aluk Todolo et The Path Of Memory.
Par Axl Meu
Crédit photos : Moris D.C.
Après Raphaël Verguin en 2019, Spectrale en 2020, le fumoir est investi par The Path Of Memory le temps de deux courts interludes d’une dizaine de minutes. L’occasion pour nous d’en savoir un peu plus sur le projet solo Bornyhake, le leader de Borgne, auteur d’un premier effort, Hell Is Other People. Contrairement à la performance de Borgne livrée en 2020, le cadre de celle-ci est plus intimiste et prend des allures de concert au coin du feu. Dans une ambiance relativement apaisée, le Suisse, au chant et à la percussion, nous livre – entre quelques shots de spiritueux – un concert classique, personnel au cours duquel l’introspection et le repli sur soi étaient de mise.



Le premier interlude arrivé à son terme, nous pouvons accéder à la grande salle du théâtre et entrer dans le vif du sujet avec Aluk Todolo que nous avions découvert en 2017 sur les planches du Motocultor. Et que dire si ce n’est que la programmation de cette formation est longtemps restée curieuse ? La formation, connue pour son Rock Progressif / Instrumental, Sludge, mâtiné d’interludes plus Psyché, n’a clairement rien à voir avec le reste de l’affiche, essentiellement axé sur les musiques Black Metal « trve », à un tel point que l’on aurait pu envisager l’erreur de casting. Et pourtant, c’est peut-être (et sans doute) en prenant ce genre de risques que le festival continue (et continuera) de nous surprendre. Les rythmiques alambiquées et répétitives font varier l’intensité de l’ampoule suspendue au beau milieu de la scène et plongent les festivaliers dans un songe quasi-métaphysique empreint de lourdeur…




Après le forfait de Bølzer (deux jours avant le lancement des hostilités), l’organisation n’a pas eu d’autres choix que de contacter amis et proches pour trouver un remplacement. C’est donc Hats Barn, formation de « Trve Black Metal » des Hauts-de-France, bien connu des lieux de dépravation, qui a été contactée pour faire oublier Bølzer. En attendant la sortie de leur nouvel album opus, Y.a.HW.e.H, attendu pour le printemps prochain via Osmose Productions, elle nous livre un concert visuellement fouillé (encens, bougies, présentoirs), assez intéressant, même si les débuts sont assez sinueux (le kick de la batterie est bien trop fort en début de gig). Une fois les problèmes réglés, le groupe peut mettre en avant son répertoire (et ses morceaux très typés « Trve Norvegian Black Metal » : « Le Chant du Mort », « L’Enfant Doit Mourir », « Total Death Kult »…), tout en rendant hommage à Trelldom, le temps d’une reprise symbolique « Hoyt Opp I Dypet ». Une belle performance, et une belle option.






Après le deuxième interlude proposé par The Path Of Memory, c’est au tour de Seth de s’emparer du plancher du théâtre de Denain. Un an après la sortie du très remarqué La Morsure Du Christ, consacrant le retour de Seth sur le devant de la scène. Il était enfin temps pour elle de présenter son nouveau répertoire aux Nordistes et d’y mêler ses nouveaux morceaux aux classiques tirés des Blessures de l’Âme (qui, souvenez-vous, avait été joué dans son intégralité dans le cadre de la dernière édition du Tyrant Fest). Alors, comme promis, Seth – qui a orné sa scène d’un autel et de nombreux artefacts – nous livre une performance répondant à toutes nos attentes. Elle est à la fois puissante, mélodique, musicalement et visuellement irréprochable. Devant une réplique de l’Eglise Notre-Dame en flamme, Saint Vincent, dans son habit d’aumônier enchaîne les morceaux de son nouvel opus (« La Morsure Du Christ », « Métal noir », « Les Océans du Vide ») pour vite rebondir sur les parties d’ « Hymne Au Vampire » tout en exécutant son rituel. Vous aviez encore des doutes sur la pertinence du propos de Seth en 2022 ? Eh bien, nous vous assurons que cette nouvelle prestation n’a fait que confirmer son statut de digne porte-parole de la scène Black Metal en France.





Dernière prestation de la soirée, et pas des moindres : Taake, légende du Black Metal norvégien. Pour se préparer, le combo monopolise la salle principale laissant alors le public s’occuper comme il peut au niveau de la buvette (qui ne désemplit pas). Finalement, après un petit retard, Hoest investit la scène (visiblement) éméché : ses propos restent incohérents tout le long du concert. Heureusement, ce n’est pas le cas de la musique, ni même du répertoire travaillé pour la soirée, qui alternera entre mouvements plus Black’n’Roll et « Trve Black Metal », essentiellement représentés sur l’album Noregs Vaapen (on aura même droit à l’introduction de « Myr » joué au banjo !). Musicalement irréprochable, mentalement instable (le chanteur ne cessera de lancer son micro un peu partout), Taake nous a livré une performance à la hauteur de nos attentes : tout simplement grandiose.





Un vrai rendez-vous, de beaux concerts, un cadre toujours aussi atypique, le In Theatrum Denonium a réussi son pari, celui de faire rayonner à nouveau les musiques extrêmes dans le Denaisis après ces derniers mois pénibles. Merci à eux.
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