La musique d’Hypno5e est un voyage, complexe certes, mais définitivement dépaysant. Cette année, la formation de Metal cinématographique est revenu sur le devant de la scène avec Sheol, à concevoir comme une sorte de préquelle à A Distant (Dark) Source, sorti il y a déjà quatre ans. À quelques jours de sa performance au Poche de Béthune, nous vous proposons de découvrir les propos que nous avons recueillis auprès d’Emmanuel Jessua (chant, guitare) et Pierre Rettien (batterie).

Propos d’Emmanuel Jessua (chant, guitare) et Pierre Rettien (batterie) recueillis par Axl Meu


Hypno5e a accueilli deux nouveaux membres, Pierre à la batterie et Charles à la basse. C’est quand même la moitié du groupe qui a changé. Ces nouveaux membres ont-ils participé à l’enregistrement de l’album ? 

Emmanuel Jessua (chant, guitare) : Oui, oui. Le changement de line-up a eu lieu pendant la conception de l’album, pendant l’enregistrement des guitares. Pierre (Rettien, batterie) est arrivé dans le groupe en premier. Je lui ai proposé de le rejoindre en novembre/décembre. On est allé ensemble sans avoir écrit les parties de batterie : il a tout composé sur place. On a travaillé ensemble sur les guitares. Il a vraiment apporté une couleur supplémentaire aux nouveaux morceaux, plus brut, plus dynamique. C’est un peu pareil pour Charles (Villanueva, basse) qui a apporté sa touche aux morceaux. Finalement, les deux musiciens se sont greffés naturellement au processus d’écriture du nouvel album. Ça s’est très bien passé. Leur vision de la musique nous a permis de prendre une tangente différente. 

La musique d’Hypno5e est pas mal exigeante, au niveau des tempos, des signatures rythmiques. Ça semble partir dans tous les sens, mais finalement, on y retrouve toujours une forme de cohérence. Pour commencer, que faut-il savoir sur ce nouvel album, Sheol ? 

En général, on se retrouve avec pas mal d’idées et notre écriture est basée sur l’improvisation. Tout se fait au fur et à mesure. On passe par différentes étapes. Ça se fait progressivement, ce qui nous permet de naviguer à de nouveaux endroits : le morceau se construit vraiment au studio, étape par étape. Après, l’idée, c’est vraiment de créer du sens entre les idées et bonnes transitions. Il n’y a pas vraiment de volonté en amont. Tout ce qui vient est venu car ça faisait sens dans la trame narrative du morceau. Par moments, il peut y avoir des passages plutôt déconstruits, mais ils s’inscrivent logiquement dans la trame du morceau. On passe par plusieurs étapes et il n’y a jamais une partie qui se répète. En ce moment, nous sommes en train de répéter le set et Pierre m’a fait remarquer qu’il n’y avait aucun riff qui se ressemblait. En fait, nos morceaux sont construits un peu à la manière d’un film : chaque scène a son propre rôle et intervient pour une raison particulière. Les structures peuvent partir dans tous les sens, mais finalement, tout est scénarisé. 

Hypno5e a toujours été catalogué comme un groupe cinématique. Quelle est la symbolique derrière Sheol ? Que devons-nous y voir ? 

Nos albums sont toujours construits par rapport à un territoire. Ce qui lance l’écriture, le fait d’explorer un territoire par le biais d’un personnage. En général, tous les albums sont construits ainsi. Pour Shores of the Abstract Line, c’était à partir d’un lieu imaginaire à l’intérieur de lui… L’album incarne toute la mélancolie qu’il peut traverser. Sheol, comme A Distant (Dark) Source, il prolonge l’histoire de cet individu dans ce qui était le lac Tauca. On suit donc la trajectoire de ce personnage que l’on avait commencé sur A Distant (Dark) Source. C’est toujours construit à partir d’errance, de parcours et de rencontres… 

« Nos morceaux sont construits un peu à la manière d’un film : chaque scène a son propre rôle et intervient pour une raison particulière »

Tu parles d’errance… Quand vous composez, vous n’avez pas l’impression de vous perdre vous-mêmes dans vos idées ? Tout à l’heure, tu m’expliquais qu’aucun des riffs de l’album ne se ressemblaient… Il n’y a pas de schéma construit à l’avance chez Hypno5e… Ne vous êtes-vous jamais perdu dans vos idées à force de composer des morceaux aussi complexes de 10 minutes ? 

Pierre : Je dirais qu’Emmanuel a une grande capacité à ne pas se perdre et à savoir où on est. Quand on compose ensemble, je suis vite perdu et lui me remet sur les rails. 

Emmanuel : Forcément, vu qu’on construit et que l’on enregistre en même temps, il y a toujours un moment où on ne sait pas où l’on va. Par moments, on doit faire face à des impasses. Par moments, une mélodie ne nous amène pas où l’on veut. Les structures de nos morceaux changent quasiment jusqu’à la dernière minute, même lors du mix’. C’est toujours en mouvement. Mais finalement, de manière générale, on arrive toujours à avoir une vision d’ensemble générale. Je sais l’intention et je sais ce que je vais raconter. Après, dans les faits, par moments, oui, on peut dire que c’est parfois chaotique. 

Pierre Rettien (batterie) : Par moments, c’est un peu compliqué de se comprendre, donc il nous arrive d’ avoir du mal à échanger certaines idées, musicalement. Le but, c’est d’arriver à se comprendre, je dirais, donc de ne pas se perdre. Mais au final, je trouve que l’on s’en sort vraiment pas mal !

C’est une musique qui se construit comme un texte, comme un récit… Même pour l’intégrer, c’est pas évident : je veux dire, comprendre un morceau de quinze minutes, l’écouter et essayer de s’en rappeler. Par exemple, dans l’album, il y a un morceau qui fait 25 mesures. Par rapport à ce que l’on a l’habitude d’écouter, ça peut paraître déroutant. La musique d’Hypno5e se rapproche plus de la musique Classique, du moins dans son écriture. Enfin, moi, c’est le sentiment que j’ai. 

Puis, pour ne pas se perdre… Aujourd’hui, avec les moyens de production moderne, tu arrives toujours à avoir du recul sur ta musique. Et même quand Emmanuel semble se perdre, il y a toujours quelqu’un pour l’épauler et le guider. 

Malgré sa complexité, la musique d’Hypno5e délivrent quand même son lot d’émotions. Elle évoque parfois la détresse, mais aussi une forme de sérénité et d’apaisement. Il y a plein d’émotions que j’imagine très personnelles…

Emmanuel : Quand j’éprouve le besoin d’aller en studio, j’y vais, c’est surtout quand je sens que j’ai besoin de m’exprimer. Je sais que j’ai un langage que je peux déployer. Si je prends mon instrument, c’est quand je sais que je vais pouvoir exprimer quelque chose qui est au fond de moi. La musique que je crée est toujours chargée de quelque chose qui m’échappe. Je laisse la musique raconter mes sentiments à ma place et témoigner de ce que j’ai pu être à un moment donné dans ma vie. Après, j’essaie toujours de ne pas trop charger ma musique en émotions. L’intention est toujours profonde, mais je ne vais pas la nommer. Ce n’est jamais trop conscient. 

À quoi le « live » va-t-il ressembler ? Je sais que vous vous concentrez sur cet aspect là, énormément. 

Actuellement, on travaille en résidence. On va mettre toutes les idées sur papier et prendre le temps de tout construire. On a des morceaux assez longs et pas mal d’albums. Ça commence à être difficile de construire une setlist derrière, sélectionner des morceaux et créer du sens. Là, la semaine prochaine, on va passer à l’étape de la scénographie, sessions au cours desquels on va réfléchir à la scène, les lumières et tout ce qui s’ensuit. Tout sera millimétré… On va essayer de créer un show lyrique, épique, dense… Et je pense que les gens ne seront pas déçus ! 


HYPNO5E, c’est :

Emmanuel Jessua : chant, guitare

Jonathan Maurois : guitare

Pierre Rettien : batterie

Charles Villanueva : basse

Discographie :

Des deux l’une est l’autre (2007)

A Backward Glance on a Travel Road (2009) (as A Backward Glance on a Travel Road)

Acid Mist Tomorrow (2012)

Shores of the Abstract Line (2016)

Alba – Les ombres errantes (2018)

A Distant (Dark) Source (2019)

Sheol (2023)

A propos de l'auteur

Rédacteur en chef d'Heretik Magazine

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