LIVE-REPORT - Heilung + Eivør (Le Zénith - Lille)
- Axl Meu
- il y a 4 jours
- 4 min de lecture
Ce soir, une fois n’est pas coutume, le rendez-vous est pris dans une très grande salle : le Zénith accueille Heilung pour une soirée absolument magique.
Par Flavien Minne / Crédit photos : Moris DC
Mais, pour l’heure, la tradition se mélange au modernisme avec Eivør. Eivør n’est pas un groupe de Metal Pagan qui n’est destiné qu’à de premières parties : Eivør Palsdottir est une auteure-compositrice et interprète féroïenne à la carrière plutôt bien remplie, commencée en 1997, alors qu’elle n’avait que 13 ans. La blonde nordique se présente à nous sobrement avec sa longue robe noire et sa queue de cheval, entourée de deux claviéristes et d’un batteur excentré, ressemblant à un druide, maniant baguettes et massettes.
Pendant près d’une heure, et devant une salle pleine à craquer, Eivør nous transporte dans son univers avec des titres parfois très Rock ‘n' Roll, des refrains et un timbre de voix rappelant Kate Bush, parfois Jazzy, Electro, en passant par des morceaux dignes de films d'Heroic fantasy, n’oubliant jamais le côté traditionnel de sa discographie.

Multi-instrumentiste, la frontwoman passe de la guitare électrique, au bodhran, le tambourin de renaissance celtique, assistée de l’un de ses claviéristes au violoncelle électronique, ou simplement en nous ensorcelant de sa voix cristalline, mélancolique, douce ou puissante et Rock. Eivør n’est vraiment pas qu’une simple première partie, une mise en bouche. Eivør est un cadeau, un joyau. Le public ne se trompe pas et la plébiscite longuement, la chanteuse le remerciant chaleureusement de toute sa douceur, sa simplicité et son authenticité.
Un rideau avec le dessin du guerrier escargot se dresse. Une longue préparation se met en place pour un spectacle hors du commun.
Le phénomène Heilung (guérison en allemand), fondé au Danemark en 2014, sous l’impulsion du tatoueur spécialisé dans le dessin nordique, Kai Uwe Faust, assisté plus tard par Christopher Juul, puis par Maria Franz. Avec trois albums studio, et des paroles en vieux narrois, deux live, le trio germano-dano-norvégien est capable de remplir des tentes du Hellfest, comme des Zéniths. Et ce soir, nous sommes des privilégiés, puisque Heilung a décidé de faire une pause après cette tournée.

Sous les bruits d’oiseaux et de vent dans les feuilles, le rideau s’ouvre. Le décor est une forêt, les spots agissent comme un komorebi, la lumière diffuse du soleil à travers les branches. Au centre de la scène, un tapis circulaire évoquant une mosaïque sacrée, partout des tambours sur pied ou suspendus sont installés. À gauche de la scène, l’anachronisme avec le poste musical de Christopher.
Un premier sorcier entre en piste. De son encens, que l’on sent jusqu’en haut des gradins, et de son fagot, il semble purifier les lieux pendant la cérémonie d’ouverture. Maria, armée d’une lanterne , toute de blanc vêtue, bois de rênes sur la tête, le visage à moitié recouvert, arrive accompagnée de prêtresses et de guerriers aux torses nus se mettant en place autour du cercle. Puis, tous lèvent les bois et s’accroupissent en se donnant les mains.
“Remember that we are all brothers. All people…” La grande cérémonie commence…

Sous le son de clochettes, Maria et Kai se présentent face au public, les cornes celtes raisonnent. Le chanteur entame alors une danse et un chant scandé, religieux sous les coups de tambourin de Maria et des autres percussions pendant "In Maidjan". (le Maître des Runes). Les chœurs reprennent le chant entêtant, Kai, les bras en croix, tout comme son acolyte féminine, pendant la deuxième partie du morceau, sous les coups de massettes, tambourins et accords de violes primitives.
Le frontman lève alors sa corne au public et criant “Skoll”... Santé ! Sous les feulements lupins, le trio offre le début d’"Alfadhirhaiti" (le père de tous, en référence à Odin). Une dizaine de guerriers, armés de lances et de boucliers reprennent le chant joyeux mais inquiétant en entamant une danse belliqueuse sous le rythme du tambour central illuminé. La conquête est en marche. "Asja" (bonne chance !). La voix devient presque religieuse. Les guerriers se mettent en place sous un décor tissé de l’arrière-plan. La voix claire et douce de Maria prend le relais. Les danseurs font une ronde, rythmée par le claquement de leurs mains et les tambours. Un pur moment de quiétude. Le calme et la sérénité sont de mise. La forêt se plonge dans un brouillard vespéral. Le chant doux et féminin de Maria ainsi que des choristes, sous le tintement d’un os frappé, nous envoûte. Kai, maniant une courte lame, entame son incantation pendant "Krigsgaldr" (mon épée).

Les soldats entrent de nouveau en scène. Menés par Christopher, pour une fois au centre, et commencent un chant de courage presque a capella pendant "Hakkerskaldyr". Les oiseaux peuvent revenir après ce vacarme. Les chœurs féminins assistent paisiblement Kai, entouré de guerriers dansant avec leurs boucliers. Puis, telle une danse encensant la Nature, Maria, assise sur un trône, joue de la viole, Kai, accroupi, prend le relais de façon chamanique, accompagné de deux choristes. Les tambourineurs s’en donnent à cœur joie pendant "Anoana". Un carillon est mis en place avec des chanteuses installées à la droite de la scène pour un intermède tout en douceur, en attendant le retour de tous derrière Maria pour un titre épique marqué par le bruit sourd des tambours suspendus qui vont toujours plus vite.
Pour "Hamrer Hippyer", une folle farandole s’organise autour d’un fanion rouge. Toutes les peaux tendues sont frappées. La fête de fin se veut belle et complète. Sous les acclamations du public, la cérémonie de clôture prend une tournure dévastatrice quand on comprend que le concert est sur le point de s’achever. Christopher rejoint le centre de la scène, salut simplement… "Merci beaucoup".

Quoi, c’est déjà fini ? Pourtant, le spectacle a duré une heure cinquante ! Mais il aurait pu durer trois heures, on aurait toujours la même sensation, tant Heilung nous a ravi les yeux et les oreilles de leur musique, leurs danses et leurs décors, à travers cette fresque retraçant historique et cette ode à la nature et aux traditions. Un concert d’Heilung est une expérience. Et ce soir, tout le Zénith est heureux de l’avoir vécue.