Quand du Black/ Punk français rencontre du Sludge/Doom américain... Un très beau melting-pot, donc, s'offre à nous ce soir. Ce n'est pas à la Gaieté-Montparnasse que se rencontrent Morne et Sordide, mais dans la magnifique petite salle voûtée de la Malterie de Lille. Ici, pas de scène, des boissons encore servis dans de vrais verres, la simplicité, et la promiscuité permettent de croiser et de discuter avec les artistes.
Par Flavien Minne
Les deux groupes se connaissent presque déjà puisque les Bostonniens ont partagé les planches du Paon du Rock in Bourlon le 21 juin dernier avec Iffernet, dans lequel évolue N alias Nemri, le chanteur-batteur des Rouennais.
Les Américains sont en pleine tournée européenne pour un cinquième opus, passant par la Slovénie, l'Allemagne, la Belgique les Pays-Bas, la France et l'Angleterre. Sordide, eux, viennent également de sortir un cinquième album, fort remarquable et remarqué intitulé Ainsi Finit le Jour. Deux ans après leur passage au Tyrant Fest et un an après le Black Lab en première partie d'Aluk Todolo, les représentants de la ville aux cent clochers reviennent conquérir nos beffrois. Et ils commencent fort avec "La France a Peur", extrait éponyme du premier album traitant de l'affaire Patrick Henri et "Ni Nom, Ni Drapeau", puis "La Peur du Noir" issu de leur deuxième opus. Le concert de ce soir nous réserve de belles surprises : nous constatons que, désormais, Sordide ne compte plus deux mais trois voix ; Nebersth, bassiste ayant rejoint l'aventure l'année dernière a parfaitement été intégré et a parfaitement ingéré les anciennes compositions.
De plus, avec dix ans de carrière et cinq réalisations, une prestation courte par obligation, le trio choisit de focaliser le reste du concert autour d'"Ainsi finit le Jour" avec pas moins de six titres : "Des Feux Plus Forts", "Nos Cendres et Nos Râles", "Sous Vivre", le très revendicatif "Banlieue Rouge", pour achever le set avec le titre éponyme de l'album et "La Poésie du Caniveau". Les trois comparses ne s'accordent aucune pause, alignant et enchevêtrant les titres entre eux. Nemri fouette ses cymbales, et frappe ses fûts comme un sourd, Nehluj le gratteux et son acolyte bassiste fatiguant leurs cordes avec frénésie. La prestation se veut vive, rapide et... usante, tant pour le groupe que pour le public conquis, ayant slammé de la première à la dernière minute.
Changement d'ambiance avec les Américains de Morne. Leur Rock mélancolique est proféré par ce guitariste-hurleur de Milosz, dont le chant est entrecoupé par de longues parties instrumentales réalisées par le second guitariste Paul Rajpal, Morgane Coe, un bassiste semblant être détaché dans son coin et Billy Knockenhauer, le batteur fou, branché sur le 20 000 volts.
Ce soir, Morne a décidé de piocher principalement dans ses deux derniers ouvrages, en commençant par "Engraved with Pain", titre-phare de son EP sorti l'année dernière et "Wretched Empire", séparé par "Scorn" du dernier album To the Night Unknown (2018). La genèse du groupe est aussi évoquée avec le très étiré "I Will See You" de 2011 et "Twilight Burns" du premier album Untold Wait (2009). La performance s'achève sur "Not Your Flame" aux blasts répétitifs pendant presque un quart d'heure et "Night Awaits the Dawn", tous deux extraits de l'album de 2018, évoqué plus haut. Un petit tour et Morne s'en va. On en aurait bien repris un peu tant leur musique est fascinante.
Cette soirée a été celle du partage, chaque groupe avait son public qui s'est délecté de la prestation de l'autre. Et même si les rangs pouvaient paraître clairsemés (il est vrai qu'il doit être difficile de mobiliser en semaine et pendant les vacances), l'alambic de la Malterie était chaud bouillant. Merci !