LIVE-REPORT - Haeresis Metal Fest
- Axl Meu
- il y a 13 minutes
- 7 min de lecture
On peut assister à des concerts dans des bars, des caves, des anciens locaux industriels, des théâtres ou… dans des églises. Hérésie ? Non, pas vraiment.
Par Flavien Minne / Crédit photos : Moris DC (retrouvez plus de photos sur les réseaux sociaux)
L’église Sainte-Marguerite de Sains-en-Gohelle a été finie en 1926 à la place de celle détruite pendant les bombardements de la Première Guerre Mondiale. Elle est l'œuvre de Louis Cordonnier, architecte nordiste à qui l’on doit l'hôtel de ville de Loos et de Dunkerque, l’opéra de Lille mais aussi la restauration de la cathédrale de Milan. Plantée sur un tertre au milieu des cités 10 et 10bis de la Compagnie des Mines de Béthune, désacralisée dans les années ‘90, elle entre au Patrimoine Mondial de l’Unesco, ce qui lui permet d’accueillir, entre autres, ce joli festival qu’est le Haeresis Metal Fest, pour sa troisième édition qui a eu lieu le 10 mai.

En commençant relativement tôt (16h), le public peut apprécier les rayons de soleil à travers les vitraux, en découvrant la scène placée dans le chœur de l’édifice. Un équipe totalement dévouée à la cause et hyper sympa vous y accueille avec sourire et bienveillance : on se sent déjà comme à la maison. De bienveillance, il en est question lors du discours introductif en remerciant les bénévoles, les festivaliers ainsi que les sponsors et les artistes. Les exposants (Banshee, Malpermesita Records, GaetGore Guitars) et les stands de merchandising des groupes sont installés dans les bas-côtés sous les quatorze stations du chemin de croix.
De bienveillance, il n’en est plus pour nos oreilles, à l’arrivée du premier groupe : Vector. Dès les premiers accords, le son est fort et ça tabasse tout de suite. Les Audomarois, vêtus de battle vests, diffusent un Thrash novateurs avec, tout de même, de petites ressemblances avec leurs pairs et des titres “slayerisant”, avec des changements de rythme, de gros riffs, distorsions et double-caisse. Rémi, le chanteur, casquette à l’envers vissée sur la tête, le fil du micro en boucle comme à l’ancienne, crée un véritable échange avec le public en parlant beaucoup, le remerciant à maintes reprises. Si le frontman reste rivé au centre de la scène, les gratteux évoluent, se déplacent pour jouer en duo, en observant le premier pogo et circle pit. Vector décoche 8 titres hargneux, issus de leur EP, Death of My Soul, sorti en 2023, tels "Scream Warfare", "Riding the Reaper", "Nothing Left to Kill", mais nous gratifie également de nouveautés comme le mélodique "Bring Back the Sun", extrait de l’album qui sortira l’année prochaine et d'une reprise de Death, "Zombie Ritual", interprété avec Flo Butcher (Balance of Terror...). L’énergie de l’auditoire est déjà à un haut niveau pour accueillir le deuxième groupe.

Les voisins de Bruay-la-Buissière, Dagon, renaissent comme un phœnix. Créé en 1990 et auteur de deux démos, acteur d’un split-fleuve en compagnie de Putrid Offal et Supuration, en 1992, Dagon revient ravir nos oreilles grâce à son Death Metal au rythme lent et au dernier petit nouveau, Valère, guitariste et fils du frontman. Guillaume monte sur scène et on peut dire qu’il n’a rien perdu de sa superbe : la voix est puissante, sans forcer. “Merci, comment ça va, Haeresis?” sous le regard paisible du bassiste. Et ça commence très fort avec "Dwellers of the Styx" de la première démo de 1991, tout comme "Emotionnal Drought. “Pour ceux qui nous connaissent, nous rappelons que Dagon s’est formé il y a une trentaine d’années”. "It (That is Not to Be Named)", et "Dagon" arriveront par la suite. Avec la gestuelle typique du Death Metal à l’ancienne, de longues parties instrumentales, une basse retentissante, Dagon étrille sa discographie qui sera désormais réunie dans la compilation Aeonthology à partir du 28 Juin avec Edge of Demise et Relieve My Pain. Deux cadeaux vont nous être offerts : un nouveau titre ("Thillinghast") et "Out Of the Body", une reprise de Pestilence. Le public de quinquagénaires est absolument ravi de ce revival et applaudit de façon plus que généreuse Dagon

.Le soir tombe et les derniers rayons de soleil inondent les vitraux contemporains… Une ambiance particulière pour accueillir Absynth. Amateurs de Winter et de My Dying Bride, vous allez être servis. Les Carolorégiens nous distillent un Doom psychédélique avec de très longs morceaux à commencer par le très lourd "Unwind my Wheel", issu de Bicolar Tantra, sorti l’année dernière. L’intro est lente, l'accélération du rythme se fait sans précipitation jusqu’à un growl sorti d’on ne sait où. De nouveauté à rareté, il n’y a qu’un accord, avec "Hell", de l’EP de 2017 du nom du groupe. Le quatuor reste assez statique ce qui alourdit encore l’ambiance surtout pendant "PCP (Psychiatric Carcerale Psychopathie"… Tout un programme !), "Black Land Ritual" et "Heroin Hero" de Plèbe 2178. Le set s’achève par "Cycle of Non-Existence" et "Satan. Absynth" a littéralement hypnotisé l’auditoire qui reste longtemps avec le Horns Up levé.

Le calme avant la tempête, la glace avant le feu de Alkhemia. Et on peut dire que les Lillois ont le vent en poupe actuellement : Abraxas, sorti il y a un an, est une pure merveille de Black Metal furieux. Le groupe fait la tournée des festivals et vont se produire dans les Pays Baltes, la Pologne, L’Autriche, l’Allemagne et surtout au Cosmic Void Fest de Londres, en septembre prochain, aux côtés de Lifelover, et Absu. Alors, ce soir, Alkhemia prend une grande bouffée d’air nordiste et nous offre une très belle prestation. Les balances sont déjà fortes et le public sait à quoi s’attendre de ce phénomène.
Des torches hautes, dont certaines sont ornées du logo découpé dans le Metal, sont allumées. Sur fond sonore inquiétant, Alex, le batteur arrive, et s’installe poing levé , suivi d’A.S.A., Thomas, le nouveau guitariste et Maxime “Le Prince” Beiler, attendant dos au public. Sur l’intro dérangeante de "Homopresence", James Spar traverse le podium, deux torchères à la main, les plantant dans le sol. Le frontman, dans une tenue déchirée et épurée, est en forme olympique et semble être monté sur ressort. Il hurle, est violent dans ses gestes, headbangue, faisant tourbillonner ses dreads sous les accords et les riffs. Ce soir, ce n’est pas une répétition générale, Alkhemia passe en revue tout son album. Parfois les 3 gratteux occupent le devant de la scène tels les gardiens du Sérail, parfois restent à leurs places, semblant profiter de l’instant présent et du lieu unique ainsi que de l’osmose avec le public que James provoque de sa voix infernale. Le temps passe vite, trop vite. Le chanteur revient avec ses bâtons enflammés… “C’est la dernière pour ce soir, je veux vous entendre avec nous”. L’ambiance est à son paroxysme jusqu’à la traditionnelle photo avec le public. Merci Alkhemia pour cette superbe prestation et surtout bonne route à vous !

Plus loin, plus haut, plus fort ! Ce soir, ce n’est pas la devise de Pierre de Coubertin mais bien celle du Haeresis avec l’arrivée de Bliss Of Flesh et son Black/Death unique. Le quintet arrive sur scène et ça joue fort immédiatement. Si l’ensemble du groupe est impressionnant, c’est grâce à une énergie débordante de tous les acteurs, occupant la totalité de l’espace. Necurat, le frontman barbu, torse nu, le visage noirci, le bras chargé d’un bracelet clouté, monopolise les regards, en entamant le chant de Serve, au rythme changeant, sur fond d’accords et de batterie dominante. Bliss Of Flesh se concentre essentiellement sur l’album Tyrant , le dernier sorti en 2020, le jouant presque en totalité et dans l’ordre : suivront Genesis, sa voix de profundis et les trémolos de cordes, Vanitas, pendant lequel Necurat se boulonne à son micro et slamme à s’en décrocher le crâne, pendant les parties instrumentales rapides. "Krieg", "Hexis" et "Tyrant" arrivent plus tard. Malgré un décor plutôt sobre, Necurat utilise la coupe enflammée, telle le "Calice" maudit porté à bout de bras, et traditionnellement, se coiffe de la couronne d’épines, clou du spectacle (couronne d’épines, clou… le champ lexical est ma Passion) sous les immaculés lights blancs. Entre deux, Bliss Of Flesh nous offre un premier nouveau titre qui figurera sur l’album prévu en octobre et Pariah de l’opus de 2013 Beati Pauperes Spiritu pour achever le set avec un second nouveau morceau. Pendant 50 minutes, le combo nous a donné un magnifique concert où l’entente entre tous les musiciens était perceptible, un Metal lourd et magique, parfois tribal et mystique… Toute la délicatesse dans la rage. Vivement Octobre et le nouvel album.

Il est évident qu’un jour ou l’autre les Bâtisseurs de Cathédrales viendront jouer dans cette église. Philippe Courtois, alias, S.A.S. de l’Argilière, Jean-Jacques Morléac, Gaël Feret et Anthony Scemama ont actuellement une actualité plutôt chargée en ce moment avec le dernier volet d’Argile, Spleen Angel et surtout ce rêve de gosse : réenregistrer leurs classiques aux légendaires Morrisound Studios de Tampa en Floride, pour donner le fabuleux Death Ascent. Avec 11 albums et 37 ans de carrière, il doit être difficile de monter une setlist. Alors, ce soir, Misanthrope pioche dans sa discographie comme un enfant dans un paquet de bonbons… Et de gourmandises, il en est question dès le début.
Les musiciens entrent sur scène sur fond de cordes frappées de piano. Arrive S.A.S., lunettes noires sur le nez. Et boum ! Direct du gros son pour un public ravi avec "Dandy de Bohême" de l’album IrréméDiable et "La Fabrique du Fataliste" de Alpha X Omega, pendant lequel le chanteur slamme et crée un duo avec Jean-Jacques. On est prévenu ; ce soir, on va avoir droit à du très grand Misanthrope. Le frontman lève un bonne bouteille de vin rouge avant d’entamer "Haïsseur de l’Humanité" de 2023 et son chant puisé au plus profond, retire ses lunettes pour fixer le public dédié à la cause du groupe : “Merci beaucoup, ça fait chaud au coeur. Est-ce que vous voulez une chanson écrite il y a 25 ans ?”. Le rythme s’affole pendant "Les Empereurs du Néant". Ce n’est pas un simple titre, il s’agit d’un échange entre l’auditoire et le combo angevin. “J’adore les Hauts de France”.

Puis suivent "Bonaparte", "Aenigma Mystica", "Le Roman Noir", "Tranchées 1914", "L’Ecume des Chouans", et "Passion Millionnaire". Le bouquet final est sur le point d’arriver. Le public déchaîné se voit asséner "1666…Theatre Bizarre" de 1995, "Sentiment Nocturne, Aux Portes de la Basilique de Gilles de Rais" pour être définitivement sacrifié sur l’autel avec "Bâtisseur de Cathédrales". Comme à son accoutumé, le Misanthrope est… Philanthrope, remerciant 1000 fois les personnes présentes, et en lui donnant rendez-vous au stand Merch pour boire un coup. Aeternitas !
Ite Missa Est ! L’église sainte-Marguerite referme ses lourdes portes sur cette très belle édition d’Haeresis Metal Fest. Nous ne pouvons que féliciter et remercier les organisateurs, les bénévoles et les artistes, tous heureux de nous avoir offert une magnifique cérémonie. À l’année prochaine, avec d’ores et déjà, trois groupes annoncés : Until Dead, Sangdragon et Houle.