DANS TON ART - Alcest

Le premier de chaque mois, notre rédacteur Flavien Minne vous raconte la petite histoire des artworks qui ont fait les grands albums, voire les grands groupes. Ce mois-ci, il se penche sur Alcest et la pochette de Les Chants De L’Aurore, inspirée d’une toile majeure mais trop inconnue sur le vieux continent : deux œuvres d’art pour un chef-d’œuvre musical.

Par Flavien Minne

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Le 21 juin 2024, Alcest dévoile son septième album : Les Chants De L’Aurore chez Nuclear Blast. Les cinq années qui ont précédé cette sortie ont été salvatrices. L’épidémie de covid-19 a eu du bon pour le duo. Alcest prenait quasiment tout le temps et l’énergie de Neige, qui a frisé le burn-out après la sortie du sombre Spiritual Instinct (2019). Les Chants De L’Aurore offre une vision plus enjouée d’Alcest, à l’image de « Komorebi », le premier titre de l’opus, qui donne juste envie de danser dans les rayons du soleil filtrés par les feuilles des arbres... voilà d’ailleurs ce qu’est un “komorebi” dans la culture japonaise ! Même ressenti sur l’amoureux « Flamme Jumelle » ou encore pour le poème de Guillaume Apollinaire, mis en musique dans le titre « L’Adieu » .

À l’origine, Alcest était intéressé par les représentations de l’esprit de la nature de la toile Spirit Of The Plains de l’Australien Sydney Long, (Sydney… Australie… Bon, ok, j’arrête !) peinte en 1897 et exposée à Canberra à la National Gallery Of Australia. Sydney Long voit le jour en Nouvelle-Galles du Sud en 1871. S’inspirant d’abord de l'Impressionnisme et de l'École de Heidelberg (initiée par Tom Roberts et active de 1881 à 1891), il développe ensuite son propre style à travers un Art Nouveau australien basé sur la faune et la flore des bushs qui s’inspire de la mythologie locale. Sydney Long s’éteindra le 23 janvier 1955, laissant un héritage culturel de près de 450 œuvres.

L’Art Nouveau, appelé également “Style Nouille”, est un courant artistique ayant connu ses grandes heures de 1890 à la Première Guerre mondiale. Les artistes travaillent bien évidemment sur bois, toile et pierre, mais aussi sur des matériaux redécouverts tels que le verre et le fer forgé. La femme, figure centrale, souvent stylisée et idéalisée avec une longue chevelure flottante, incarne la beauté de la nature au milieu de lignes courbes et sinueuses représentant les motifs végétaux. Parmi les artistes européens les plus célèbres, on compte Hector Guimard et ses bouches du métro parisien, le maître-verrier de Nancy Émile Gallé, l’architecte belge Victor Horta, l’Espagnol Gaudí et sa Sagrada Família ainsi que le peintre autrichien Gustav Klimt et son Baiser.

Mais revenons outre-Pacifique… L'œuvre la plus emblématique de Sydney Long est notre Spirit Of The Plains. L’artiste utilise tous les codes de l’Art Nouveau à la sauce australienne : la figure féminine, incarnation de la nature et de l’harmonie entre l’homme et le monde sauvage; les grues brolga, oiseaux au cou sinueux, connus pour leur danse nuptiale qui représentent la vie animale australienne; et enfin le paysage idéalisé des plaines et la lumière douce de l’île géante.

La toile est idéale pour l’artwork de Les Chants De L’Aurore... à un détail près : sa composition. Spirit Of The Plains est peint sur un canevas rectangulaire et les éléments sont trop éloignés les uns des autres. La toile de Long est… trop longue. Bref, il est impossible de la retranscrire en pochette carrée, à moins de la redessiner. Neige et Winterhalter font alors appel à un talentueux artiste : Yoann Lossel.

Yoann Lossel voit le jour à Strasbourg en 1985. Après avoir été diplômé à l’Ecole Pivaut de Nantes, il part s’installer dans la forêt de Brocéliande. Travaillant la feuille d’or, il s’inspire des mythes et légendes, avec une approche de la nature des plus particulières : Yoann Lossel était l’artiste désigné pour ce genre de travail ! Sa représentation incarne la transition du jour et de la nuit, thème qu’affectionne tout particulièrement le groupe. On y voit une femme semblant faire danser les grues au cœur de l’aube faite d’or - la palette chromatique plutôt chaude incarnant le renouveau.

Cette pochette n’est pas qu’un simple artwork, c’est une continuité des textes de l’album, annonçant ainsi le voyage spirituel du Blackgaze d’Alcest. Une très belle union entre art visuel et musical. Mais Yoann Lossel ne s’arrête pas à l’image figée : nous vous laissons admirer la vidéo officielle qu’il a réalisée pour le titre « L’Envol ».